Dans l’État de Sokoto, au nord-ouest du pays, les villages vivent dans la crainte des attaques. Mais on ignore exactement qui pille, assassine et kidnappe ses habitants. Depuis la mort, en 2021, du chef du groupe djihadiste Boko Haram, plus personne ne revendique officiellement ces actions violentes.

Assis sur un lit bancal, Basar Harisu, 45 ans, fixe la lumière qui émane de la porte d’entrée de sa chambre. Un bandage ensanglanté perforé de clous rouillés entoure sa jambe droite, soutenue par une attelle en bois. Il respire fort et se mord la lèvre inférieure. « Une balle d’AK-47 m’a traversé et m’a brisé les os », soupire-t-il, les yeux humides de pleurs et bouffis de fatigue. Le visage crispé de douleur, il se balance de gauche à droite et finit par murmurer : « Ma vie est foutue, je ne pourraiplus remarcher. » Et il ajoute, encore plus bas, comme pour lui-même : « Jene pourraijamais revenir à Gidan Hoko, mon village, situé dans le nord-ouest du Nigeria. »

Assis en tailleur en face de lui, le chef de sa localité, Ballo Boyi, 70 ans, l’observe. La dernière semaine de février, leur vie a ­basculé : 400 hommes à moto sont venus piller leur village.« Je m’occupais de mes chameaux, se rappelle le vieil homme avec frayeur, un tasbih – ces perles de prière musulmanes – glissant entre ses doigts. Et des fermiers du village sont arrivés en hurlant pour me dire de fuir, que les bandits étaient là. » Il ferme les yeux et déglutit avant de reprendre : « Ils ont encerclé le village, tirant d’abord sur Basar, comme pour nous prévenir de leur arrivée. C’est seulement pour cela qu’il est en vie. Ils nous ont tout pris : nos vaches, nos chèvres et le peu de liquide que nous avions. Un jeune homme a été kidnappé et deux personnes tuées. »

S/M/Africsol

 

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