Nouvelle règle. L’histoire ne dit pas si l’UEFA s’est inspirée de Koh Lanta pour imaginer son dernier ajustement en date pour l’Euro à venir, toujours est-il que les belligérants ont pris connaissance, le 4 mai, de la nouvelle arme secrète dont ils disposeront à l’occasion : la liste élargie à 26 joueurs, que chaque sélectionneur devra divulguer avant le 1er juin. L’adaptation « à titre exceptionnel » s’inscrit dans la lignée des cinq remplacements en ce qu’elle est censée apporter un peu de sérénité à des sélectionneurs qui vivront un mois durant dans la crainte du test PCR. Mais cette liste des 26 est-elle pour autant un cadeau pour Didier Deschamps et ses pairs ? Pour répondre à cette épineuse question, 20 Minutes a fait appel à deux sélectionneurs coutumiers des rassemblements internationaux : Claude Leroy et Alain Giresse.
Oui, surtout si des joueurs décident de manger une gaufre en plein tournoi
Pour ceux qui n’ont pas la référence, parce qu’ils n’ont cure du rugby ou qu’ils dormaient profondément à ce moment de notre glorieuse histoire sportive, on rappellera que le XV de France a prouvé il n’y pas si longtemps qu’il était extrêmement simple de bousiller un groupe en plein tournoi. On peut aussi citer l’exemple du Mondial de handball, où le Cap-Vert s’était pointé avec onze joueurs avant de perdre deux joueurs et déclarer forfait un match plus tard. Les bulles réduisent les (mal) chances d’attraper le Covid sans les réduire à néant, donc autant avoir un maximum de gars dans le groupe. Giresse :
« En ayant les joueurs sous la main, vous êtes sûrs qu’ils soient toujours actifs. Alors que si d’un coup vous êtes obligés d’aller repêcher un joueur qui a les pieds dans le sable, c’est un peu plus problématique. Vu comme ça, le coup des 26 se tient. »
Deschamps préfère les groupes restreints mais…
Le sélectionneur français avait abordé un peu par hasard le thème de la gestion de groupes élargis l’automne dernier, alors que la France s’apprêtait à affronter le Portugal en Ligue des nations. A l’époque, il n’était pas question d’Euro mais du nombre de joueurs convoqués lors des rassemblements en équipe nationale. DD avait alors fait état de sa préférence pour les groupes restreints. « Quand il y en a 23-24, c’est pas facile de les concerner pendant les entraînements, expliquait le sélectionneur des Bleus. Je sais par exemple que Roberto Mancini prend 32 joueurs, mais moi je n’aime pas trop ces situations-là, je veux que les joueurs se sentent concernés. Humainement vis-à-vis des joueurs, je pense que c’est plus juste. »
Ironie de l’histoire, Deschamps a néanmoins fini par rejoindre le mouvement initié par son homologue italien quand celui-ci soufflait pour la première fois au début du printemps l’idée d’une liste élargie pour l’Euro. « Je pense que si l’UEFA se penche sur le fait de pouvoir élargir la liste, ce serait une bonne chose, à condition évidemment qu’elle puisse être de deux trois joueurs en plus, et que tous puissent être sur la feuille de match. »
Déprimant pour les recalés de la feuille de match
L’instance du foot européen a accédé à la requête de notre DD national à l’exception du tout dernier point. Il y aura bien « deux, trois » loustics en plus, mais les feuilles de match resteront bloquées à 23. Alain Giresse s’en inquiète. « Imaginez. Vous en avez 23 avec les chaussures et les protège-tibias aux pieds et les trois autres, ils n’auront rien du tout, et ils seront en tribune. J’ai connu cette situation à l’époque où on avait 23 joueurs sur la liste mais une feuille de match à 18. Il fallait mettre cinq gars en tribune. C’est pas le truc le plus sympathique à réaliser et ça peut créer des mécontentements chez les joueurs. »
On est quand même assez sereins quant au fait que personne dans les 26 ne sera assez téméraire pour défier l’autorité de DD en cas de renvoi en tribune, surtout quand on connaît le sort réservé aux capricieux. Même Adrien Rabiot, qui a miraculeusement réussi à en revenir, a dû prendre son mal en patience avant l’amnistie. Néanmoins, Deschamps peut se faciliter la tâche en optant pour l’option bizuts, toujours plus facile à asseoir sur le canap en plus d’être de bons investissements sur le futur. C’est la méthode Claude Le Roy :
« Les trois ou quatre derniers sur la liste sont a priori des jeunes qui sont là pour apprendre. J’ai en mémoire Samuel Eto’o en 1998. Il avait 17 ans, et je ne me suis pas résolu à l’écarter parce que son talent était tellement grand… Donc avant le Mondial, j’avais dit à Sam « tu ne joueras pas, mais tu vas gagner beaucoup de temps en apprenant ce que c’est qu’une Coupe du monde. » Bon, finalement il a quand même joué, mais c’est dans cet esprit que j’irais pour compléter la liste de 26. » Un job parfait pour Thuram ou Koundé, par exemple.
Avec DD, le 26e peut très bien finir titulaire
Gare tout de même à ne pas exagérer le cliché du coiffeur, concept dont Alain Giresse ne se montre pas très fan. « Ce n’est pas sérieux de s’imaginer qu’on prend des garçons qui n’ont pas de qualités, juste parce qu’ils sont sympas. » Certes, Didier Deschamps attache de la valeur à la notion de groupe, mais ça n’en fait pas un moniteur de colonie de vacances. Le sélectionneur des Bleus a prouvé sur les deux dernières compétitions internationales son envie d’impliquer tout le monde voire d’instaurer une saine concurrence.
Et à quiconque serait tenté de prendre Rami 2018 – seul joueur à zéro minute en Russie – en exemple, on rappellera que DD avait prévu de faire rentrer son défenseur central en finale contre la Croatie si Lloris ne nous avait pas fait flipper à 20 minutes de la deuxième étoile. Le même Rami qui avait été appelé en 2016 pour pallier la blessure de Varane après n’avoir même pas figuré dans la liste des réservistes pour l’Euro, et disputé les quatre premiers matchs dans leur intégralité. Avant de voir un certain Samuel Umtiti, heureux réserviste appelé en renfort après le forfait de Jérémy Mathieu, terminer la compétition à sa place.
S/20MINUTES/Africsol
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