L'épidémie d'Ébola qui sévissait dans la province de l'Équateur en RDC est officiellement endiguée. Entretien avec Matshidiso Moeti, directrice du bureau régional pour l'Afrique de l'OMS, sur les moyens mis en œuvre pour éviter l'épisode dramatique de 2014 en Afrique de l'Ouest.
Le directeur général de l’OMS, l’Éthiopien Tedros Gebreyesus, est à Kinshasa, où il est venu marquer la fin officielle de l’épidémie d’Ébola, déclarée le 24 juillet par le ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga. Le virus a sévi pendant près de deux mois et fait 33 morts dans la province de l’Équateur.
Matshidiso Moeti, directrice du bureau régional pour l’Afrique de l’organisation, explique à Jeune Afrique comment cette nouvelle flambée meurtrière a pu être maîtrisée, afin d’éviter l’épisode dramatique de 2014, en Afrique de l’Ouest, qui avait fait plus de 11 000 morts.
Jeune Afrique : Quelle était la particularité de l’épidémie qui a sévi en RDC, par rapport à celle qui a ravagé l’Afrique de l’Ouest en 2014 ?
Matshidiso Moeti : Cette épidémie d’Ebola était particulièrement complexe, car elle menaçait un centre urbain et des zones rurales isolées. Il a fallu se battre sur deux fronts. Mais, le ministère de la Santé de la RDC a correctement riposté en sollicitant un appui là où le besoin se faisait sentir et en informant le public des risques liés à la maladie.
L’OMS et ses partenaires ont organisé une réponse rapide et efficace. Nos équipes étaient sur le terrain pour procéder à des investigations sur la première alerte, élaborer le plan de riposte à partir duquel tout le monde a travaillé, lever des fonds et faciliter l’arrivée et l’utilisation du matériel nécessaire.
IL S’AGISSAIT D’UNE VACCINATION CIBLÉE QUI VISAIT À PROTÉGER LES PERSONNES LES PLUS EXPOSÉES AU RISQUE D’INFECTION
Ensemble, nous avons vaincu Ebola en moins de deux mois grâce à des méthodes traditionnelles telles que l’investigation des cas, la recherche des contacts ainsi que la fourniture de soins aux malades, et en ayant recours à de nouveaux outils, tels que la vaccination des personnes qui couraient le risque d’être infectées par le virus et la mise à disposition de nouveaux médicaments.
En quoi a consisté la campagne de vaccination ?
C’était la première fois qu’un vaccin contre le virus Ebola était utilisé au tout début d’une épidémie. Il ne s’agissait pas d’une campagne de vaccination générale pour l’ensemble de la population de la zone touchée. Il s’agissait plutôt d’une vaccination ciblée qui visait à protéger les personnes les plus exposées au risque d’infection, c’est-à-dire les personnes qui étaient soit les contacts de cas confirmés d’Ebola, soit les contacts de ces contacts.
Les autres personnes qui ont eu accès au vaccin ont été les premiers intervenants. Le vaccin s’est avéré efficace pour assurer une protection contre le virus Ebola lors d’un essai réalisé en Guinée en 2015. Fort de cette expérience, 34 agents de santé du ministère guinéen de la Santé sont venus en RDC apporter une aide aux 50 agents congolais formés par l’OMS dans le cadre de la vaccination dite « en anneau ».
3 330 PERSONNES ONT ÉTÉ VACCINÉES CONTRE LE VIRUS EBOLA, ET AUCUNE N’A CONTRACTÉ LA MALADIE
Quel est le bilan ?
L’impact exact est encore en cours d’analyse, mais cette méthode de vaccination « en anneau » a mis en place un pare-feu, ce qui a permis d’empêcher Ebola de causer davantage de pertes en vies humaines. Ce sont 3 330 personnes qui ont été vaccinées contre le virus Ebola, et aucune des personnes vaccinées n’a contracté la maladie.
Quand ce vaccin sera-t-il disponible partout ?
Il est en attente d’homologation par les organismes internationaux de réglementation.
L’OMS avait été critiquée quant à sa gestion de la crise en Afrique de l’Ouest, en 2014. Trop lente à réagir, moyens insuffisants…
C’est vrai, et cela a été douloureux pour nous. Nous avons donc veillé à ce que l’Organisation, en particulier en Afrique, soit mieux préparée. Lorsque cette nouvelle épidémie a frappé la RDC, nous étions prêts.
Dans les heures qui ont suivi la confirmation des premiers cas, l’OMS a alloué plus de 2 millions de dollars (environ 1,7 millions d’euros) émanant de son Fonds de réserve pour les situations d’urgence et a dépêché une équipe sur le terrain. Le bureau des Nations unies en RDC et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont fourni des aéronefs à voilure fixe et des hélicoptères pour nous permettre d’acheminer des personnes et des fournitures depuis et vers la zone touchée.
Les Africains sont-ils suffisamment formés pour faire face, seuls, à une autre épidémie ?
Les deux tiers des 250 personnes déployées pour assurer la riposte étaient issues de la région. Cela atteste de l’énorme capacité de ce continent à relever des défis sanitaires difficiles. Il y a eu un important transfert de compétences. La Guinée a déployé des dizaines d’experts, qui ont travaillé en collaboration avec leurs homologues de la RDC et partager leur expertise, ce qui a permis à Kinshasa d’organiser une riposte efficace tant à l’intérieur de ses frontières qu’au-delà de celles-ci. Et ses voisins ont rapidement pris des mesures de précaution et de préparation pour garantir l’endiguement de l’épidémie.
S/J.A/AFRICSOL
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