Après trois semaines de mobilisation des Gilets jaunes et une dernière manifestation d’une violence inouïe ce samedi, Macron a demandé à son gouvernement de dialoguer et de prendre des mesures.

 

Après le chaos et l’explosion de la rue samedi, les images de ce dimanche ont frappé par leur silence. Celui d’Emmanuel Macron, tout juste débarqué de l’Airbus présidentiel de retour d’Argentine, se recueillant devant l’Arc de triomphe profané et ne pouvant que constater les terribles dégâts commis alentour. Avenue Kléber (XVIe arrondissement), avec ses boutiques dévastées, le président est accueilli par des applaudissements, des sifflets et des cris appelant à sa « démission ». Lui est resté mutique toute la journée de dimanche. « Pour prendre la parole, il faut avoir quelque chose à dire », lâche un conseiller du pouvoir. « Sans aucun doute, ça tâtonne », observe un député LREM.

Il est pourtant urgent, après trois week-ends - dont le dernier hyperviolent - de manifestations des Gilets jaunes, d’entendre sa réponse. D’autant que sur les barrages, dans les défilés, sur les réseaux sociaux, c’est lui qui est personnellement ciblé, directement interpellé. Et non son Premier ministre, qui monte vainement en première ligne face à cette crise politique. La plus grave que le tandem exécutif affronte depuis le début du quinquennat.

 

Climat d’insurrection

« La priorité absolue, c’est de rétablir l’ordre au sens sécuritaire et républicain », confie-t-on à l’Elysée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Bilan de ce samedi noir : 263 blessés dont 133 à Paris, 412 personnes interpellées dont 378 en garde à vue dans la capitale. Et un troisième décès en marge des barrages dans la nuit à Arles(Bouches-du-Rhône).

Phénomène inquiétant, relève un proche du président, « des citoyens qui ne sont pas des casseurs passent à l’action violente ». Un climat d’insurrection : « Il n’y a plus qu’à attendre la Révolution et aller en place publique voir les têtes tomber », plaisante un ministre pour dédramatiser. La première réunion de Macron à son retour était exclusivement consacrée, dans le salon vert de l’Elysée, à la sécurité. Faut-il, comme l’ont suggéré les ministres Christophe Castaner (Intérieur) et Benjamin Griveaux (porte-parole), réactiver l’état d’urgence ? De source gouvernementale au Parisien, la solution semblait écartée ce dimanche soir.

Une « attente sociale »

Mais voilà, un acte IV de la mobilisation est déjà programmé par des Gilets jaunes, appelant sur les réseaux sociaux à une nouvelle manifestation sur les Champs-Elysées samedi prochain. La place Beauvau et les forces de l’ordre envisagent toutes les possibilités, dont une interdiction pure et simple.

Reste le plus important, la réponse politique. « Ce mouvement reçoit un soutien massif de la population, on comprend très bien que ce soutien est motivé par une attente sociale », admet l’entourage du chef de l’Etat. C’est bien sur ce point que surfent toutes les oppositions, dont les chefs seront reçus à partir de lundi par Édouard Philippe - « histoire de les responsabiliser » selon un conseiller ministériel. Jusqu’à son propre camp qui pousse l’exécutif à faire enfin un geste. Quant aux Gilets jaunes eux-mêmes, leurs cahiers de revendications dépassent largement la seule question des prix du carburant…. même si l’une des représentantes conviées à Matignon fait du moratoire sur les taxes « un préalable » aux discussions.

« Direct au peuple »

Ce dimanche, après la réunion sécurité, Emmanuel Macron a consulté le fidèle Richard Ferrand, président de l’Assemblée, des élus locaux, des préfets. « Il a réfléchi à la situation, en a mesuré la complexité », assure un proche. Façon de dire que la réponse ne se cantonnera pas à ce qui est déjà sur la table. « Il y aura d’autres initiatives annoncées dans la semaine sur le volet économique et social, y compris liées aux dégâts subis par des commerçants et des entreprises », fait-on valoir à l’Elysée. Demande a été faite à Bercy de plancher sur ce point précis.

Cette tentative pour reprendre la main permettra-t-elle de renouer le dialogue et d’apaiser le pays ? « Direct au peuple », vantait un conseiller du président l’année dernière. Cela lui revient désormais comme un boomerang. Car, souligne un Marcheur, « cette relation avec les Français est à double tranchant ».

S/P/AFRICSOL

Commentaires