Au lendemain du discours d'Emmanuel Macron au Congrès, les députés entament mardi après-midi une bataille parlementaire de plusieurs mois sur la vaste réforme institutionnelle voulue par le chef de l'Etat, avec un premier épisode sur la Constitution qui s'annonce enflammé.

Un an après avoir lancé le chantier institutionnel devant ce même Congrès et "assumant ce retard", le président de la République a défendu "le coeur" de la réforme: "liberté plus grande des collectivités territoriales", "justice indépendante" et Parlement "doté de droits supplémentaires et animé par des débats plus efficaces".

Au contraire, les oppositions de droite et de gauche rejettent ce volet constitutionnel comme un "abaissement des droits du Parlement". Avec les non-inscrits corses et FN, elles ont déposé près de 90% des 2.400 amendements qui passent en revue la Loi fondamentale, bien au-delà du texte gouvernemental.

Preuve de son importance politique, c'est Edouard Philippe qui présentera le projet de révision constitutionnelle, au côté de la garde des Sceaux Nicole Belloubet. Et c'est le chef de file LREM Richard Ferrand qui en sera le rapporteur général, assisté du président du groupe MoDem Marc Fesneau et de la présidente de la commission des Lois Yaël Braun-Pivet (LREM).

Fort de 18 articles, le texte comprend deux sujets particulièrement épineux: un "droit à la différenciation" accru pour les collectivités territoriales (avec nouvel article sur la Corse) et l'accélération de la procédure parlementaire, au nom de l'"efficacité".

Un autre volet, moins controversé mais discuté depuis des années, prévoit notamment la suppression de la Cour de justice de la République, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et celle du Conseil économique, social et environnemental.

La "préservation de l'environnement" dès l'article 1er, la suppression du mot "race" et l'interdiction de la "distinction de sexe", votées en commission, devraient aussi être gravées.

Les deux autres volets de la réforme des institutions (lois ordinaire et organique), porteurs des mesures emblématiques -réduction de 30% du nombre de parlementaires, limitation à trois mandats identiques dans le temps et introduction de 15% de proportionnelle aux législatives- seront examinés à la rentrée à l'Assemblée quand le Sénat s'emparera lui de la révision constitutionnelle.

- Que fera le Sénat ? -

Mais LR va batailler dès à présent contre ces points litigieux. Pour son président Christian Jacob, au-delà d'une réforme "dangereuse" qui "affaiblit l'Assemblée et le Sénat", la remise en cause, même partielle, du scrutin majoritaire sape une "clé de voûte des institutions de la Ve".

Toute la gauche rejette aussi cette révision "comme une reconcentration du pouvoir", selon la cheffe de file PS Valérie Rabault.

Les communistes veulent "empêcher les pouvoirs d'hyper-président" et les "Insoumis" dénoncent, comme Adrien Quatennens, "un coup violent contre la démocratie" en déclinant leurs propositions pour une VIe République.

Les oppositions ont été au moins entendues sur une de leurs revendications, Emmanuel Macron s'étant engagé sur un amendement pour permettre au chef de l'Etat d'écouter les parlementaires et leur répondre lors des prochains Congrès...

Regrettant comme Marc Fesneau "ceux qui ont décidé d’en rester aux postulats de départ", la majorité LREM-MoDem entend essentiellement renforcer les moyens des parlementaires pour contrôler le gouvernement et évaluer la loi avec des pouvoirs d'enquête accrus. Elle devrait aussi revenir sur les restrictions sur le droit d'amendement.

Mais Richard Ferrand a surtout appelé ses troupes à ne pas agiter des "chiffons rouges qui nous éloigneraient d'un accord avec le Sénat", avertissement contre des amendements individuels sur les collectivités ou les langues régionales notamment.

Les deux chambres doivent d'abord adopter un texte identique avant une possible adoption définitive par le Congrès aux trois cinquièmes des suffrages exprimés ou par référendum.

La majorité parie que la droite sénatoriale est, contrairement aux LR de l'Assemblée, prête à négocier cette révision constitutionnelle, moyennant des garanties sur la représentativité des territoires ou le mode d'élection des sénateurs.

D'où des mots doux à l'égard du Sénat. "Je crois au bicamérisme qui garantit une démocratie mieux équilibrée", a ainsi salué lundi le chef de l'Etat.

Fin négociateur, le président de la Haute assemblée Gérard Larcher (LR), encore reçu jeudi à l'Elysée, a jugé que la réforme des institutions pourrait, au printemps, "aboutir ou ne pas aboutir"...

S/AFP/AFRICSOL

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