Avant de rencontrer Merkel ce vendredi à Marseille, le chef de l'Etat était jeudi au Luxembourg pour défendre, avec les dirigeants du Benelux, «les valeurs» de l'UE contre les nationalistes.

D’excellente humeur, visiblement ravi d’accueillir le président Français, le Premier ministre Luxembourgeois Xavier Bettel a donné le ton jeudi soir en ouvrant la «consultation citoyenne» sur l’Europe. «J’ai un grand-père russe orthodoxe, un grand-père juif polonais, des parents catholiques, un mari belge», a-t-il expliqué, ajoutant d’un ton amusé que ses qualités de «libéral, homosexuel» auraient pu lui valoir, en d’autres temps, quelques ennuis. Peut-être même, qui sait, aurait-il été «condamné à mort» ? Avec cette entrée en matière, il entendait signifier qu’il était à 45 ans un pur produit de l’Union européenne, farouchement attaché à ses «valeurs». A en juger par leurs acclamations, les quelque 1 500 personnes réunies à la Philharmonie Luxembourg en étaient convaincues. Aux côtés de son ami du Grand-Duché, Emmanuel Macron ne boudait pas son plaisir. Car c’est pour l’entendre, lui, Macron, qu’ils sont venus si nombreux. Les réservations en ligne ont afflué dès qu’a été annoncée sa venue. «En moins de deux heures», toutes les places de la grande salle de concert étaient prises, a confié Bettel, admiratif.

Consultations européennes

Plombé dans l’Hexagone où il jouit d’une impopularité record, le chef de l’Etat doit se rendre à l’étranger pour goûter encore à ce qui faisait la «magie» de ses premiers mois de mandat. A Luxembourg, c’est encore une curiosité bienveillante qui anime ceux qui vont à la rencontre de l’impétueux président. Cosmopolite et europhile, le public est à l’image de la population de la ville qui accueille de nombreuses institutions de l’UE. Hormis quelques interpellations critiques sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite ou même sur cette «Europe des marchés» dont il serait le vrai leader, l’immense majorité des participants approuvent ardemment le combat européen de Macron, cette «confrontation» avec les nationalistes dont il se propose de prendre la tête à l’occasion des élections européennes de mai.

Il y a tout juste un an, au plus fort de son état de grâce postélectoral, le chef de l’Etat avait proposé d’organiser, partout en Europe, des exercices de démocratie participative pour restaurer le lien entre les peuples et la construction européenne. «Je souhaite avec ardeur que, dans chacun des Etats membres, nous puissions pendant six mois organiser des consultations démocratiques qui seront le temps durant lequel partout dans nos pays nos peuples discuteront de l’Europe dont ils veulent»,avait-il proclamé le 7 septembre 2017 à Athènes, face à l’Acropole, sur la colline de la Pnyx. A Paris, le ministère des Affaires européennes assure que près de 700 événements labellisés auraient réuni en France environ 20 000 participants. Macron, lui, avait inauguré l’exercice à Epinal le 17 avril devant quelque 300 sympathisants macronistes. Le public était tellement acquis que le chef de l’Etat lui-même avait fini par réclamer que quelqu’un, dans la salle, veuille bien exprimer «des critiques ou des doutes». En vain. Depuis, il n’a participé à des conventions citoyennes qu’en marge de ses déplacements étrangers : à Lisbonne le 27 juillet, puis à Copenhague le 28 août. Selon Paris, tous les pays de l’UE, à l’exception de la Hongrie, auraient accepté de jouer le jeu, avec plus ou moins d’entrain.

Pour une solution «progressiste et efficace»

Pour Macron, ces rencontres avec des publics largement acquis à sa cause préparent la bataille électorale du printemps prochain. Elles lui offrent l’occasion de roder son argumentaire sur une Europe qui protège, sans renoncer à ses valeurs. Revenant sur la cacophonie européenne autour de la question des migrants, il proclame la nécessité de faire respecter le droit d’asile en sanctionnant les Etats contrevenant, en l’occurrence la Hongrie et la Pologne. «Je suis pour qu’on soit clairs et fermes avec tous les pays qui ne respectent plus l’Etat de droit, la base de ce qui est au fondement même de nos traités, et du Conseil de l’Europe. On ne doit transiger en rien», a-t-il martelé jeudi, sous le regard approbateur de Xavier Bettel. Quelques heures plus tôt, les deux hommes avaient déjeuné avec les Premiers ministres belge, Charles Michel, et néerlandais, Mark Rutte. Les quatre convives ont notamment évoqué la préparation du sommet de Salzbourg qui sera consacré, le 20 septembre prochain, à la question migratoire. A huit mois des européennes, ce rendez-vous sera aussi le premier acte de «la confrontation» que Macron appelle de ses vœux. Ils sont convenus de défendre une solution «progressiste et efficace» contre les solutions«simplistes et inefficaces» prônées par président hongrois et son nouvel ami, le ministre de l’Intérieur italien d’extrême droite, Matteo Salvini.

Pour le président français, les progressistes doivent se retrouver autour de la «plateforme» dont il a défini les contours l’an dernier à la Sorbonne, dans son discours sur la refondation d’une UE plus intégrée et plus solidaire. Mais sans la bienveillance d’Angela Merkel, le projet a peu de chance d’aboutir. Or la chancelière a apporté mercredi son soutien au conservateur allemand Manfred Weber, candidat de la droite européenne (PPE) à la présidence de la Commission. Weber étant plutôt un défenseur de Viktor Orbán, ce soutien ne risque-t-il pas d’éloigner Merkel du camp que tente de fédérer Macron ? Interrogé sur ce point, le chef de l’Etat a rappelé jeudi que les décisions concrètes de la chancelière, la plaçaient «totalement du côté des progressistes». Selon lui, il appartient désormais au Parti populaire européen (PPE) de «clarifier ses positions», car on ne saurait se dire «à la fois aux côtés d’Angela Merkel et aux côtés de Viktor Orban». Le sujet sera  abordé, mais probablement pas tranché, ce vendredi après midi à Marseille où le président reçoit Angela Markel. Nullement pressée de lever ses ambiguïtés, cette dernière ne craint pas de se montrer, «en même temps», aux côtés de la droite européenne et aux côtés d’Emmanuel Macron.

S/LIBERATION/AFRICSOL

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