En gestation depuis plus d'un an, le nouveau plan du gouvernement contre le trafic de stupéfiants est dévoilé mardi à Marseille par un quatuor de ministres, avec à la clé une très attendue réforme de l'office "anti-stups".
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'Etat Laurent Nuñez mais aussi la garde des Sceaux, Nicole Belloubet et le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin dont dépendent les Douanes, se rendront dans un centre social et donneront une conférence de presse à l’Évêché, l'hôtel de police de la cité phocéenne.
Théâtre de réguliers et sanglants règlements de comptes sur fond de trafic de stupéfiants, la ville a encore enregistré ce week-end une dizaine de personnes blessées par balles dans deux cités des quartiers nord.
Mais Marseille est aussi un territoire précurseur dans la méthode dite du "pilotage renforcé" qui s'appuie sur le décloisonnement du renseignement criminel entre différents services, avec des résultats jugés "probants" par les autorités en matière de lutte contre les stupéfiants.
Initiée depuis 2015 par plusieurs "figures" de la sécurité à Marseille dont certains ont depuis rejoint les couloirs de la place Beauvau, à l'instar de M. Nuñez, cette approche collective pourrait servir de fil rouge au plan "stups" dont les détails n'ont pas été dévoilés par les ministères concernés.
Initialement annoncé pour l'été 2018 par le président Emmanuel Macron lors de la présentation de mesures en faveur des banlieues, ce plan "anti-stups" a pâti des tempêtes politiques et sociales qui ont secoué l'exécutif depuis plus d'un an, entre affaire Benalla, démission fracassante de Gérard Collomb ou encore crise des "gilets jaunes", et ont retardé son lancement.
Plusieurs sources proches du dossier ont également fait valoir que ce plan avait fait l'objet d'âpres discussions entre ministères et administrations, notamment sur le projet très sensible de réorganisation de l'office "anti-stups".
Éventé depuis plusieurs mois dans la presse, le projet de refonte de l'Office central pour la répression du trafic illégal de stupéfiants (Ocrtis) est attendu comme l'une des principales mesures du plan, avec à la clé changement de nom, réforme de son pilotage et désignation comme "chef de file" de la lutte antidrogues sur le modèle de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en matière d'antiterrorisme.
- 100 tonnes de cannabis saisis en 2018 -
C'est une commissaire de police qui est pressentie pour prendre la tête du nouvel office qui reste dans le giron de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) avec une équipe néanmoins désormais ouverte aux gendarmes, douaniers et magistrats. L’acronyme "OFAST" paraissait tenir la corde pour désigner le nouvel ensemble.
"La clé est dans notre capacité à travailler tous ensemble", relève un haut responsable policier, "de beaucoup plus travailler en renseignement et de supprimer les concurrences stériles entre tous les acteurs".
La création de ce nouvel office pourrait définitivement tourner la page des récents scandales qui ont entaché la réputation du prestigieux office anti-drogues sur fond de politique du chiffre, de rivalités entre services et de crise de confiance entre policiers et magistrats.
L'affaire dite "François Thierry", du nom de l' ancien patron de l'Ocrtis (2010-2016) a durablement marqué les esprits.
Ce commissaire aux brillants états de service a été mis en examen en août 2017 pour complicité de trafic de stupéfiants et en 2018 pour l'organisation d'une fausse garde à vue d'un informateur. Dans cette dernière affaire, une procureure adjointe du parquet de Paris a également été mise en examen.
Le commissaire, qui nie les faits, est visé par ces enquêtes qui mettent en cause les pratiques controversées de l'Ocrtis du temps où il le dirigeait, en particulier la gestion des "indics", acteurs sulfureux mais jugés nécessaires par les policiers.
Largement dominé par l'importation de résine de cannabis en provenance du Maroc, le trafic de stupéfiants est le premier marché criminel dans l'hexagone. Il est estimé à au moins 3,5 milliards d'euros, d'après les autorités. Selon des données du ministère de l'Intérieur, les services "antistups" français ont saisi 100 tonnes de cannabis (+18%) en 2018.
S/AFP/AFRICSOL
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