Les Fennecs, tenants du titre, ont été battus, jeudi, par la Côte d’Ivoire (3-1) lors du dernier match. « C’est un échec, tout simplement », a résumé le sélectionneur, Djamel Belmadi.

Rob Page

 
Etouffant. Comme l’air moite de Douala, au Cameroun. Comme l’enjeu cruel pour l’équipe d’Algérie de football : pour survivre dans la Coupe d’Afrique des nations (CAN), il lui fallait vaincre à tout prix. Etouffés, les Algériens l’ont été tout au long des quatre-vingt-dix minutes de la rencontre qui les opposait à la Côte d’Ivoire, jeudi 20 janvier, au stade Japoma, pour le troisième et dernier match du premier tour de la compétition.
Avec un seul point totalisé en deux matchs (0-0 face à la Sierra Leone ; 0-1 contre la Guinée équatoriale), les Fennecs n’avaient pas le droit de subir une nouvelle défaite. Pourtant, face à la Côte d’Ivoire, « Les Z’hommes » ont été terrassés 3 buts à 1. Tenante du titre, grande favorite, l’Algérie finit ainsi dernière de son groupe et sort dès le premier tour de la CAN, comme en 1992.

Qui aurait misé sur une telle faillite ? « C’est un échec, tout simplement, a réagi Djamel Belmadi, le sélectionneur de l’équipe algérienne. Nous n’avons pas été à la hauteur de la compétition. » Sous le son étourdissant des vuvuzelas, les Guerriers du désert n’ont pas su trouver la faille chez des Ivoiriens déjà qualifiés avant même de jouer cette ultime confrontation des poules.

« C’était le match presque parfait », s’est enthousiasmé le sélectionneur des Elephants, Patrice Beaumelle, qui avait prédit une rencontre « électrique ». Il ne s’était pas trompé. Avec une attaque virevoltante, une défense solide, les Ivoiriens ont mis « de la manière, du cœur, de l’envie, et puis, je crois, de la détermination à finir [leurs] actions, a-t-il expliqué. L’Algérie [était] un adversaire redoutable qui, sur cette compétition, n’a pas su se mettre en confiance. On les a sentis frustrés dans leur efficacité. On ne devait pas laisser les Fennecs se réveiller. »

Les Algériens n’ont pas réussi à « se réveiller » de ce cauchemar camerounais, inhabituellement maladroits devant les buts adverses. Et même quand ils ont obtenu un penalty, Riyad Mahrez, le capitaine, a raté son tir, renvoyé par le poteau gauche. L’Algérie a manqué de réussite lors de ses trois rencontres de poules. Mais comment expliquer qu’un collectif aussi flamboyant avant le début de la compétition ait pu se disloquer ?

L’Algérie a égaré sa magie et son jeu

 

« Difficile de faire une analyse rationnelle tout de suite après une aussi grande déception. On avait à cœur, sur ce match-là, de se rattraper un peu, au moins d’un point de vue comptable, si ce n’est par la manière. Chose qu’on n’a pas pu faire », a réagi le sélectionneur des Verts, qui a semblé, sur le bord du terrain, abattu, le visage dans les mains. « A partir du moment où, depuis le début du tournoi, on ne concrétise pas nos occasions, le doute s’est peut-être installé. »

L’Algérie a égaré sa magie et ce jeu qui lui avait permis d’enchaîner trente-cinq matchs sans défaite en trois ans. Une série qui a pris fin face à la modeste Guinée équatoriale, le 16 janvier, alors qu’elle était à deux rencontres seulement d’égaler le record détenu par l’Italie. « Il y a eu un excès de confiance », avance Mehdi Amazigh Dahak, fondateur du journal en ligne DZfoot. D’autant, que les Fennecs étaient arrivés à cette édition de la CAN galvanisés par leur victoire à la Coupe arabe – avec l’équipe A’ et quelques titulaires –, à Doha, au Qatar, en décembre 2021.

