Le 10 mai. Même pas la peine de préciser l’année tant ce jour marque encore les esprits et charrie avec lui les espoirs d’un autre temps. Celui d’une gauche capable de « changer la vie », selon la célèbre formule. Aujourd’hui, quarante ans après l’élection de François Mitterrand, combien d’aspirations sociales et de promesses républicaines ont été abandonnées ? Une quarantaine selon « Marianne ».

Dans les années Mitterrand, sa revue de presse était sans doute le meilleur baromètre de l’état de l’opinion à gauche. Dès 1982, Guy Bedos entrevoyait la désillusion en marche après l’élection de l’homme de « la rupture avec la société capitaliste » qu’il avait pourtant tant souhaitée. L’humoriste n’avait plus les yeux brillants de l’espoir et lançait : « La gauche et le pouvoir, c’est comme l’amour : le meilleur est dans l’escalier. » Quelques mois plus tard, le tournant de la rigueur, pour éviter une sortie du système monétaire européen, était décrété, suivi du remplacement de Pierre Mauroy par Laurent Fabius, tout cela au nom du « réalisme ».

Quarante ans ont passé depuis la liesse du 10 mai 1981. Dans l’intervalle, la gauche a occupé le pouvoir la moitié du temps, de 1981 à 1986, de 1988 à 1993, de 1997 à 2002 et de 2012 à 2017. Faut-il tout jeter de ces années, et en particulier des deux septennats Mitterrand ? Certainement pas, et Guy Konopnicki le rappelle. « Mai 1981 avait de la gueule » écrit-il, listant les conquêtes sociales, celles qu’a permises la loi Roudy sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, ou les lois Auroux consacrées à la défense des travailleurs. Notre confrère évoque aussi, bien entendu, la loi Badinter et, dans un autre registre, la construction du Grand Louvre.

L'ABANDON DE LA CLASSE OUVRIÈRE

Mais la gauche a-t-elle vraiment « changé la vie », pour reprendre le nom du projet de rupture porté par le PS en 1972, repris dans la bande-son de la campagne de Lionel Jospin en 1995 et recyclé par François Hollande (« Le changement, c’est maintenant ») en 2012 ?

Elle a rompu avec ses idéaux en considérant assez vite l’austérité comme « incontournable » et en brisant le lien historique avec la classe ouvrière, deux directions défendues dès 1984 par François Hollande et d’autres dans la tribune intitulée « Pour être modernes, soyons démocrates ». Un travail de sape parachevé par la fameuse note de la fondation Terra Nova publiée en 2011, qui définissait les minorités comme les nouveaux damnés de la terre.

L’idée même de gauche semble irrémédiablement abîmée. Cette altération est symbolisée par l’interminable agonie du Parti socialiste, longtemps majoritaire de ce côté-là de l’échiquier politique, et par son impossibilité à incarner une alternance en 2022.

S/M/Africsol
 

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