La junte militaire au pouvoir à Bamako a accusé mardi soir l'armée française d'"espionnage" et de "subversion" après la diffusion par l'état-major français de vidéos tournées par un drone à proximité d'une base du centre du Mali récemment restituée par la France.

Les autorités ont "constaté depuis le début de l'année plus de cinquante cas délibérés de violation de l'espace aérien malien par des aéronefs étrangers, notamment opérés par les forces françaises", annonce un communiqué du gouvernement de Bamako.

"Un des cas les plus récents a été la présence illégale d'un drone des forces françaises, le 20 avril 2022, au-dessus de la base de Gossi, dont le contrôle (avait) été transféré aux" Forces armées maliennes (FAMa) la veille, ajoute le texte, signé du colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement mis en place par la junte.

"Ledit drone était présent (...) pour espionner nos vaillantes FAMa. Outre l'espionnage, les forces françaises se sont rendues coupables de subversion en publiant (de) fausses images montées de toutes pièces afin d'accuser les FAMa d'être les auteurs de tueries de civils, dans le but de ternir (leur) image".

Le 21 avril, deux jours après qu'elle eut restitué aux FAMa sa base de Gossi, l'armée française avait entrepris de contrer ce qu'elle a qualifié d'"attaque informationnelle" et publié une vidéo de ce qu'elle affirme être des mercenaires russes en train d'enterrer des corps près de cette base afin d'accuser la France de crimes de guerre au Mali.

Ces images, prises par un drone, montrent des soldats s'affairer autour de cadavres qu'ils recouvrent de sable. Dans une autre séquence, on voit deux de ces militaires filmer les corps à moitié ensevelis.

L'état-major français assure qu'il s'agit de soldats blancs, laissant entendre que ce sont des membres de la société militaire privée Wagner, qu'il a identifiés sur des vidéos et des photos prises à d'autres endroits.

"Opinion régulièrement informée"

Au lendemain de la publication de ces images, l'état-major malien a annoncé avoir découvert "un charnier, non loin du camp anciennement occupé par la force française Barkhane", du nom de l'opération française antijihadiste au Sahel.

"L'état de putréfaction avancée des corps indique que ce charnier existait bien avant la rétrocession. Par conséquent, la responsabilité de cet acte ne saurait nullement être imputée aux FAMa", ajoutait alors l'état-major malien.

Mardi, la justice militaire malienne a annoncé l'ouverture d'une enquête "pour faire tout la lumière" après "la découverte d'un charnier à Gossi".

Selon le procureur de la République près le tribunal militaire de Bamako, "l'opinion sera tenue régulièrement informée de l'évolution de l'enquête, dont les résultats seront rendus publics".

Plongé depuis 2012 dans une crise sécuritaire profonde que le déploiement de forces étrangères n'a pas permis de régler, le Mali a connu deux coups d'Etat militaire depuis août 2020.

La junte au pouvoir à Bamako s'est progressivement rapprochée de Moscou en même temps qu'elle se détournait de la France, engagée militairement dans le pays contre les jihadistes depuis 2013.

Le Mali a ainsi fait appel massivement à ce qu'il présente comme des "instructeurs" venus de Russie alors que les Occidentaux (Paris et Washington notamment) dénoncent la présence dans le pays de "mercenaires" du groupe privé russe Wagner, ce que démentent fermement les colonels maliens.

Sur fond de crise diplomatique avec Bamako, Paris a annoncé en février le retrait de ses soldats déployés au Mali, opération devant être achevée cet été.

Le 8 avril, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian avait mis en doute la version des autorités de Bamako qui affirment avoir "neutralisé" 203 jihadistes fin mars à Moura (centre du Mali) là où l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) accuse des soldats maliens épaulés par des combattants étrangers d'avoir exécuté sommairement quelque 300 civils.

La mission des Nations unies au Mali (Minusma) demande en vain depuis lors à Bamako de pouvoir se rendre sur place pour pouvoir enquêter afin de déterminer ce qui s'est réellement passé à Moura.

S/ Bamako (AFP)/Africsol 

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