Après 17 années d'exil et de clandestinité, Soumaïla Doumbia alias Doumbia Major est rentré à Abidjan dimanche 31 décembre. Relations avec Alassane Ouattara et Guillaume Soro, engagement politique, présidentielle de 2020, cette ancienne figure de la rébellion fait le point sur son passé et ses ambitions.

Ne l’appelez plus « Major », mais « Docteur ». Alors qu’après 17 années d’exil et de clandestinité il a fait son retour en Côte d’Ivoire le 31 décembre dernier, Soumaïla Doumbia veut ainsi faire oublier son passé guerrier et gagner en respectabilité. Ancienne figure de la Fesci, le principal syndicat étudiant, membre de la rébellion dès le début des années 2000 et longtemps réputé proche d’IB (Ibrahim Coulibaly, tué en 2011), il a entretenu des relations tumultueuses avec Guillaume Soro. À la tête d’un petit parti, le Congrès panafricain pour le renouveau (CPR), à 45 ans, il entend désormais jouer un rôle politique de premier plan en Côte d’Ivoire.

Jeune Afrique : Pourquoi avez-vous décidé de rentrer d’exil ?

Soumaïla Doumbia : À plusieurs reprises, le président Alassane Ouattara a demandé à tous les exilés de rentrer, et nous avons pensé que désormais le bon moment était enfin arrivé. Auparavant, ce n’était pas possible, car nous estimions qu’au sein même du pouvoir certaines personnes possédaient des armes et pouvaient se servir de l’appareil d’État, de l’appareil militaire, contre nous.

Aujourd’hui, nous pensons que ceux qui nous voient comme des adversaires ou des futurs concurrents ne peuvent plus utiliser ces moyens-là pour nous nuire.

À qui faites-vous allusion ? À Guillaume Soro ?

Je ne veux pas citer de nom. Je suis dans une dynamique de paix et je souhaite discuter avec tout le monde, y compris avec Guillaume Soro. Hier, j’ai ainsi rencontré un de ses proches, Sidiki Konaté, qui m’a fait l’amitié de me recevoir.

Vous avez longtemps été proche d’IB qui était un rival de Guillaume Soro au sein de la rébellion, quelles sont aujourd’hui vos relations avec le président de l’Assemblée nationale ivoirienne ?

D’Alassane Ouattara à Guillaume Soro, tous ont été proches d’IB. Moi aussi, mais à partir de 2005, j’ai pris mes distances et je ne me considère pas comme son héritier.

Par le passé, Guillaume Soro a eu un conflit avec IB, et peut-être a-t-il été chagriné par le fait que je ne le soutienne pas dans cette querelle alors que nous nous connaissions depuis le temps où nous étions militants de la Fesci. Il y a eu des incompréhensions, mais aujourd’hui je considère que Guillaume Soro est mon frère.

Qu’avez-vous fait pendant ces années d’exil ?

Ces années d’exil n’ont pas été de tout repos. J’étais par moment en France – où j’ai obtenu le statut de réfugié -, par moment en Afrique où j’ai risqué ma vie parce que j’estimais qu’il était important de terminer ce qu’on avait commencé. [Soumaïla Doumbia a fait plusieurs incursions sur le territoire ivoirien pour rejoindre la rébellion, NDLR]

J’ai aussi passé deux masters à l’université de Créteil, en ingénierie des projets et en communication politique et fait un doctorat. J’ai eu la possibilité de développer des entreprises, c’est pour cela que j’ai été au Congo où j’ai été arrêté et expulsé. À l’époque, on m’a même accusé de vouloir déstabiliser la Côte d’Ivoire et de recruter des mercenaires pour tuer Alassane Ouattara et Guillaume Soro !

J’ai aussi appris beaucoup de métiers. Ce n’était pas un long fleuve tranquille j’ai toujours suivi ce qui se passait dans mon pays.

Vous dites avoir passé 17 ans en exil, mais vous êtes revenu en Côte d’Ivoire depuis, notamment pendant la rébellion. Avant votre retour, le 31 décembre, à quand remontait votre dernier voyage dans le pays ?  

Peut-être suis-je revenu en Côte d’Ivoire, mais toujours dans la clandestinité. C’est ce que certains combats exigent. Mais je ne veux pas révéler de détail, je réserve cela pour mes Mémoires.

Le 27 décembre, vous êtes allés voir Charles Blé Goudé dans la prison de la Cour pénale internationale, aux Pays-Bas. Que lui avez-vous dit ?

C’est vrai que j’ai vécu des choses difficiles, j’ai même été torturé. Mais désormais, j’ai pensé qu’il était temps de discuter, chacun doit laisser ses rancunes et ses haines de côté. Comment appeler à la réconciliation si moi-même je n’arrive pas à me réconcilier avec Blé Goudé, avec Soro, avec Ouattara ?

Quelles sont vos relations avec Alassane Ouattara ?

À un moment, il y a eu des incompréhensions entre nous, il a eu des informations erronées, mais je n’ai aucune animosité envers lui. Je crois que le temps a permis à Alassane Ouattara de se rendre compte de la vérité.

Vous êtes à la tête d’un parti politique, le Congrès pour le renouveau. Quelles sont aujourd’hui vos ambitions ?

Je veux être un acteur de paix.

L’élection présidentielle est prévue pour 2020, serez-vous candidat ?

2020, c’est dans plus de deux ans. Pour arriver jusque-là, il faut encore traverser 2018 et 2019. Le président Ouattara a dit qu’il se prononcerait en 2020. Moi aussi.

S/JA/AFRICSOL

 

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