Un visuel censé attester des dangers et de l’inefficacité du port du masque circule sur les réseaux sociaux. Partagé plusieurs centaines de fois en Belgique et plusieurs milliers de fois en France depuis début juillet, il affirme par exemple que le port du masque diminuerait "l’apport en oxygène" ou augmenterait "le risque de déclenchement de rétrovirus" . Mais ces allégations, dont certaines ont déjà circulé sous d’autres formes, sont fausses, selon des médecins interrogés par l’AFP.
"Porter un masque pour se protéger ? Ce que vous devez savoir avant d’en porter un". C’est le titre de ce visuel relayé sur Facebook, par exemple ici et ici en Belgique le 10 juillet 2020. Il présente plusieurs affirmations censées prouver que le port du masque de protection est dangereux pour la santé.
Ce visuel a été partagé plusieurs centaines de fois en Belgique, où le masque est obligatoire dans la plupart des lieux publics depuis le 11 juillet. Il a été partagé également plusieurs milliers de fois sur Facebook en France, ici et ici par exemple. A gauche, on peut lire un crédit : "Sott.net". Le site "Sott", pour "Signs of the Times" a été fondé par Laura Knight-Jadczyk, connue pour ses livres complotistes, comme l’explique Conspiracy Watch. Le site, disponible en 11 langues, partage régulièrement des articles relayant des théories conspirationnistes. On y retrouve effectivement ce visuel.
Le masque "diminue la quantité d'oxygène dont nous avons besoin pour vivre" FAUX
C’est l’une des théories les plus répandues : porter un masque entraînerait un manque d’oxygène et rendrait la respiration plus difficile. L’AFP a déjà écrit plusieurs articles, comme celui-ci ou celui-ci, pour expliquer pourquoi cette allégation est fausse. Un masque chirurgical ou en tissu n’est pas hermétique : il ne colle pas à la peau et laisse l’oxygène circuler librement. "C’est un fantasme", confirme à l’AFP Yves Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) : "Le masque peut éventuellement diminuer légèrement l’apport en oxygène et gêner la respiration d’une personne avec des problèmes cardiaques ou respiratoires ou en cas de grand effort physique comme un jogging", explique-t-il. "Il peut aussi y avoir une sensation d’inconfort qui provoque une impression d’étouffer, mais c’est psychologique. Dans le cas d’une personne en bonne santé, il n’empêche pas du tout d’effectuer des activités quotidiennes normalement."
Le masque augmente l’inhalation de toxines FAUX
Deuxième allégation, des "toxines que nous expirons" se retrouveraient coincées dans le masque et seraient à nouveau inhalées par les poumons. Le terme "toxines" est très vague. "On n’exhale pas de toxines", corrige Jean-Luc Gala, chef de clinique à la clinique universitaire Saint Luc à Bruxelles et spécialiste des maladies infectieuses, "on exhale du dioxyde de carbone".
Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, des théories sur l’empoisonnement au dioxyde de carbone ont circulé. Or, elles ne sont pas valables, explique Jean-Luc Gala à l’AFP : "Le masque filtre le virus, mais pas les molécules. Un virus est beaucoup plus gros qu’une molécule d’oxygène ou de dioxyde de carbone". De plus, une petite accumulation de CO2 ne provoquerait pas de problèmes de santé, d’après le professeur Vinita Dubey, médecin hygiéniste à l'agence de santé publique de Toronto au Canada, interrogée dans ce même article de l’AFP.
Le masque détériore le système immunitaire FAUX
Ici, la démonstration selon laquelle un organisme stressé par un manque d’oxygène libère du cortisol et affaiblit le système immunitaire est correcte, observe Jean-Luc Gala. Mais comme expliqué précédemment, les masques ne diminuent pas l’apport en oxygène et n’augmentent pas l’apport en dioxyde de carbone. Ils n’ont donc aucun impact sur le système immunitaire : "Les personnels de santé passent huit heures par jour avec un masque et ils ne développent pas d’infection secondaire ou de problèmes de santé", rappelle Yves Coppieters.
