Le premier pape latino-américain de l'Histoire, qui achève mardi cinq années de pontificat, a mené une mini-révolution par son style simple tourné vers les exclus et ses propos radicaux sur les inégalités socio-économiques, même s'il reste conservateur en matière de morale catholique.

Le jésuite argentin a été choisi pour entamer une profonde réforme économique d'une Curie (gouvernement du Vatican) ternie par les scandales, un objectif qui a avancé au ralenti, visiblement freiné par des résistances internes.

Mais le pape de 81 ans, qui nomme peu à peu un collège de nouveaux cardinaux à son image, ambitionne surtout de secouer les consciences en répétant des messages concrets de miséricorde, d'accueil et de tolérance religieuse, dans l'espoir de faire revenir dans le giron de l'Église les croyants en fuite.

Il a lancé fin 2015 un "Jubilé de la miséricorde", tant ce thème est central dans sa théologie. "Qui suis-je pour juger?", a-t-il dit au sujet des homosexuels. "Nous sommes tous des migrants!", a-t-il lancé dans l'île grecque de Lesbos, en ramenant à bord de son avion trois familles musulmanes syriennes.

L'homme qui a vécu presque toute sa vie en Argentine dénonce sans relâche toutes les formes de violence, de la traite des êtres humains au drame des migrants et à l'exploitation économique, en passant par les conflits armés.

Le pape François prend un bain de foule le 9 avril 2017 à la fin de la messe de Pâques, sur la place Saint-Pierre de Rome, au Vatican 

Il exprime aussi sa honte des abus sexuels du clergé et rencontre régulièrement des victimes, sans souhaiter en faire le leitmotiv de son pontificat. Il est néanmoins très attendu sur ce dossier, après avoir maladroitement défendu en janvier un évêque chilien soupçonné d'avoir tu les agissements d'un vieux prêtre pédophile.

Le prélat, marqué par la crise économique argentine de 2001, est un critique très sévère du néolibéralisme et d'une "culture du déchet" qui rejette personnes âgées, enfants à naître, handicapés ou jeunes au chômage.

Car le premier pape venu du Nouveau monde a été fortement influencé par la "théologie du peuple", la variante argentine de la "théologie de la libération", toutefois non violente et non axée sur la lutte des classes marxisante.

Certains cercles conservateurs de l'Église se montrent toutefois las d'entendre parler sans cesse de justice sociale, plutôt que des valeurs traditionnelles de l'Église. Des cardinaux l'ont même défié avec virulence sur l'un de ses textes phares apportant une timide ouverture sur la communion des couples divorcés remariés civilement.

Le cardinal Jorge Mario Bergoglio, tout juste élu pape François, s'adresse à la foule le 13 mars 2013 depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, au Vatican

En ligne avec les enseignements traditionnels de l'Église sur l'avortement ou le célibat des prêtres, François essaie de prôner davantage d'écoute et d'empathie chez le clergé, appelé à prendre en compte des situations particulières.

Élu le 13 mars 2013 à l'âge de 76 ans, François a immédiatement frappé par son dépouillement. "Comme je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres", lancera-t-il, en expliquant son choix du nom de saint François d'Assise.

L'Argentin, qui a toujours préféré les transports publics aux limousines, a boudé l'appartement des papes dans le palais pontifical, préférant un 50m2 dans une résidence hôtelière du Vatican.

- Pasteur de rue -

Très vite, il a fait installer des douches pour les clochards place Saint-Pierre, avant de multiplier les invitations au Vatican à des sans-abris ou des détenus.

Tout juste élu pape, François s'adresse à la foule le 13 mars 2013 depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, au Vatican 

Contrastant avec la distance du timide Benoît XVI, ce véritable pasteur de rue se montre très chaleureux avec les simples fidèles, lors de longs bains de foules tactiles.

Il est en revanche parfois cassant avec ses pairs et se dit "anticlérical". Il lutte contre la "mondanité" et le "carriérisme", appelant évêques et prêtres à résister à "l'Alzheimer spirituel" et à sortir pour rencontrer les gens. Car pour lui, l'Église est avant tout "un hôpital de campagne".

Le "dialogue" pour la paix est aussi l'un de ses maîtres-mots sur la scène internationale. Sous son pontificat, la diplomatie du Saint-Siège a contribué à la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis.

Et soucieux de la sauvegarde de la planète, il a exprimé dans son encyclique "Laudato si'" (2015) un véritable réquisitoire contre la finance et la technologie aveugles, tout en exaltant le partage des ressources naturelles.

Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio a vu le jour dans une famille modeste d'émigrés italiens du Piémont et obtenu un diplôme de technicien en chimie. C'est dans un confessionnal, à 17 ans, alors qu'il est amoureux d'une jeune fille, qu'il a reçu sa vocation.

Le pape François assiste à l'inauguration des Journées mondiales de la Jeunesse le 28 juillet 2016 à Cracovie en Pologne

A 21 ans, une grave pneumonie entraîne l'ablation partielle d'un poumon, ce qui l'empêchera de réaliser son rêve de partir missionnaire au Japon. A 22 ans, Jorge Bergoglio intègre le noviciat de la Compagnie de Jésus et il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969.

Moins de quatre ans plus tard, à 36 ans, il est élu provincial (responsable national) des jésuites argentins. Il assume ces responsabilités pendant six ans, et regrettera plus tard d'avoir fait preuve d'autoritarisme pour s'imposer dans une période très tendue.

En 1992, Jean Paul II le nomme évêque auxiliaire de Buenos Aires. Il grimpe alors les échelons pour devenir cardinal en février 2001.

L'archevêque de Buenos Aires était pratiquement un inconnu en dehors de son pays, quand il fut élu pape, n'ayant jamais occupé de poste à la Curie qu'il n'appréciait guère.

S/AFP/Afric'sol

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