« Comme tout va mal chez nous, on s’accrochait au foot pour se remonter le moral », déplore Latifa, une supportrice algérienne

 

Les Verts ont été méconnaissables au Cameroun. Ils n’ont inscrit qu’un seul but en trois matchs. « L’équipe d’Algérie a d’abord manqué de réalisme, puis de confiance », considère Mehdi Amazigh Dahak. Plusieurs facteurs ont pu peser sur la performance globale. La préparation avait été hachée avec la libération tardive des internationaux par leurs clubs – le 3 janvier au lieu du 27 décembre, alors que la compétition avait débuté le 9 –, puis des cas de Covid-19 dans l’équipe, et un match amical annulé face à la Gambie.

Le sélectionneur a aussi montré une confiance aveugle en ses hommes, même s’il avait été invité par certains observateurs à en laisser certains sur le banc. Il y a eu un manque de « remise en cause, malgré des signes avant-coureurs, notamment des matchs très moyens en éliminatoire de Coupe du monde, et qui ont laissé les Algériens se perdre en route », ajoute Mehdi Amazigh Dahak.

« Se concentrer sur les choses importantes »

A Alger, les supporteurs, abasourdis, ont accueilli avec réalisme la défaite de leur équipe nationale. « Comme tout va mal chez nous, on s’accrochait au foot pour se remonter le moral, mais on dirait que ce n’est plus la même équipe. On ne sait pas ce qui leur est arrivé durant cette CAN », s’étonne Latifa, 46 ans, attablée avec sa sœur et son neveu dans un café d’un quartier huppé de la capitale.

« On s’attendait à un changement dans la composition de l’équipe. Les adversaires connaissent notre jeu et nos défauts, il fallait changer ce qui ne marchait pas », argue Karim, 29 ans, « déçu de voir toujours les mêmes têtes sur le terrain » , mais qui affiche un soutien inconditionnel au coach Djamel Belmadi.

Tout au long de la compétition, le sélectionneur des Fennecs a pu compter sur la confiance des supporteurs qui l’ont surnommé le « ministre du bonheur ». Ils lui seront éternellement reconnaissants de leur avoir permis de décrocher une deuxième étoile lors de la CAN en Egypte, en juillet 2019, en plein Hirak, ce mouvement populaire pacifique qui avait mis fin au règne du président Abdelaziz Bouteflika quelques mois plus tôt. D’ailleurs, lors des conférences de presse, M. Belmadi rappelle qu’il joue aussi pour rendre fier le peuple algérien.

En Algérie, le football n’est jamais loin de la politique. Après leur victoire à la Coupe arabe, les internationaux ont défilé dans les rues d’Alger et ont eu droit à une réception présidentielle. Les photos des footballeurs en présence d’officiels, dont plusieurs membres du gouvernement et le chef d’état-major de l’armée, Saïd Chengriha, avaient d’ailleurs prêté aux commentaires et aux railleries sur les réseaux sociaux.

La qualification pour la Coupe du monde

Le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, qui a étroitement suivi – et soutenu – le parcours des Verts lors de cette CAN, a réagi, sur son compte Twitter, après le match fatal contre les Ivoiriens : « Une défaite sert, souvent, de leçon et constitue un motif qui catalyse l’enthousiasme et la volonté des personnes déterminées et ambitieuses de se surpasser et de faire ressortir le meilleur d’elles-mêmes. Ne baissez pas les bras. Persévérez, croyez en vos capacités et allez au bout de vos ambitions. »

Cette omniprésence de la politique dans le sport agace quelque peu. « C’est bien. On en a fini une bonne fois pour toutes avec la compétition. On va pouvoir se concentrer sur les choses importantes », glisse d’un air entendu un jeune commerçant du centre-ville d’Alger.

Le pays est touché par une quatrième vague de Covid-19 et, pour la contrer, les cours sont suspendus dans les écoles, collèges et lycées depuis le 20 janvier pour dix jours. L’Algérie doit, en outre, faire face à des pénuries sur certains produits subventionnés ainsi qu’à des revendications socioprofessionnelles dans plusieurs secteurs.

Dans deux mois, un autre défi attend la sélection nationale de football : elle devra se qualifier pour la Coupe du monde 2022, qui se déroulera au Qatar du 21 novembre au 18 décembre. D’ici là, il lui faudra retrouver un peu de sa magie passée.

S/LMA/Africsol

 

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