RFI recevait hier mercredi le porte-parole du RDR, le parti d’Alassane Ouattara, le président ivoirien. Ce matin la parole est à Jean-Louis Billon, porte-parole adjoint du PDCI, le parti d’Henri Konan Bedié qui s’est illustré le week-end dernier à Yamoussoukro lors d’un vaste meeting politique où les cadres ont laissé entendre qu’ils ne se joindraient pas au parti unifié de la majorité, le RHDP. En tout cas pas avant l’élection présidentielle de 2020 qui -selon un accord tacite- doit désigner un candidat issu du PDCI pour succéder à Alassane Ouattara. Une position qui a déchaîné la colère des RDR. Jean-Louis Billon leur répond au micro de notre correspondant permanent à Abidjan.
RFI : Le discours qu’on a entendu ce week-end à Yamoussoukro en hommage à Henri Konan Bédié est-ce que c’est reflet de ce que pense justement le président Bédié ?
Jean-Louis Billon : Oui, bien sûr. C’est, non seulement ce qu’il pense, mais c’est également ce qu’il veut. Et c’est également ce que veulent les militants du PDCI. Durant les rencontres de Yamoussoukro, nous nous sommes adressés aux militants du PDCI pour leur dire notre feuille de route pour 2020.
Cette feuille de route, c’est d’avoir un PDCI jusqu’à l’alternance de 2020 à la présidentielle de 2020. Pourquoi est-ce que vous avez tant insisté sur cet impératif de ne pas avoir de RHDP avant 2020 ?
Non, il ne s’agit pas de ne pas avoir de RDHP avant 2020. Nous sommes au sein de la coalition RDHP. Le RHDP est une coalition de partis autonomes. Là où nous divergeons, c’est que nous disons : la question du parti unifié interviendra après l’alternance de 2020. C’est une autre étape. Il faut que les esprits évoluent. Parce que, pour l’instant, personne ne veut abandonner son identité propre. Et si jamais les partis acceptent cette évolution, on peut partir vers le parti unifié. Pour l’instant, le PDCI reste le PDCI et nous aurons notre candidat pour l’élection présidentielle de 2020.
Vous dites que personne n’a envie d’abandonner son identité propre. C’est plus vrai pour le PDCI que pour le RDR. Le RDR, apparemment, cela ne le dérange pas de devenir un parti unifié avec le PDCI, le MFA, l’UDPCI, pour 2020.
Voyez-vous, et je m’exprime en reflétant la vie des militants et de notre président, nous avons la première formation politique de Côte d’Ivoire, la plus ancienne. Pour nous, le parti unifié existe déjà. C’est le PDCI-RDR. Les autres partis, à l’exception peut-être du FPI et des partis de gauche, sont issus du PDCI. Si nous nous réclamons de l’houphouëtisme, l’héritage politique de Félix Houphouët-Boigny c’est son parti politique. Revenons au PDCI tous et nous avons un parti unifié.
A Yamoussoukro, les militants ont lancé un appel à Henri Konan Bédié pour lui demander de se tenir prêt à gouverner. Est-ce que c’est un appel du pied ? Est-ce que c’est une possibilité qu’Henri Konan Bédié revienne à la présidence de la République ivoirienne ?
Il faudrait le lui demander directement. Je ne peux pas parler pour une décision aussi importante à sa place.
Le cercle proche des deux présidents - Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié -, affirme que ceux-ci, en 2015, se sont juré de ne pas aller aux prochaines élections présidentielles en 2020. Est-ce que c’est exact et est-ce que cela veut dire que le prochain président en 2020 ne sera ni Bédié ni Ouattara ?
Là, il faudrait leur demander directement. Vous parlez de cercle proche, mais rien n’a transpiré de leur rencontre.
Vous n’êtes pas dans leur cercle proche ?
Rien n’a transpiré de leur rencontre. Je pense que la position sera clarifiée assez vite. Donc, il n’y a pas lieu de s’exciter. Si certains sont sourds ou ne comprennent pas la position du PDCI, cela n’engage que ces personnes-là.
Est-ce que, politiquement, le PDCI a les moyens d’aller seul aux prochaines élections présidentielles ?
Le PDCI est allé seul plusieurs fois aux élections présidentielles. Je le répète, c’est la plus ancienne formation politique de Côte d’Ivoire, c’est la seule formation politique qui est présente sur l’ensemble du territoire national, dans tous les coins et recoins de Côte d’Ivoire. C’est celle qui intègre le plus. Oui, elle a les moyens d’y aller seule.
Toutes ces bisbilles, scènes de ménage, ces querelles en interne dans le parti majoritaire, est-ce que ce n’est pas un moyen de faire monter les enchères ?
Non quand même, nous n’en sommes plus là. En toute honnêteté, je pense que le quotidien des Ivoiriens est difficile. Ils aspirent à ce qu’on puisse apporter des réponses à leurs attentes. Et nous travaillons, nous, pour le futur, à améliorer notre projet de société pour 2020. On n’est pas dans une négociation de marché quelconque.
Certains, face à ces querelles, jouent les Cassandre ou les oiseaux de mauvais augure en annonçant des lendemains terribles pour la Côte d’Ivoire. S’il n’y a pas d’union de parti unifié RHDP pour 2020, est-ce que c’est raisonnable de jouer avec la peur des Ivoiriens, compte tenu de ce qu’ils ont déjà vécu en 2011 et en 2004 ?
Je vais vous dire. Qu’il s’agisse du PDCI et de tous les autres partis de Côte d’Ivoire il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Nous voulons, nous, travailler pour une réconciliation nationale vraie, plus de cohésion sociale et pour une paix durable. Nous allons le faire avec l’ensemble de nos partenaires politiques. Et, comme le disait le président Henri Konan Bédié, nous souhaitons une démocratie apaisée. Les querelles politiques existent dans toutes les démocraties du monde. Qu’elles se fassent en fair-play total, sans insulter qui que ce soit, et nous aurons une société beaucoup plus solide pour demain.
Vous parlez de fair-play. Et pourtant, on a entendu certains cadres du RDR vous traiter de politicien de salon. Dire que, Maurice Guikahué, qui était avec vous à Yamoussoukro, était un homme du passé… Ça, ce n’est pas très fair-play !
Oui, mais ce n’est pas grave. Ils perdent leur sang-froid, c’est tout. Et puis nous avançons… Quand ils sont à court d’arguments, ils vont un peu plus bas. Mais ils vont se reprendre. Je n’ai aucune inquiétude là-dessus. Nous sommes tous des Ivoiriens, on se connaît tous. Chacun doit avoir ses idées politiques, l’idéologie de son parti. Et c’est ce débat qui fait avancer les choses.
Pour conclure, un ticket pour 2020 avec un président qui serait, par exemple, candidat. Président candidat : Daniel Kablan Duncan, et un vice-président qui serait Amadou Gon Coulibaly cela vous satisferait ?
Il appartiendra aux militants et aux instances du parti de déterminer quel sera le ticket pour 2020.
Mais cette hypothèse vous conviendrait ?
Je n’ai rien à dire là-dessus. Mais ce que j’ai déjà dit c’est que 2020 sera une nouvelle génération.
S/RFI/AFRICSOL
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