La France compte le plus de contaminations au Covid-19, mais il est toujours difficile de comparer les pays, en raison d'indicateurs définis différemment.
Comment se situe la France au niveau européen, une semaine après l'instauration d'un nouveau confinement ? Le nombre de nouveaux cas de Covid-19 a franchi les 60 000 en 24 heures, un chiffre jamais atteint depuis le début de l'épidémie, selon des données provisoires (en raison d'un problème informatique qui perturbe le recensement des nouveaux cas), publiées vendredi 6 novembre par Santé publique France. Le lendemain, le chiffre était encore plus impressionnant avec plus de 86 000 contaminations enregistrées, selon le décompte publié sur le site du ministère de la Santé, même s'il est à relativiser à cause du même bug informatique.
Le nombre total de contaminations en France depuis le début de l'épidémie dépasse désormais 1,7 million de personnes, sur 9 millions de cas dans l'Union européenne et au Royaume-Uni. Dès jeudi, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a mis en garde : "La France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de cas." La situation est également tendue dans les services hospitaliers de plusieurs régions. Les premiers transferts de malades du Covid-19 ont été organisés vers l'Allemagne en fin de semaine. Franceinfo fait le point.
Le nombre de contaminations
La France comptabilise plus de 1,7 million de cas de Covid-19, au 8 novembre, contre 1,3 million pour l'Espagne, 1,18 million pour le Royaume-Uni et 902 490 cas pour l'Italie, selon les données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (lien en anglais). Si l'on regarde la moyenne sur sept jours glissants, au 4 novembre, la France totalisait aussi le plus grand nombre de contaminations enregistrées en 24 heures, avec quelque 43 438 malades, contre 20 375 pour l'Espagne (au 3 novembre), 22 329 pour le Royaume-Uni et 27 864 pour l'Italie.
Toutefois, pour suivre la vitesse de propagation du virus, les épidémiologistes recommandent d'évaluer le temps nécessaire au doublement du nombre de nouveaux cas positifs recensés chaque jour. Actuellement, comme le montre notre graphique ci-dessous, le nombre de nouveaux cas en France double toutes les deux semaines, alors qu'il double toutes les semaines en Italie ou en Suisse.
"Si on regarde le nombre de contaminés par million d'habitants, le podium change un petit peu. La Belgique est par exemple bien plus contaminée que nous en nombre d'habitants, mais c'est normal parce qu'ils ont commencé leur pic bien avant nous. Dès fin octobre, ils étaient déjà au sommet, explique le médecin Damien Mascret sur France 3. La Suisse a commencé en même temps que nous, et sont déjà plus haut, donc on peut relativiser (...). Il faut attendre la fin de cette deuxième vague pour savoir si vraiment on [la France] mérite le haut du podium."
Par ailleurs, la hausse des contaminations s'observe dans tout l'hémisphère nord. "Si on prend un peu de recul, on s'aperçoit que toute l'Europe de l'Ouest est dans une situation de flambée épidémique automnale, avec une courbe dont l'allure est exponentielle", explique au Parisien Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève.
Le nombre de tests effectués
En France, le nombre de contaminations est aussi à prendre avec des pincettes, puisqu'il dépend du nombre de tests réalisés. Or, ces derniers jours, le recensement publié par Santé publique France était incomplet, en raison d'un embouteillage informatique provoqué par l'afflux de tests. Selon les données de Ourworldindata.org (en anglais), la France est le pays d'Europe qui réalise le plus de tests. Au 2 novembre, on comptait 298 864 tests par jour, contre 188 013 tests au Royaume-Uni, 135 731 tests en Espagne et 87 188 en Italie.
Selon Santé publique France, au 7 novembre, le taux (non consolidé) de positivité des tests en France est de 20,6%. Au 4 novembre, sur une moyenne de 7 jours, le taux de positivité des tests au Royaume-Uni était de 8,3%, contre 16,3% en Espagne (au 2 novembre), 14,7% en Italie (au 5 novembre), selon Ourworldindata.
Il est toutefois difficile de comparer ces taux, car tous les pays n'ont pas la même politique de dépistage. "Il faut surtout regarder la façon dont les tests sont réalisés", explique à LCI Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille. Certains pays peuvent choisir de dépister uniquement les personnes symptomatiques, d'autres inclure les cas contacts, ou laisser toute la population se faire tester. "Aujourd'hui, nous n'avons ni les chiffres, ni les outils épidémiologiques pour comparer efficacement les pays entre eux", explique le professeur. Les tests PCR présentent aussi leurs limites. "La personne est dite 'positive' indépendamment de la charge virale (quantité de virus présent) et, par conséquent, de sa contagiosité", mettent en garde le vétérinaire Patrick Guérin et le médecin Didier Sicard, dans une tribune au Monde.
Le nombre de morts
Selon les données de Santé publique France du 7 novembre, 306 malades du Covid-19 étaient morts au cours des 24 heures précédentes en France, portant le bilan total à 40 169 morts depuis le début de l'épidémie. Selon notre infographie, à la même date, le Royaume-Uni comptabilise plus de décès au total que la France (près de 49 000), tout comme l'Italie (plus de 41 000).
Si l'on observe la courbe des décès par pays rapporté à 100 000 habitants (décompte effectué à partir du dixième décès), la France présente également un "meilleur bilan" que ses voisins, avec 60 morts pour 100 000 habitants, contre 67 pour l'Italie, 72 pour le Royaume-Uni et 83 pour l'Espagne.
Là encore, la comparaison a ses limites. Tous les pays ne comptabilisent pas les morts de la même façon. L'Italie et l'Espagne comptent tous les morts testés positifs au Covid-19, y compris ceux qui sont décédés dans des maisons de retraite. En France, le compte inclut les "cas possibles et confirmés décédés" en Ehpad, expliquait Le Parisien en avril. En outre, les données des Ehpad à l'échelle nationale ne sont pas communiquées chaque jour, mais deux fois par semaine. Raison de plus pour être prudent avec les bilans quotidiens.
Le taux de reproduction ou "R"
Le facteur de reproduction effective, ou "R", représente le nombre moyen de personnes qu'un seul malade contamine. Selon Santé publique France, au 5 novembre, le taux de reproduction dans l'Hexagone était de 1,31. C'est un peu mieux que la semaine précédente (1,4), mais toujours largement au-dessus de 1, ce qui signifie que l'épidémie se développe. Les nouvelles hospitalisations et les admissions en réanimation sont d'ailleurs toujours en nette hausse.
Pour l'épidémiologiste Antoine Flahault, la baisse de ce taux R est quand même une bonne nouvelle. "La France n'est pas l'endroit qui explose le plus, si la notion d'explosion, c'est le R. C'est plutôt une braise chaude, qui se trouverait à la fin d'un processus de flambée", estime-t-il auprès du Parisien. Avec les résultats du confinement, "on peut espérer un contrôle possible du phénomène d'ici la semaine prochaine".
S/FRANCEINFO/AFRICSOL
Commentaires