A Abidjan ou même ailleurs, c'était devenu un secret de polichinelle. "Je suis donc candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020", a déclaré le président ivoirien Alassane Ouattara lors du traditionnel discours télévisé prononcé à la veille de la fête nationale ivoirienne célébrée le 7 août.
"Je peux vous assurer que cette décision, mûrement réfléchie, est un devoir que j’accepte dans l’intérêt supérieur de la Nation ; afin de continuer de mettre, sans relâche, mon expérience au service de notre pays. Compte tenu de l’importance que j’accorde à mes engagements et à la parole donnée, cette décision représente un vrai sacrifice pour moi, que j’assume pleinement, par amour pour mon pays. Par cette décision, je veux aussi prendre le temps d’achever de préparer la relève."
Du moins, une autre relève depuis la disparition d'Amadou Gon Coulibaly, dauphin que s'était choisi le président ivoirien après avoir assuré qu'il ne serait pas candidat à sa propre succession en mars. Le décès le 8 juillet 2020 de l'ancien Premier ministre et canditat désigné du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition au pouvoir) à la présidentielle du 31 octobre "a laissé un vide au niveau de l’équipe que j’avais mise en place pour poursuivre et consolider le programme de développement économique et social pour lequel vous m’avez fait confiance", a expliqué le chef de l'Etat ivoirien.
Le scrutin présidentiel d'octobre s'annonce comme le plus disputé depuis celui de 2010, au cours duquel la victoire d'Alassane Ouattara contre l'ancien président Laurent Gbagbo avait déclenché une guerre civile de plusieurs mois qui avait fait 3.000 morts. Le récent "sacrifice" du président ivoirien rajoute de la tension a une élection qui ne se présente pas sous les meilleures augures. Revue de détail.
Une candidature controversée
"Le président a libéré tout le monde. Il faut savoir faire la passe", avait affirmé Véronique Aka, députée du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ancien allié du régime) en mars dernier au moment où Alassane Ouattara avait annoncé ne pas briguer de troisième mandat. La donne vient de changer.
D'autant qu'adversaires politiques et ONG de la société civile contestent au chef de l'Etat ivoirien le droit d'être de nouveau candidat à la présidentielle. La Constitution ivoirienne limite à deux le nombre des mandats présidentiels mais le chef de l'Etat estime que le changement de Constitution en 2016, après sa réélection, lui donne légalement le droit de se présenter. Les compteurs étant, selon le camp présidentiel, remis à 0. L'opposition soutient, elle, que l'esprit de la Constitution le lui interdit.
"Tous les experts qui ont participé à la rédaction de cette Constitution ont été unanimes pour dire que (cette dernière) s'inscrit dans la logique de la Constitution de 2000 et que le mandat de M. Ouattara prend fin (en 2020). Je ne vois pas comment, aussi bien sur le plan juridique que sur le principe de l'honneur, M. Ouattara peut briguer un troisième mandat", confiait récemment à France 24 Pascal Affi N'Guessan, candidat du Front populaire ivoirien (FPI). L'ex-Premier ministre dirige l'une des deux factions (celle reconnue par la justice ivoirienne) du parti créé par l'ancien président Laurent Gbagbo.
Quelqus jours plus tôt, toujours sur les antennes de la chaîne française, l'ex-président Henri Konan Bédié et leader du PDCI, également candidat à la présidentielle, avait déclaré que la candidature d'Alassane Ouattara "serait illégale".
Après l'annonce du président ivoirien, le FPI a dénoncé une décision "déplorable". "La Côte d'Ivoire aurait pu donner un autre signal", a déclaré le porte-parole du parti d'opposition Issiaka Sangaré.
L'impartialité de la commission électorale remise en cause
L'opposition ivoirienne avait demandé fin juin que le gouvernement reprenne la réforme de la Commission électorale indépendante (CEI), dont elle conteste l'impartialité à la suite d'un arrêt de la a Cour africaine des droits de l'Homme (CADH) qu'elle avait saisie.
Dans un communiqué, publié récemment, l'opposition exige en particulier "la dissolution de toutes les commissions (électorales) locales", que la Cour africaine a jugées déséquilibrées en faveur du parti au pouvoir, "un cuisant revers pour le gouvernement", selon l'opposition ivoirienne. De son côté, le pouvoir estime que la CADH a jugé que la CEI était équilibrée et indépendante.
Une galaxie d'anciens alliés de Ouattara dans la course présidentielle
La liste des prétendants à la magistrature suprême est longue. Guillaume Soro, 47 ans, l'ex-chef de la rébellion pro-Ouattara et ancien président de l'Assemblée nationale est le premier à s'être déclaré candidat à la présidentielle. Il est devenu aujourd'hui l'un des adversaires du régime ivoirien. Accusé de complot, sous le coup d'un mandat d'arrêt en Côte d'Ivoire, il vit actuellement en France.
L'ex-ministre ivoirien Albert Mabri Toikeusse, 58 ans, est le dernier en date à viser le fauteuil présidentiel. Son parti, l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI), s'est retiré de la coalition au pouvoir et est désormais dans "l'opposition".
L'ex-président Henri Konan Bédié, 86 ans, a été désigné le 27 juillet avec 99,7% des voix candidat à la présidentielle du PDCI, l'incontournable allié du président Ouattara devenu le principal mouvement d'opposition.
De même, l'opposant Pascal Affi N'Guessan, 67 ans, compte lui "fermer la sanglante parenthèse" des crises intervenues depuis deux décennies en Côte d'Ivoire en se portant candidat à la magistrature pour le FPI, le deuxième parti d'opposition. Une formation politique divisée depuis le transfèrement à la Cour pénale internationale (CPI) de son fondateur, Laurent Gbagbo. Ce dernier est en liberté conditionnelle à Bruxelles, la capitale belge, après son acquittement par et dans l'attente d'un passeport ivoirien.
Marcel Amon-Tanoh, l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Alassane Ouattara, a lui aussi annoncé le 22 juillet son intention de se lancer dans la course présidentielle.
S/FRANCEINFO/Africsol
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