Depuis le 14 octobre, un intense mouvement de contestation contre l’éventualité d’un troisième mandat du chef de l’Etat agite le pays.

 

Deux jeunes hommes sont morts lundi 4 novembre à Conakry, selon les autorités, quand une marche organisée par l’opposition derrière les cercueils de Guinéens tués lors de récentes manifestations a dégénéré en nouveaux affrontements violents avec les forces de l’ordre. Six autres participants à cette procession ont été blessés par les balles des forces de l’ordre, a annoncé l’opposition.

La Guinée, petit pays de 13 millions d’habitants, pauvre malgré d’importantes ressources minières, est en proie depuis le 14 octobre à une intense contestation contre l’éventualité d’un troisième mandat du président Alpha Condé. Une quinzaine de manifestants ont été tués depuis cette date selon l’opposition, des dizaines d’autres ont été blessés, des dizaines arrêtés et jugés. Un gendarme a également trouvé la mort.

Dans un pays coutumier des protestations et des répressions brutales, les funérailles de onze manifestants morts depuis trois semaines mais dont les autorités avaient retenu les dépouilles jusqu’alors s’annonçaient comme un rendez-vous à risques. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui mène le mouvement, entendait transformer ces obsèques en « marche funèbre », pour les disparus et contre le président Alpha Condé.

Des centaines de Guinéens, parmi lesquels les proches et des personnalités de l’opposition, ont défilé à pied ou à moto dans le quartier de Bambeto derrière les cercueils drapés dans le drapeau national (rouge, jaune et vert) et portés à l’épaule. Du cortège s’élevaient les slogans « Justice pour les morts » et « Alpha assassin ». Les affrontements ont éclaté sur le trajet, jalonné de pick-up de la police, entre l’hôpital, où les familles et l’opposition avaient récupéré les corps, et la mosquée, où était prévue la prière avant l’inhumation.

Dérive « dictatoriale »

Dans une épaisse fumée de pneus incendiés, des groupes denses de jeunes revêtus pour beaucoup des couleurs rouges de l’opposition ont affronté à coups de pierres les engins des forces de l’ordre, les policiers et les gendarmes à pied. Ces derniers ont riposté à l’aide de gaz lacrymogène et de projectiles anti-émeutes, mais aussi à balles réelles, selon plusieurs témoignages.

Abdourahim Diallo, 17 ans, a été touché au ventre et a succombé à ses blessures à l’hôpital alors qu’il était venu « assister aux obsèques de son ami tué il y a deux semaines », a dit à l’AFP sa sœur Diariana. Selon cette dernière, il a été tué par une arme à feu « à bout portant ». Le ministère de la sécurité a ensuite fait état dans un communiqué lu devant la presse d’un deuxième décès, celui d’un élève. Les autorités avaient fait en sorte, selon l’opposition, que le cortège reste à l’écart du centre de Conakry. Elles avaient remis les corps lundi matin seulement à l’hôpital de l’Amitié sino-guinéenne, non loin du cimetière où ils devaient être enterrés.

Le FNDC, coalition de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la société civile, avait initialement prévu cette marche mercredi dernier. Mais les autorités avaient annoncé au dernier moment qu’elles ne restitueraient pas les corps dans l’immédiat car des autopsies, selon elles, étaient en cours. On en ignore le résultat. Il s’agit « d’élucider les causes exactes des décès » et d’identifier les responsabilités, a précisé le ministère de la santé.

Le président Condé lui-même a affirmé que ce sont les manifestants eux-mêmes qui tirent pour mettre les morts « sur le dos » du gouvernement. Il dénonce une opposition « putschiste ». Les autorités disent ne faire que défendre la sécurité publique. Les défenseurs des droits humains dénoncent, eux, un usage excessif de la force par le gouvernement, des arrestations arbitraires et une répression visant à réduire l’opposition au silence.

L’opposition accuse de dérive « dictatoriale » l’ancien opposant historique qui fut le premier président démocratiquement élu en 2010, réélu en 2015, après des décennies de régimes autoritaires et militaires. Il ne fait aucun doute pour elle que M. Condé entend réviser la Constitution pour concourir à un troisième mandat présidentiel en 2020 alors que le texte actuel en limite le nombre à deux. A 81 ans, M. Condé ne confirme ni n’infirme les intentions qui lui sont attribuées.

S/LMA/AFRICSOL

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