Meilleure répartition des richesses, refus du luxe élyséen, parole décomplexée et même gilets jaunes: Les Tuche 3, sorti en janvier 2018, présente plusieurs parallèles troublants avec la crise sociale que traverse la France depuis plusieurs semaines.
Les Tuche 3 était-il un film visionnaire? C'est la question que plusieurs médias et téléspectateurs se sont posée, notamment après la diffusion à la télévision fin décembre du long-métrage, en pleine crise des gilets jaunes.
Dans ce troisième opus, réalisé par Olivier Baroux et sorti dans les salles en janvier 2018, Jeff Tuche, devenu maire de Bouzolles, se présente à l'élection présidentielle et, contre toute attente, gagne avec 57% des voix. La raison de sa candidature? Lorsque le TGV ne s'est pas arrêté dans sa commune, il n'a pas réussi à joindre par téléphone le président de la République; un écho aux accusations de "déconnexion" avec le peuple qui pleuvent sur le gouvernement actuel depuis plusieurs semaines.
Autre coïncidence troublante: une fois à l'Elysée, Jeff Tuche décide d'instaurer le péage gratuit pour les propriétaires de Renault Nevada comme lui, relevait La Dépêche à la sortie du film. Le quotidien régional le comparait alors à un Insoumis.
Pour une meilleure répartition des richesses
Pourtant, la ressemblance la plus frappante n'est pas là. Devenu Président, Jeff Tuche demande conseil à son fils au sujet des finances. Aux cris de "Si la France est patraque, c'est à cause du CAC", il se met alors en grève pour que les entreprises de l'indice boursier reversent 3% de leurs bénéfices à leurs employés, pour une meilleure répartition des richesses.
Lors d'une sorte de barbecue dans la cour de l'Elysée, ses soutiens revêtent… des gilets jaunes, comme l'ont relevé Le Point et le HuffPost lors de la diffusion du film fin décembre, après déjà plusieurs samedis de mobilisation des gilets jaunes - les actuels -.
"Quelques mois avant le mouvement des gilets jaunes, Les Tuche 3mettent en scène une révolte populaire contre la confiscation des bénéfices financiers des grands groupes industriels en utilisant le gilet jaune comme symbole de ce qui vient alors remplacer le bleu de travail des ouvriers qui s’est généralisé au cours du XXe siècle", analysent les sociologues Philippe Cibois et Hervé Glevarec dans une tribune publiée dans Le Monde ce mardi.
"Le refus d'une classe politique isolée dans son monde"
Ils soulignent aussi l'incapacité, certes, de Jeff Tuche à s'exprimer dans un cadre formel, mais son aptitude à parler au peuple. "Mais l'adhésion au film semble dépasser les milieux populaires et toucher beaucoup plus de monde par son ressort fondamental qu'est son refus d’une classe politique isolée dans son monde et ce sont les ors de l’Elysée qui en font les frais", poursuivent les sociologues dans le quotidien.
Le journal L'Opinion relevait d'ailleurs le personnage de Jeff Tuche comme une figure citée de temps à autre par les gilets jaunes sur les réseaux sociaux. A Douai, un homme déguisé en Jeff Tuche a connu son quart d'heure de notoriété dans les rassemblements de gilets jaunes.
Pourtant, Les Tuche 3 n'a pas récolté une pluie d'étoiles à sa sortie, malgré plus de 5 millions d'entrées. L'Obs le tançait en ces termes: "Méfiance des élites, dédain des petits, la France serait presque un pays au bord de l'insurrection."
Liv Audigane/AFRICSOL
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