Le masque augmente le risque d’activation de rétrovirus FAUX
Le port du masque favoriserait le déclenchement de "rétrovirus dormants déjà présents dans l’organisme" ? "C’est complètement faux", répond Jean-Luc Gala. "Par exemple, on sait que certaines leucémies sont déclenchées par des rétrovirus. Or on n’a jamais vu des gens faire flamber la maladie après une greffe alors que les patients portent des masques après une opération. Ca n’a jamais été un facteur d’aggravation." Le visuel affirme de plus que le déclenchement de ces "rétrovirus dormants" serait favorisé par l’affaiblissement du système immunitaire qui, comme on l’a vu précédemment, n’a rien à voir avec le port du masque.
La taille du masque par rapport au nouveau coronavirus équivaut à celle "d’une moustiquaire" FAUX
Par rapport à la taille du virus SARS-CoV-2, entre 80 et 140 nanomètres, le tissage du masque équivaudrait "à celui d’une moustiquaire". C’est faux, explique Yves Coppieters : "Les masques chirurgicaux ont une capacité de filtration des micro-organismes de 90%, y compris pour le Covid-19. Pour les masques FFP2 utilisés en soins intensifs, cette capacité monte à 98%, 99%. Pour les masques en tissu, elle est plus basse, mais on l’estime tout de même à entre 50% et 70%". On retrouve des pourcentages comparables sur le site de la Société française de médecine de catastrophe.
De plus, comme expliqué dans cette étude britannique citée également dans un précédent article de l’AFP, le masque protège aussi les autres de la projection de gouttelettes contaminées, bien plus grandes que le virus. Yves Coppieters rappelle toutefois que pour être efficace contre les infections respiratoires, un masque doit être bien utilisé : "Un masque doit être propre, il faut bien l’ajuster sur le visage, le descendre au niveau du menton. Une fois qu’il est installé, il faut surtout ne plus le toucher avec vos mains potentiellement infectées. On se lave les mains avant de le mettre et après."
L’efficacité du masque n'est pas étudiée INFONDÉ
Aucune étude sur l’efficacité des masques n’aurait été réalisée "dans un environnement social pour contrôler, prévenir ou éliminer la propagation des maladies", selon cette publication. Une affirmation qui n’a pas de sens, selon Jean-Luc Gala : "C’est comme si vous reprochiez qu’on n’étudie pas l’efficacité du parachute dans un environnement social. On est certains que le parachute va vous aider à atterrir indemne, donc on ne va pas faire sauter une personne avec un parachute et une sans pour comparer l’efficacité ! On est dans le cas de figure d’un dispositif dont on sait de manière empirique qu’il protège. On l’a vu avec toutes les expériences de maladies africaines et avec l’évolution épidémiologique dans les pays asiatiques. On l’a vu aussi ici en Europe, où certains pays qui ont adopté le masque ont pu contrôler plus efficacement la progression de la pandémie".
Par ailleurs, aux Etats-Unis, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont publié mardi 14 juillet 2020 une étude après que deux employés d’un salon de coiffure du Missouri ont été testés positifs au coronavirus. Ils avaient continué pendant plusieurs jours à travailler en portant un masque et avaient été en contact avec 139 clients. 67 de ces clients ont été testés négatifs au Covid-19, les autres n’ont développé aucun symptôme. L’étude conclut donc à l’efficacité du port du masque dans le freinage de la transmission du virus.
En Belgique, le masque est obligatoire dans les lieux publics depuis samedi, en France il le sera à partir du 1er août
En Belgique, l’obligation de porter un masque est étendue depuis samedi 11 juillet à la plupart des lieux publics, en plus des transports en commun dans lesquels il était déjà obligatoire.
En France, le président Emmanuel Macron a annoncé à l’occasion de la fête nationale mardi vouloir rendre le masque obligatoire dans tous les lieux publics clos à partir du 1er août. Jeudi 16 juillet, le Premier ministre Jean Castex a ensuite annoncé que le décret en ce sens entrera finalement en vigueur dès "la semaine prochaine".
Pour Yves Coppieters, qui dit comprendre la méfiance de la population envers le masque, le port de celui-ci reste tout de même nécessaire et efficace : "Nous n’avons pas beaucoup d’armes contre le Covid-19. Le masque en est une."
S/AFP/Africsolprod
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