Patrick Balkany, sous bracelet électronique, continue de donner des conseils et de faire des affaires. Isabelle, elle, multiplie les critiques sur l’actuelle municipalité de Levallois. Ils sont bloqués dans leur moulin de Giverny jusqu’en mars 2022. Mais bonne nouvelle pour eux, la confiscation du moulin est annulée…
Il a le moral, la voix enjouée et la plaisanterie facile : « Isabelle rentre ! Il va être 18 heures ! » crie-t-il à son épouse « en train de jardiner ». « Vous savez, avec le bracelet électronique, elle et moi, on est enfermés dans le moulin de 18 heures jusqu’au lendemain 14 heures… À 18 heures passées, on ne peut même pas aller dans le jardin, sinon ça sonne », confie-t-il, au téléphone, ce mercredi 30 juin à 17 h 56. À contrecœur, Isabelle Balkany lance qu’elle a vu l’heure et qu’elle rentre…
Confinés judiciaires dans les 600 mètres carrés de leur propriété de Giverny, les époux Balkany ont échappé à la prison mais trouvent le temps long… « On s’occupe », glisse l’ancien maire de Levallois. Elle sur les réseaux sociaux surtout. « Tous les jours, Isabelle se déchaîne sur l’actuelle municipalité de Levallois, c’est plus fort qu’elle, elle n’arrive pas à tourner la page, à passer à autre chose », se lamente un ancien proche du couple à l’hôtel de ville. L’ancienne directrice de cabinet de Patrick Balkany, Agnès Pottier-Dumas, qui est aujourd’hui maire, a donné des consignes à son équipe, de « ne pas répliquer » et de « laisser dire »… « Pour Isabelle Balkany, rien ne va jamais, l’actuelle mairie fait n’importe quoi, mais si on lui réplique, c’est sans fin », soupire un ancien Balkany’s boys : « Il faut la laisser dire, ça finira par lui passer… ou pas. »
ISABELLE BALKANY, DÉCHUE DE LA LÉGION D'HONNEUR
Entre la salle de billard, la salle de jeux et la salle cinéma, la vie au moulin de Giverny est quand même moins pénible que dans une cellule de Bois-d’Arcy ou de Fresnes. Et puis les affaires ont repris… « Ne vous inquiétez pas pour Patrick, ça va très bien pour lui. Entre 14 heures et 18 heures, il peut travailler, glisse un de ses anciens amis de Levallois. Il fonce sur Paris, et il voit pas mal de gens, notamment des Africains. »
Déchue de la légion d'honneur pour cause de condamnation supérieure à un an ferme, Isabelle Balkany l’a eu mauvaise. Lui, n’ayant jamais été décoré du ruban rouge, s’est évité ce petit déshonneur. « En revanche, Patrick a toutes les médailles du continent africain, et je ne crois pas qu’une seule lui ait été retirée », s’amuse un ami.
L’intéressé ne « confirme pas » ces relations d’affaires avec des chefs d’État de l’ancienne Françafrique. « Je vois des gens, oui, j’ai encore plein de bons conseils à donner », ironise-t-il, admettant même avoir soumis un contrat de travail à son juge d’application des peines qui examinera la question fin septembre. « Je dois attendre son feu vert », détaille Patrick Balkany qui soupire pour la forme sur les « lenteurs » et la « bureaucratie » des services judiciaires de l’application des peines.
Mais ce mercredi 30 juin, l’élu déchu est content… « Pourquoi je ne le serais pas avec une décision pareille ! » Mieux, l’ancien maire de Levallois jubile. La Cour de cassation vient d’annuler les peines prononcées contre lui et son épouse dans le procès de blanchiment. Autant les condamnations dans le procès de fraude fiscale (trois ans ferme et dix ans d'inéligibilité) sont désormais définitives, et leur valent de porter un bracelet électronique jusqu’en début d’année prochaine (début mars pour lui), autant la justice va devoir organiser un troisième procès pour refixer les peines dans le volet blanchiment. Le feuilleton judiciaire des Balkany continue donc, avec la perspective d’un nouveau procès n’ayant pour objet que le quantum des peines, leur condamnation pour blanchiment de fraude fiscale aggravée, déclaration mensongère à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et, pour lui, de prise illégale d’intérêt étant désormais définitives.
