Deuxième contingent de migrants arrivés dans la botte depuis janvier 2023 - près de 15 000 personnes représentant 11 % des nationalités - les ressortissants de Côte d'Ivoire fuient leur pays. Un pays fort éloigné de l'image idyllique charriée par la presse internationale. Derrière la « success story » la réalité économique ivoirienne est bien différente. Explications.
Douze ans après la fin d’une guerre civile qualifiée quelquefois de crise post-électorale, les Ivoiriens sont encore nombreux à tenter de rejoindre l’Europe. Et plus particulièrement la France où, selon les sources ils seraient entre 80 et 100 000, une diaspora de moyenne dimension comparée à celles, bien plus importantes, de leurs voisins de Guinée, du Burkina Faso et du Mali. Quand on applique l’indice de développement humain (IDH) mis au point par l’ONU, en 2021 ces trois pays figuraient dans les tréfonds du classement, la Côte d’Ivoire au 159e rang (un léger mieux…), les autres respectivement aux 182e, 184e et 186e rang.
DEUXIÈME CONTINGENT À LAMPEDUSA,
Pourtant, la présence massive des Ivoiriens dans les plus récents contingents de l’immigration clandestine ne tombe pas forcément sous le sens si l’on en croit les descriptions avantageuses que la presse française et internationale donne régulièrement du pays dirigé depuis mai 2011 par le président Alassane Ouattara. Il n’y est question que du « nouveau miracle ivoirien », de la renaissance du pays phare de l’Afrique francophone, premier producteur mondial de cacao, et de son avenir si prometteur.
En avril dernier, Ouattarra présentait ainsi des statistiques dignes d’un très bon élève du FMI : une prévision de croissance de 7,2 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2023 et à l’inverse une inflation contenue à 5,5 % dans l’année écoulée alors qu’elle explose dans d’autres pays africains. Bref de quoi postuler tranquillement au titre de « locomotive de la sous-région et l’une des principales vitrines d’une Afrique qui avance et qui gagne ! » Faut-il encore des preuves : l’endettement du pays est évalué à 55 % du PIB et, même si comparaison n’est pas raison, on peut rappeler qu’à 112,5 % celui de la France tutoie des sommets.
Alors pourquoi tant de départs ? Parce qu’un taux de croissance ne fait pas forcément le bonheur de tout le monde et que seul un (gros) clan affairiste proche du pouvoir s’enrichit, rabâche régulièrement l’opposition ivoirienne, tant du côté de l’ancien président déchu Laurent Gbagbo, revenu au pays, que de l’historique PDCI désormais orphelin de son vieux dirigeant Henri Konan Bédié (HKB), mort le 1er août dernier. Au mois de février le porte-parole du PDCI, Bredoumy Soumaila, dénonçait ainsi « le grand paradoxe de notre économie. Elle crée de la richesse, comme l’atteste le PIB de 6,9 % en 2022, mais elle impacte très peu la vie des Ivoiriens dont le taux de pauvreté est encore élevé, au-dessus de 40 % ». Est-ce la principale raison de ceux qui tentent l’aventure sahélienne pour ensuite atteindre les côtes méditerranéennes ? Plus ou moins : selon l’OIM 89 % des migrants ayant quitté la Côte d’Ivoire affirment l’avoir fait pour des raisons économiques, recherche d’un emploi ou opportunité de business. Mais il est plus difficile de savoir quelle proportion y est parvenue…
S/M/Africsol
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