En pleine polémique sur le recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence, le ministère de l'Intérieur a lâché du lest mercredi sur son projet de loi immigration prévu pour 2018, en renonçant à une mesure très contestée sur les demandeurs d'asile.
Alors que le débat a gagné les rangs de la majorité, Emmanuel Macron a vanté une "politique équilibrée" mercredi en Conseil des ministres, selon le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. Le chef de l'Etat a aussi "rappelé" qu'une "politique équilibrée" était "faite d'humanité mais aussi d'honnêteté, à savoir que nous ne pouvons pas accueillir la totalité des personnes demandeuses du droit d'asile", a affirmé M. Griveaux.
"La notion de +pays tiers sûr+ ne figurera pas dans le texte", qui est "encore en calage", a déclaré une source au ministère de l'Intérieur, confirmant des propos du député LREM Sacha Houlié et une information de RTL.
M. Houlié avait indiqué s'être entretenu mardi soir avec le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. "Il nous a assuré que ce ne serait pas repris dans les textes qui seront présentés en 2018", a-t-il dit sur Europe 1.
Cette notion, qui figurait dans la version préliminaire du projet de loi consultée par l'AFP, permet de renvoyer un demandeur d'asile vers un pays par lequel il a transité, s'il apparaît que ses liens avec le pays sont assez forts et qu'il y bénéficie d'un niveau de protection conforme à la convention de Genève sur les réfugiés.
Cette notion figurait surtout dans le texte pour permettre le renvoi vers le Brésil de demandeurs d'asile arrivés en Guyane, qui fait face à une immigration haïtienne massive. Mais elle a été utilisée par l'UE pour renvoyer des réfugiés syriens en Turquie.
- "Geste d'apaisement?" -
La notion de "pays tiers sûr" est très contestée, même si, à l'Intérieur, on soulignait qu'il n'était pas question de classer comme tels des pays du sud de la Méditerranée.
Ainsi la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l'homme) estime le concept "non conforme" à la Constitution: alors que le projet de loi doit être présenté début janvier au Conseil d'Etat, il pouvait y avoir un risque de saisine du Conseil constitutionnel, que l'exécutif n'a visiblement pas voulu courir.
La CNCDH avait appelé mardi le gouvernement "à renoncer" à cette notion "qui vide le droit d'asile de sa substance et confirme son instrumentalisation au service de la régulation de flux migratoires".
Pour ses détracteurs, une telle notion aurait risqué au pire de priver les demandeurs d'asile d'un examen de leur demande, au mieux de les placer en procédure accélérée. "Et s'ils venaient d'un pays tiers sûr, le rejet de leur demande était assuré", a déclaré à l'AFP Jean-Claude Mas, le secrétaire général de la Cimade.
M. Mas s'est félicité de cette décision, qui "montre que le gouvernement est prêt à écouter les oppositions".
Sur l'immigration, celles-ci peuvent être vives, comme le montre la polémique autour du futur recensement des migrants.
A ce sujet, le porte-parole du gouvernement a voulu "marteler le message qu'il n'est en rien question de sortir des familles dans les centres et de les remettre à la rue", une position "fermement" rappelée par Emmanuel Macron.
Les associations, qui seront reçues jeudi par M. Collomb et le Premier ministre Edouard Philippe, sont vent debout contre ce recensement qu'elles assimilent à un "tri". Mais le projet "a créé une grande tension et un grand trouble, y compris au sein de la République en marche", souligne Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile.
M. Philippe a assuré mercredi que l'objectif du gouvernement "n'est pas de revenir sur l'inconditionnalité de l'accueil" mais de faire en sorte "qu'on améliore très nettement (...) la façon dont la France accueille les demandeurs d'asile".
Faut-il voir dans le retrait de la notion de "pays tiers sûr" un geste d'apaisement? "Il y a des gages qui nous sont donnés, une discussion" autour du projet de loi, a estimé Sacha Houlié.
S/AFP/Africsol
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