La victoire de la France contre le Maroc en demi-finale de la Coupe du monde 2022 a été célébrée dans de nombreuses villes malgré les températures hivernales. Plusieurs incidents sont cependant à déplorer notamment à Lyon et sur les Champs Elysées à Paris. À Montpellier, un adolescent a été mortellement percuté par une voiture.

À PARIS : « ON VA TOUT BAISER ! »

Quelque chose cloche. Les rames de métro bondées débordent de sourire. À l’intérieur, pas question de râler après la RATP. On s’égosille, on s’époumone et on chambre gentiment le voisin. C’est de bonne guerre. Les portes s’ouvrent, la foule au visage peinturluré des couleurs tricolores de la victoire s’élance direction la plus belle avenue du monde. Dehors, c’est la liesse des grands jours, une liesse populaire, qui tranche avec l’ambiance bourgeoise des grands magasins. Ce peuple converge maintenant vers l’Arc de Triomphe. Le brouhaha des klaxons s’amplifie et se mêle aux claquements des feux d’artifice qui illuminent le ciel et les yeux de tous les spectateurs émerveillés. « J’adore ce pays », crie une jeune femme en immortalisant la scène. Drapeaux français et marocains déployés, on partage tout et on fait la fête ensemble. Exit l’amertume de défaite : « J’étais pour le Maroc, c’était une victoire pour l’histoire, mais je n’ai pas perdu dans tous les cas », rigole Merwan 22 ans, deux drapeaux des deux pays sur chacune de ses épaules.

Sur les trottoirs la foule s’agglutine maintenant en petit groupe, bien encadrée par les effectifs pléthoriques des forces de l’ordre. Gianni, 16 ans, arrive de Villejuif, « c’est énorme ce que la France a fait, maintenant on va gagner la finale », crie le jeune homme en sueur avant de retourner sauter dans le groupe de supporters qui anime l’un des rassemblements. La fumée rouge, bleu et parfois verte se fait plus dense, l’odeur âcre sature l’air par endroits et quelques pétards effraient les moins téméraires. Quelques cadavres de fumigènes sont jetés sur les camions de gendarmeries, c’est à ce moment précis, lorsque la foule se fait trop dense, qu’une brigade décide de charger pour refroidir les ardeurs.

Plus loin, place de Clichy, les kebabs retransmettant le match font grise mine. Les supporters présents, essentiellement des hommes, soutiennent l'équipe du Maroc. Dans la rue, des livreurs Uber et Deliveroo forment un cercle autour de l’iPhone retransmettant les dernières minutes du match. Au coup de sifflet final, les supporters de l'équipe de France sortent des bars autour de la place pour exprimer leur joie. Devant les pubs du boulevard de Clichy, l'ambiance est jeune, les chants se succèdent. Des serveurs filment les feux d'artifice tirés par un homme sur la place.

Un restaurateur se presse de rentrer sa terrasse. Des jeunes supporters du Maroc, écharpes remontées sur le visage, organisent très vite la suite de la soirée : « Viens on va sur les champs, on va tout baiser ! » lâche l'un d'entre eux qui essaye de motiver son ami. Les voitures et bus peinent à se frayer un passage au milieu de la centaine de supporters chantant la Marseillaise. Très vite les tirs de mortier remplacent les fumigènes et les pétards. « Ça fait peur…», glisse une jeune fille accompagnée de deux amis. Pas de quoi freiner l'émulation.

Au total, 115 interpellations ont eu lieu dans l'agglomération parisienne dont 101 à Paris, a indiqué la préfecture de police, peu avant 1 h 00 jeudi. Selon une source policière, un groupe de 40 personnes proches de l'ultradroite, qui s'apprêtaient à rejoindre les Champs-Élysées à Paris à l'issue de la demi-finale, a été arrêté lors d'un contrôle dans le XVIIe arrondissement, notamment pour « groupement en vue de commettre des violences » et port d'armes prohibées. i

À SAINT-DENIS (SEINE-SAINT-DENIS) : SUPPORTERS DU MAROC…PUIS DE LA FRANCE

Dans un petit troquet du centre-ville l’avant match voit pondre débats et pronostics. Walid, la cinquantaine, supportera son pays d’origine qu’il imagine bien gagner « 2-1 ». Faiza, son amie, avoue un faible pour les Lions mais annonce qu’en tant que binationale, elle sera contente quel que soit le résultat. À 19 h 55 les hymnes retentissent. Si la Marseillaise ne rencontre que peu d’échos – plusieurs supporters se lèvent et chantent en arabe par-dessus la télévision – l’hymne national marocain enflamme la salle. Dix minutes à peine suffisent à refroidir complètement l’ambiance. Le but de Theo Hernandez fait hurler plusieurs supporters présents dans le bar « Hors jeu ! Hors jeu ! ». Mais la position du français est bel et bien licite. « Tu vas voir les Français vont foutre le bordel sur les champs Élysées » glisse, un brin badin, un fan marocain à son voisin de table. La suite de la première période ne sera qu’une succession d’espoirs. Même les appels à Allah des supporters ne suffisent pour le moment à voir les Lion tromper la vigilance de Lloris. Après la mi-temps, second but pour la France. Un supporter des Bleus accoudé sur une table est alors interpellé par un ami marocain : « Tu es content j’espère, plaisante-t-il. T’es le seul heureux dans le bar. T’es peut être même le seul heureux dans tout le département ! » Au coup de sifflet final se mélange un tonnerre d’applaudissements, de youyou mais aussi de « allez les bleus ». Les rues de la cité dionysienne restent, en revanche, muettes à la fin de match.

