L'Eglise catholique allemande doit s'expliquer mardi sur les abus sexuels en son sein et dont des milliers d'enfants ont été victimes, sur fond d'appels à briser la culture du silence et de scandales similaires dans le monde entier.
Réunie jusqu'à vendredi à Fulda, la conférence épiscopale allemande doit présenter un lourd rapport commandé par l'Eglise il y a quatre ans et qui identifie plus de 3.600 victimes sur la période 1946-2014.
Il "n'est pas aisé " de parler d'abus sexuels dans l'Eglise, mais il ne faut "pas reculer devant le défi", a récemment déclaré son président, le cardinal Reinhard Marx, au cours d'une messe après que les passages clés du rapport ont été révélés par la presse courant septembre.
"Dieu souffre de ce que nous n'avons pas vu, de ce que nous avons ignoré, de ce que nous n'avons pas voulu croire", a-t-il dit, parlant de "honte" pour l'Eglise qui a besoin "d'un nouveau départ".
Une ligne téléphonique de soutien aux victimes et un site dédié seront mis en place durant la conférence, selon un porte-parole de la conférence.
La ministre allemande de la Justice a elle réclamé l'instauration d'un profond "changement de culture" au sein de l'Eglise.
Elle doit s'assurer que les coupables soient punis, notamment en "portant plainte afin que les Parquets puissent traiter chaque cas", a exigé Katarina Barley dans un entretien au magazine Der Spiegel.
-"Sommet de l'iceberg"-
Le rapport de 356 pages est un "document accablant de délits cléricaux", résume Der Spiegel qui a eu accès à l'ouvrage. Il fait état d'au moins 3.677 victimes, en majorité des garçons âgés de moins de 13 ans, qui ont été les proies de quelque 1.670 membres du clergé.
Les chiffres sont "choquants et probablement seulement le pic de l'iceberg", a réagi Mme Barley.
Car le consortium de chercheurs des universités de Mannheim, Heidelberg et Giessen, qui a réalisé l'enquête, n'a pas eu d'accès direct aux archives des 27 diocèses allemands. En effet, il n'a examiné que 38.000 dossiers et manuscrits sélectionnés et transmis par l'Eglise.
Selon les auteurs de l'étude, l'Eglise a aussi "détruit ou manipulé" pendant des décennies de nombreux documents relatifs à des suspects et "minimisé" sciemment la gravité des faits.
"Nous demandons à l'Eglise de s'occuper enfin du problème", s'emporte dès lors auprès de l'AFP Jörg Schuh, porte-parole du centre d'accueil des victimes d'abus sexuels Tauwetter, qualifiant d'"organisation criminelle" une institution qui couvre les crimes commis par ses cadres.
"Je ne suis pas surpris par cette étude. C'est bien qu'on arrive enfin à publier des chiffres, et comprendre la mesure du problème. Cela permet aussi de voir combien de prêtres sont coupables: l'étude parle quand même de 4 à 5% du cléricat allemand", ajoute-t-il.
- Des scandales partout -
Seul le tiers des suspects a fait face à des procédures en vertu du droit canonique mais les sanctions étaient minimes, voire inexistantes. Ils étaient souvent transférés sans que les fidèles ne soient avertis du danger potentiel pour les enfants.
Pire, pour les auteurs du rapport, rien ne permet de penser que cette thématique "appartienne au passé".
Australie, Chili, Etats-Unis, Allemagne... Partout dans le monde des accusations circonstanciées de viols, d'abus sexuels, de pédophilie et de sévices physiques visent l'Eglise catholique et ses dignitaires.
Le pape François, qui n'a pas échappé aux critiques pour sa gestion des scandales, a récemment convoqué pour février 2019 une réunion au Vatican de tous les présidents des conférences épiscopales dans le monde sur le thème de "la protection des mineurs".
L'Allemagne a déjà été secouée par plusieurs affaires. L'une des plus retentissantes concerne le choeur catholique de Ratisbonne où, selon un rapport de juillet 2017, au moins 547 enfants ont subi des sévices physiques et des abus sexuels, allant jusqu'au viol, entre 1945 et 1992.
Le frère de l'ancien pape Benoît XVI avait été accusé d'avoir fermé les yeux. Mais Mgr Georg Ratzinger, qui a dirigé de 1964 à 1994 ce chœur millénaire de petits chanteurs, avait assuré n'avoir pas eu connaissance de sévices sexuels.
S/AFP/AFRICSOL
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