Le travail à faire sur l'intégration des réfugiés est "énorme" et "sur la langue on perd un temps fou", estime le député LREM Aurélien Taché, auteur d'un prochain rapport très attendu sur le sujet, alors que le gouvernement finalise son projet de loi "asile et immigration".
Le député La République en marche, qui a entendu près de 200 personnes pour ce rapport commandé l'été dernier, doit en rendre les conclusions "d'ici trois semaines", a-t-il affirmé à l'AFP.
Ses recommandations prendront une résonance particulière alors que la politique migratoire du gouvernement fait des vagues dans le monde associatif et intellectuel, et jusque dans les rangs de la majorité. "On fera converger la discussion parlementaire avec les propositions de ce rapport de manière à enrichir le texte", soulignait-on cette semaine de source gouvernementale.
En matière d'intégration, M. Taché plaide pour "raisonner d'abord en termes d'accès à l'emploi et à la formation", afin de fournir aux réfugiés des "offres d'emplois adaptées", avec "un premier entretien à visée professionnelle dans le parcours".
L'idée d'un "compte-formation" n'est "pas impossible", notamment pour les personnes ayant déjà travaillé, ajoute le député, pour qui "il faut arrêter de considérer les réfugiés avec paternalisme. Ils ne demandent pas la charité mais la possibilité de vivre dignement".
L'intégration des étrangers, affichée comme une priorité par Emmanuel Macron lors de la campagne, est régulièrement critiquée pour son manque d'ambition et de moyens. En septembre un rapport sénatorial avait étrillé le "Contrat d'intégration républicaine" qui en constitue la base, en déplorant le peu d'heures de langue proposées aux primo-arrivants et une formation civique indigeste.
- 600 heures de français -
Dans les pistes lancées par M. Taché "le contrat d'intégration républicaine reste le noyau dur" -- des efforts ont été faits pour l'améliorer, avec un budget passé de 59 à 71 millions d'euros entre 2017 et 2018 selon l'Ofii (Office français d'immigration et d'intégration).
Mais il faudrait "au moins doubler" le volume d'heures de langue prévu (plafonné à 240 heures aujourd'hui) pour le porter à "400 heures pour les non-francophones" voire "600 pour les analphabètes", estime le député.
Et si aujourd'hui l'enseignement linguistique commence avec l'obtention du statut de réfugié, "des choses peuvent se faire avant", affirme M. Taché, en soulignant que des cours de langue en amont représenteraient "un temps gagné qui est précieux" alors qu'"on a un travail énorme à faire sur l'intégration".
Une telle mesure alignerait la France sur l'Allemagne, qui propose depuis 2015 jusqu'à 600 heures aux demandeurs d'asile les plus susceptibles d'obtenir le statut de réfugié (Syriens notamment).
Elle rejoindrait aussi les préconisations de l'OCDE, dont la première recommandation, dans un rapport de 2016, était de lancer l'intégration "le plus tôt possible" pour les demandeurs d'asile "dont la demande est fortement susceptible d'être acceptée".
Aux heures de français s'ajouteraient, dans un second temps, le parcours professionnel, "sur le modèle de l'Afpa", organisme de formation professionnel pour adultes qui a lancé en 2016 des expériences permettant aux réfugiés de décrocher un contrat de travail après avoir suivi une formation qualifiante.
"Ensuite se pose la question de l'accès aux droits, à la santé, qui peut être cassé lors des changements de statut", ajoute M. Taché.
Sur l'aspect civique "on va vraiment dépoussiérer tout cela" pour parler "de la société, avec des supports plus intéressants, essayer d'étaler plus la formation". Avec, pourquoi pas, "une remise de diplôme" à la clé.
Enfin il y aurait sur le logement un volet "pour faciliter l'accès dans le logement existant" -- dans la lignée d'une circulaire de décembre demandant aux préfet de mobiliser 20.000 logements dans le parc privé et public.
S/AFP/AFRICSOL
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