PEINES ANNULÉES
Mais si les condamnations sont validées, pourquoi avoir annulé les peines prononcées ? La Cour de cassation estime que la cour d’appel a indûment ordonné la confiscation du Moulin de Giverny alors que les Balkany n’en ont que l’usufruit, la nue-propriété ayant été donnée à leurs enfants. En clair, que la justice ne pouvait ordonner la confiscation du Moulin en l’état. La Cour de cassation estime aussi que le million d’euros de dommages et intérêts à verser à l'État n’a pas été suffisamment motivé par la cour d’appel. En cascade, automatiquement, toutes les autres peines prononcées dans le procès blanchiment, sont annulées : soit les peines de cinq ans ferme pour lui et quatre ans pour elle et une inéligibilité à vie assortie d’une interdiction de gérer toute société avec des fonds publics. Et dans le lot la confiscation du ryad de Marrakech…
« Dans le futur procès, tout cela sera remis à plat et nous aurons une discussion sur les peines », résume un des avocats du couple, Me Romain Dieudonné, qui a toujours soutenu l’impossibilité de la confiscation du moulin appartenant aux enfants du couple…
Résumons en attendant le futur procès. Dans le volet « fraude fiscale », les époux Balkany ont été jugés coupables d’une fraude massive, sophistiquée et ancienne, et condamnés définitivement à une peine de cinq ans pour lui et quatre ans pour elle, 100 000 euros d’amende et 10 ans d’inéligibilité. La justice a estimé que trois maisons, deux à Saint Martin, une à Marrakech, ont été payées via une cascade de sociétés off shore. Les Balkany ont reconnu avoir été propriétaires occultes des deux maisons aux Antilles, affirmant que les fonds venaient de leur fortune familiale, mais ont toujours nié être propriétaires de la maison du Maroc. Ils ont également toujours affirmé, sans preuve, que les espèces découvertes ayant financé leur train de vie provenaient de leur fortune familiale… C’est ce volet fraude fiscale qui leur vaut une assignation à résidence sous bracelet électronique.
RETRAITE À MARRAKECH ?
« De 14 heures à 18 heures, on fait ce qu’on veut, mais il faut être rentré à 18 heures, sinon ça sonne et il faut faire un rapport. Avec les bouchons c’est pas toujours facile », explique Patrick Balkany. Pour les élections régionales au premier tour, les époux ont dû se rendre en mairie faire tamponner leur carte d’électeur pour justifier leur déplacement. Au second tour, la mairie avait fait mettre un tampon dans leur bureau de vote, ceux-ci ayant été retirés pour cause de Covid… Une attention délicate. « Le dimanche, on n'a le droit de sortir que trois heures, de 14 heures à 17 heures », détaille-t-il, agacé.
Et que devient la maison de Marrakech ? Le fameux Riad Dar Gyucy, dont les Balkany nient toujours la propriété alors que la justice a démontré que tout converge vers eux a été confisqué par la cour d'appel. Depuis mercredi, la maison est dans une situation de « vide juridique ». Sur le papier, elle appartient à une société panaméenne dont plus personne n’en revendique la propriété. Selon nos sources, la somptueuse propriété est toujours entretenue, jardin compris, et les domestiques payés. Quand ils retrouveront leur passeport, leur peine purgée, les Balkany pourraient-ils s’y rendre ? À l’évocation du sujet, Patrick Balkany grommelle : « Mais arrêtez… »
En tout cas, ce scénario d’un « retour à Marrakech » ne paraît « pas si absurde » à un de leurs proches. « Ce n’est pas demain la veille que l’État français parviendra à vendre le Ryad… », analyse-t-il en souriant. Et peine purgée, qui irait empêcher les Balkany de prendre le soleil de Marrakech au bord de la piscine ? En perquisition au premier étage du Riad, dans la suite parentale, les enquêteurs étaient tombés sur des peignoirs blancs en lettres dorées IB et PB… Probablement qu’ils y sont encore.
S/MARIANNE/Africsol@
Commentaires