Il peut se vanter d’avoir fait guincher Barack Obama. C’était en 2015, lors de la visite événement du président américain au Kenya, pays natal de son père. Et c’est évidemment le groupe Sauti Sol qui avait été choisi pour chanter lors de la cérémonie officielle. Car ces quatre Nairobiens dans le vent, âgés d’à peine 30 ans, sont le phénomène musical de ces dernières années. Leurs concerts sont aussi attendus que leur marketing en ligne est rodé. Leurs tubes, constamment joués dans les boîtes de nuit de la capitale kényane, mêlent rythmes pop et sons traditionnels, et relatent des histoires revendiquées comme « simples » : leur vie de jeunes gens, la fête, l’amour… Et, surtout, les femmes, omniprésentes dans leurs textes comme dans leurs clips (du genre lascives et légèrement vêtues).
Un message au jeune public
Désormais, le groupe ne célèbre plus seulement la beauté des femmes, mais celle des femmes noires précisément. Depuis la fin de l’année 2017, son morceau Melanin est un succès entonné par la jeunesse du pays. « In my life/I’ve never seen/Melanin so dark/You are the queen of the dancefloor » (« de toute ma vie, je n’ai jamais vu une Mélanine si sombre, tu es la reine de la piste »), entend-on tout au long du titre. Une façon pour Sauti Sol de mettre sa popularité au profit de la sensibilisation de son public, souvent très jeune.
« L’africanité doit encore être défendue ici. Les médias, et beaucoup de musiciens dans leurs clips, présentent toujours des femmes au teint très clair comme des canons de beauté : pour les jeunes filles, c’est un message, déplore Willis Austin Chimano, l’un des chanteurs. Nous avons décidé de changer notre message nous-mêmes. Il ne s’agit pas de leur dire quoi faire, mais de leur dire d’être fières. »
« S’agissant des cheveux, par exemple, nous observons depuis environ cinq ans une progression des cheveux naturels. Cela vient à la fois d’une prise de conscience des effets néfastes du lissage, mais aussi de ce qu’on appelle la “renaissance africaine”, avec des femmes qui veulent mettre en valeur leur identité africaine », note ainsi Milcah Asamba-Roimen, de la société d’études Kantar TNS à Nairobi. Si certains rituels perdurent, comme l’utilisation d’éclaircissants pour la peau, « surtout dans les classes populaires », la spécialiste observe cette tendance bien au-delà du monde des cosmétiques, notamment dans la mode, avec nombre de marques branchées qui mettent en valeur des imprimés africains, ou encore dans l’usage croissant de prénoms locaux (et non anglophones).
Le Kenya est fier de son dynamisme et de son influence régionale – « The pride of Africa » est le slogan de sa compagnie aérienne. Mais le pays n’est pas totalement à l’avant-garde. « Le Nigeria est loin devant nous en matière de revendication de l’identité africaine », précise Milcah Asamba-Roimen à propos du géant ouest-africain, dont la production cinématographique et musicale s’exporte à travers tout le continent.
Et ce n’est certainement pas un hasard si Sauti Sol a multiplié ces deux dernières années les collaborations avec des stars nigérianes, comme Yemi Alade (Africa, plus de huit millions de vues sur YouTube, un record pour Sauti Sol), Patoranking (invité sur Melanin) ou encore Tiwa Savage (Girl Next Door). Le quatuor kényan, qui prévoit une tournée en Europe en mai, ambitionne de devenir le « premier groupe africain ». Et sait que son message sur l’africanité, tout comme ses collaborations répétées, sont susceptibles de conquérir bien au-delà de son pays.
S/lemondeAfrique/AFRICSOL
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