Comme en 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen se retrouvent en finale de la présidentielle. Troisième homme du premier tour, Jean-Luc Mélenchon échoue à moins d’un point de la candidate RN. Il a soigné sa sortie et appelé ses électeurs à faire barrage à l’extrême droite.

 

Au terme d’un suspense des tout derniers jours, qui vit l’écart entre le président-candidat et sa rivale d’extrême droite fondre dans les sondages au point de laisser croire à une possible inversion des courbes, les résultats montrent qu’Emmanuel Macron devance Marine Le Pen : 27,6 % contre 23 % (selon notre estimation Ipsos à 22 heures). Pour la première fois depuis vingt ans, un président sortant — améliorant son score de 2017 — arrive en tête au premier tour. Selon le sondage exclusif Ipsos Sopra Steria pour France Info et le Parisien-Aujourd’hui en France, Macron l’emporterait au second tour par 54 % des voix contre 46 % pour Marine Le Pen si le scrutin avait lieu dimanche prochain.

Le vote utile a joué à plein

Certes l’affiche de la finale présidentielle est la même qu’il y a cinq ans, après avoir tant entendu que les Français n’en voulaient pas. C’est la première fois depuis 41 ans, avec Giscard et Mitterrand en 1974 et 1981, que l’on assiste au même duel deux fois de suite. Au long de cette vraie-fausse campagne, d’ailleurs, les protagonistes avaient (un peu) varié, Valérie Pécresse et surtout Éric Zemmour ayant un temps paru à même de disputer la place à la championne du RN. Et à gauche, Jean-Luc Mélenchon, comme en 2017, a réussi au finish une spectaculaire « remontada » : troisième avec 22,2 % des voix, à 0,8 point de Marine Le Pen. Mieux qu’il y a cinq ans où il avait échoué au pied du podium.

Mais tout s’est passé comme si les crises à répétition, la pandémie puis la guerre en Ukraine, avaient redonné la primauté aux « professionnels » de la politique. Le vote utile a en effet joué à fond, dans chaque camp. Malgré les trahisons au sein de sa famille — au propre comme au figuré — Marine Le Pen a siphonné l’électorat potentiel de l’impétrant Zemmour ; Mélenchon a raflé les voix d’une gauche éparpillée façon puzzle. Macron, après avoir sonné — et peut-être surjoué — l’alarme contre le danger lepéniste, a remobilisé son électorat et sans doute encore grappillé des suffrages chez les LR.

Les appels des grands battus

Pour le président sortant l’avance est large, 4 points, mais pas forcément suffisante pour lui assurer la victoire au second tour. D’autant que Marine Le Pen s’applique à constituer un front anti-Macron en ratissant de gauche à droite. Tant chez les extrêmes que chez les plus modérés, comme l’a montré son discours à la Chirac — on croyait entendre l’écho de la « fracture sociale » de 1995 – dimanche soir. Non seulement Emmanuel Macron ne dispose pas, sur le papier, de réserves de voix considérables, mais en plus la colère antisystème gronde toujours fortement dans le pays, rendant possible un basculement du pouvoir.

Ne s’y trompant pas, il a fait un appel du pied vers les électeurs de gauche notamment — les déçus d’un quinquennat penchant à droite — en s’engageant à former au-delà des « différences », un « grand mouvement politique d’unité et d’action ». Les appels ou les consignes de vote des grands battus étaient très attendus dimanche. Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Valérie Pécresse et Jean-Luc Mélenchon ont appelé sans ambages à faire barrage à Marine Le Pen, donc plus ou moins explicitement à voter Macron. Éric Zemmour demandant, lui, à ses électeurs de voter pour son ex-rivale à l’extrême droite.

Le panache de Mélenchon

Son discours qui sonnait comme des adieux a survolé la mêlée dimanche. Il a répété à trois reprises, lui qui s’était montré ambigu au soir du premier tour il y a cinq ans, sonné et amer après sa 4e place derrière François Fillon : « Il ne faut pas donner une seule voix à Mme Le Pen. » Certains soulignent bien sûr que cela n’écarte pas le choix du vote blanc, lequel favoriserait mécaniquement la candidate RN. À 70 ans, celui dont cette troisième tentative de décrocher le Graal élyséen était la dernière a aussi laissé entendre qu’il pourrait passer la main, enjoignant ses successeurs Insoumis à relever le gant. Une certitude, son électorat de dimanche, détient en bonne part les clés du second tour.

Le crash des vieux partis

C’est pour Valérie Pécresse que la claque est la plus sévère. Non seulement les Républicains sont éliminés du second tour pour la deuxième fois consécutive, mais ils n’étaient même pas sûrs dimanche soir de se voir rembourser leurs frais de campagne, avec un score de 4,8 % selon Ipsos à 22h30, soit 15 points de moins que Fillon en 2017. Malgré la brève parenthèse de la primaire, le désormais ex-grand parti de droite a pâti de son écartèlement entre le centrisme libéral des macronistes et la droite radicale ou extrême de Zemmour voire de Le Pen. Le silence assourdissant de Nicolas Sarkozy, dont la stature de dernier président LR (ex-UMP) en date pèse encore lourd dans cette famille, a achevé d’assommer la candidature Pécresse.

Dès dimanche soir, les déclarations d’un Éric Ciotti, n’excluant pas a priori un vote pour Marine Le Pen, montrent que la recomposition à droite est déjà en marche. « Les lâches vont partir d’un côté ou de l’autre, qu’ils partent, a cinglé le secrétaire général du parti Aurélien Pradié. Aux autres de remonter un message politique. » Quant au PS, déjà moribond depuis les 6 % de Benoît Hamon en 2017, il est désormais à terre avec une Anne Hidalgo à moins de 2 %, devancée tant par le communiste Fabien Roussel que par l’inclassable Jean Lassalle.

La déception Jadot

Son score de 4,7 % est loin, très loin, des succès des élections européennes de 2019 et de l’euphorie des municipales de 2020 qui virent les écolos conquérir des grandes villes comme Lyon, Bordeaux ou Strasbourg. Sans doute Yannick Jadot, outre le vote utile vers Mélenchon à gauche, paye-t-il d’avoir mené une campagne trop lisse, pas assez radicale, à la Greta Thunberg, pour séduire les jeunes plus sensibles à la cause de l’environnement. Il paye peut-être aussi sa condamnation du nucléaire, au moment où les effets de la guerre en Ukraine montrent que cette énergie épargne à la France la dépendance au gaz russe.

Le flop Zemmour

Qu’est-il arrivé à la campagne de l’éditorialiste amateur de polémiques mué en politique, qui fit sensation dans les sondages de l’automne ? Lui-même reconnaît des « erreurs » mais voit surtout l’origine de sa dégringolade dans… l’invasion de l’Ukraine par Poutine. Éric Zemmour, fan de toujours du dictateur russe, a vu défiler ses vidéos et déclarations, sa cote plongeant au même rythme. Malgré ses rodomontades méprisantes envers sa rivale, il s’est heurté au savoir-faire du camp lepéniste. « Une présidentielle, ce n’est pas un fan-club et ça ne se fait pas sur des coups », assène Philippe Olivier, beau-frère et conseiller de Marine Le Pen.

S/Le Parisien/Africsol

 

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