À MARSEILLE, AMBIANCE BON ENFANT

Sur le Vieux-Port de Marseille, Yoann, emmitouflé à la fois dans un drapeau français et dans un drapeau marocain ne sait pas s’il doit « rire ou pleurer ». Mais lorsque le coup de sifflet final retentit, la musique accompagnant l'équipe de France depuis le début de la compétition résonne au Corner Pub : « Freed from desire », de Gala. Et il en faut peu à ce franco-marocain pour joindre le mouvement de joie sur le Vieux-Port de Marseille.  « Les Marocains ont marqué l’histoire, mais c’est magnifique de voir la France avec un ticket pour la finale pour la deuxième fois d’affilée », déclare-t-il. À quelques mètres de lui, des fumigènes et des feux d’artifice se déclenchent dans une ambiance bon enfant. Les coups de klaxons fusent. Et sous l’ombrière du Vieux-Port, des drapeaux français et marocains se lèvent, ensemble, sous le chant d’une Marseillaise entonnée à répétition au cœur de la deuxième ville de France.

À MONTPELLIER, UN ADOLESCENT TUÉ

Un adolescent est décédé mercredi soir à Montpellier, percuté par « un chauffard », à la suite de la qualification de la France pour la finale du Mondial au Qatar contre le Maroc, a annoncé la préfecture. Le conducteur a pris la fuite et« le véhicule a été retrouvé à proximité des lieux de l’accident et placé sous séquestre », a ajouté la préfecture dans un communiqué précisant que « l’enquête de police progresse rapidement sous la direction du parquet ». La victime, transférée à l’hôpital en urgence absolue, est décédée peu après sa prise en charge médicale. Selon la députée de la Nupes de l'Hérault Nathalie Oziol, les faits se sont produits dans le quartier populaire de la Paillade et la victime avait 14 ans, a-t-elle indiqué sur Twitter, regrettant que cet « événement sportif s'achève en drame absolu ».

À LYON, INCIDENTS AVEC L'ULTRA DROITE

La préfecture du Rhône a été le théâtre de scènes de liesse et de concerts de klaxon. Mais, peu après la fin du match, « un groupe de jeunes d'extrême droite s'est rapproché des supporters rassemblés sur la place Bellecour. Il y a eu une rixe et la police est rapidement intervenue pour repousser le groupe et le suivre », selon une source préfectorale. La préfecture a fait état de sept interpellations au total dont deux parmi les militants d’ultradroite.

À METZ (MOSELLE) : « C'EST QUAND MÊME CALME POUR UNE VICTOIRE »

Ambiance de liesse populaire dans les quartiers adjacents du centre-ville. Depuis la fin du match, les klaxons ne s’arrêtent plus aux feux rouges. Au loin, des feux d’artifice dans le ciel. Aux arrêts du tram, près du collège Georges de la Tour, des jeunes agglutinés scandent : « T’as vu Kolo ? », en référence à l’attaquant des Bleus. Drapeaux français sur les épaules, ils avancent vers le cœur du centre-ville. Aux abords, la vingtaine de CRS présents – qui ont pu regarder le match depuis leurs voitures de fonction – confirment que la soirée est « très calme ». Même si des lycéens jurent que des « Marocains ont jeté des pétards sur les civils ». « Ils sentaient le seum », affirment-ils. L’alarme d’une bijouterie se fait entendre au loin. Dans les bars, l’ivresse de l’alcool laisse place à celle de la victoire. Un supporter déguisé en Obélix, « fier d’être français », prévient : « On l’a la troisième étoile, c’est sûr ! Mais ça va être dur… » Deux heures à peine, après le coup de sifflet marquant l’accession des Bleus en finale, les rues du centre-ville de Metz, jonchées de cotillons et de détritus, se vident. Dans un dernier troquet, on entend murmurer : « C’est quand même calme pour une victoire de la France. »

À SAINT-NAZAIRE, BREST, RENNES, CARHAIX : FEU D'ARTIFICE ET DRAPEAU MAROCAIN À LA MAIRIE

Sitôt le coup de sifflet final, les quelque 2 000 supporters qui s'étaient rassemblés dans une fan zone avec écran géant installé à l'abri à Saint-Nazaire pour la demi-finale déferlent dans les rues pour célébrer la victoire des Bleus. Des scènes similaires sont également vues à Brest ou encore à Rennes, où un feu d'artifice est dans le centre. Globalement, toute la Bretagne a communié après ce succès face aux Marocains, lesquels constituent la deuxième communauté étrangère la plus représentée (après les Britanniques) dans la région. Pour sceller cette amitié, l'édile de Carhaix avait même hissé le drapeau du royaume chérifien sur le fronton de la mairie.

À ANGERS, LA JOIE, À NANTES, VENTE D'ALCOOL INTERDITE ET TRANSPORTS STOPPÉS

Même effusion de joie aperçue à Angers, où le cœur balançait parfois entre les Tricolores et une fierté locale d'avantage tournée vers l'Atlas puisque deux internationaux, Boufal et Ounahi, évoluent au SCO.

S/M/Africsolprod

Commentaires