L'affaire avait été classée mais des victimes l'ont rouverte. Le cardinal Philippe Barbarin et six autres personnes, dont un membre du Vatican, sont cités à comparaître à Lyon pour ne pas avoir dénoncé à la justice des agressions pédophiles.
La première étape a lieu mardi avec l'audience de consignation, où sera fixée la somme dont les plaignants doivent s'acquitter pour couvrir une éventuelle amende si le tribunal jugeait in fine leur procédure abusive.
Les mis en cause devraient être représentés par leurs avocats et le procès sera renvoyé à une date ultérieure. Mais l'archevêque de Lyon, 66 ans, en poste depuis 2002, s'en serait bien passé : le diocèse a déjà dénoncé un "acharnement".
Le recours est porté par 10 victimes du père Bernard Preynat, mis en examen en 2016 pour des abus sexuels commis jusqu'en 1991 sur des scouts de la région. Cette affaire, toujours à l'instruction, avait déclenché un scandale sur l'attitude de l'Église et conduit l'institution à adopter de nouvelles mesures de lutte contre la pédophilie.
Le parquet avait parallèlement diligenté une enquête pour non-dénonciation d'agressions et omission de porter secours, visant notamment Mgr Barbarin, finalement classée sans suite. Mais les plaignants n'ont pas voulu en rester là.
Outre le Primat des Gaules, leur citation vise l'archevêque d'Auch Maurice Gardès et l'évêque de Nevers Thierry Brac de la Perrière, anciens membres du diocèse de Lyon, ainsi que Luis Ladaria Ferrer, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican.
Sont cités aussi l'ex-directeur de cabinet du cardinal, Pierre Durieux, aujourd'hui à Nantes, Régine Maire, chargée de la cellule d'écoute des victimes de prêtres au sein du diocèse lyonnais, et le vicaire épiscopal Xavier Grillon, qui fut le supérieur hiérarchique direct du père Preynat.
- 'Tout le monde a participé' -
Il est reproché à Mgr Barbarin de ne pas avoir dénoncé les agissements du père Preynat quand il en fut informé et de l'avoir maintenu en fonction, au contact d'enfants, jusqu'en 2015. Mais Nadia Debbache, avocate des plaignants, estime que "ce n'est pas l'affaire d'un seul homme : tout le monde à son échelon a participé, y compris au sein du Vatican".
Luis Ladaria Ferrer, visé pour complicité car consulté sur le cas Preynat, avait répondu à l'archevêque de Lyon de prendre "les mesures disciplinaires adéquates tout en évitant le scandale public", dans un courrier saisi en perquisition. C'est-à-dire "de ne pas saisir la justice", juge Me Jean Boudot, autre conseil.
En classant son enquête, le parquet avait écarté le second délit en l'absence de "péril imminent", les derniers abus imputables au prêtre remontant à plus de 25 ans. Pour la non-dénonciation, il avait distingué deux périodes : avant et après 2014, date à laquelle le cardinal a rencontré pour la première fois une victime de Preynat.
Avant 2014, le parquet avait conclu à la prescription des faits, le délai étant de trois ans et Mgr Barbarin ayant eu connaissance des agissements du religieux à une date pas "exactement établie" mais suffisamment ancienne.
Après 2014, il avait écarté toute volonté d'entraver la justice, soulignant par ailleurs que le quadragénaire rencontré alors par le prélat pouvait "personnellement" la saisir - ce qu'il fit au final.
"Comme l'ont dit et redit les magistrats, je n'ai rien couvert du tout", a souligné Mgr Barbarin au quotidien Le Monde en août, expliquant qu'il ne savait comment procéder face à des faits anciens, en reconnaissant des erreurs.
Les plaignants martèlent, eux, que "ces personnes ont su et qu'elles n'ont pas dénoncé", délit passible de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.
Et leurs avocats contestent "l'instantanéité" du délit de non-dénonciation : pour eux, l'obligation de dénoncer des faits est "continue" et le délit "occulte" dès lors que la justice en est informée par un autre biais, en l'espèce la première plainte déposée contre Preynat en 2015. A leurs yeux, rien n'est prescrit.
Une argumentation que balaie d'avance Me Jean-Félix Luciani, avocat de l'archevêque, pour qui cette action n'est fondée "ni factuellement, ni juridiquement, pas plus aujourd'hui qu'hier".
source AFP/Africsolprod
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