les funérailles de Jerry Rawlings au cœur des élections au Ghana
A l’approche des scrutins présidentiel et législatif du 7 décembre, la mort de l’ancien chef de l’Etat cristallise les tensions entre les deux principaux partis.
Les hommages à Jerry John Rawlings virent à la foire d’empoigne. Une semaine après la mort de l’ancien président, jeudi 12 novembre, les drapeaux sont en berne et le Ghana plongé dans un deuil national. Mais pour les deux principaux partis en lice pour les élections présidentielle et législatives du 7 décembre, le National Democratic Congress (NDC), représenté par John Mahama, et le New Patriotic Party (NPP), défendu par le président sortant Nana Akufo-Addo, le décès de « JJ » a été l’étincelle dans la poudrière.
« Rawlings est le fondateur du NDC, il appartient à son parti politique ! », s’emporte un militant venu assister à la veillée organisée, dimanche, en mémoire de l’ancien putschiste qui avait rétabli les libertés démocratiques en 1992. « Le NPP n’a jamais aimé Rawlings de son vivant. Mais maintenant qu’il est mort, ils font semblant de l’adorer pour gagner des voix ! », s’indigne un étudiant en vert et rouge, les couleurs du NDC.
La querelle politique est partie d’un communiqué de Nana Akufo-Addo publié le jour du décès. Le président y annonçait la mort de l’ancien chef de l’Etat, faisait part de ses condoléances à la famille Rawlings et décrétait un deuil national d’une semaine. Un message très classique mais dans lequel l’opposition a vu une impardonnable provocation : Nana Akufo-Addo aurait omis, à dessein, de mentionner le rôle joué par Rawlings dans la fondation du NDC. « Amèrement déçu », le secrétaire général du parti, Johnson Asiedu Nketia, est allé jusqu’à dénoncer « la tentative d’un opposant de détourner les funérailles ».
Depuis, les hommages tournent à la surenchère. Qui affichera la plus grande intimité avec la veuve et les orphelins ? Qui prononcera l’éloge le plus émouvant ? Et surtout, qui organisera les funérailles de l’ancien chef de l’Etat ? Car Nana Akufo-Addo a promis, le jour de sa mort, que Jerry Rawlings aurait des obsèques nationales. Le NDC, de son côté, exige d’être associé à leur organisation – sous peine, menacent certains cadres du parti, de les saboter. « Même si Nana Akufo-Addo enterre Rawlings dans son propre jardin, nous irons voler la dépouille pour l’enterrer de nouveau », s’est enflammé Stephen Atubiga, membre de la communication du NDC.
Entre l’épouse et la fille, le dilemme de « JJ »
Pourtant, Jerry Rawlings avait pris ses distances avec le NDC depuis l’élection de 2016 et la défaite du président sortant, John Mahama, au profit de Nana Akufo-Addo. Le fondateur du NDC avait alors jugé ce ratage « humiliant » et éreinté le candidat vaincu, affirmant qu’il « méritait de perdre » à cause de la corruption de son gouvernement.
Outrage suprême, il avait qualifié le vainqueur de « compétent ». Une position qu’il n’avait pas quittée ces quatre dernières années, affichant ouvertement sa bonne entente avec Nana Akufo-Addo. Pour le scrutin de décembre, « JJ » soutenait la candidature de John Mahama du bout des lèvres.
En juillet, il avait même avoué ne pas avoir voté pour le NDC en 2016, mais pour le National Democratic Party (NDP), un parti concurrent fondé par sa propre femme, Nana Rawlings. Car si les enfants du couple, Kimathi et Zanetor, restent fidèles au parti historique, l’ex-première dame a coupé les ponts depuis 2012, lorsque le NDC lui avait préféré un autre candidat pour le représenter à la présidentielle. Elle était d’ailleurs absente de la veillée funèbre du NDC, alors que ses enfants étaient au premier rang. Et malgré un score anecdotique au scrutin de 2016 (0,15 % des suffrages), celle qui se rêve en Hillary Clinton ghanéenne est de nouveau candidate cette année à l’élection présidentielle.
Dans une interview parue samedi, l’ancien chef d’état-major des forces armées ghanéennes, Joseph Nunoo-Mensah, affirme que Jerry Rawlings était confronté à un « dilemme » : soutenir le parti qu’il avait fondé et où milite sa fille, candidate du NDC pour les législatives, ou soutenir le parti de sa femme. « Lorsque je lui ai demandé pour lequel des deux il voterait, rapporte Joseph Nunoo-Mensah, il n’a pas pu me répondre. »
S/LMA/Africsol
Commentaires