Dans "Une vie cachée", l’ermite du cinéma américain évoque le destin, pendant la seconde guerre mondiale, de l’objecteur de conscience autrichien Franz Jagerstätter. Résultat : une fiction contemplative et fiévreuse qui devrait enflammer le jury. Pas de doute, ce film a une tronche de palme d'or!

 
Avec lui, le Festival de Cannes ne pouvait que prendre que de la hauteur... Aux antipodes du réalisme âpre qui caractérise certains des plus beaux films de la compétition (Sorry We Missed You, de Ken Loach, Le jeune Ahmed, des frères Dardenne), Terrence Malick, l’ermite du cinéma américain qui refuse depuis toujours d’accorder des interviews et de céder aux sirènes de la médiatisation, débarque au Festival de Cannes avec Une vie cachée, une œuvre magistrale qui pourrait bien lui valoir une seconde palme d’or, après celle obtenue en 2011 pour The Tree of Life. Dans ce nouveau film de près de trois heures (sans une seconde d’ennui), Malick s’intéresse au destin de l’objecteur de conscience autrichien Franz Jagerstätter, un modeste agriculteur qui, durant la seconde guerre mondiale, refusa de prendre les armes et de soumettre aux diktats hitlériens en raison de son pacifisme, de son humanisme et de ses croyances mystiques. Vivant dans un village reculé avec son épouse et ses trois filles, Franz devra d’abord subir l’hostilité de ses voisins et ancien amis, qui, contaminés par la haine et l’hystérie guerrière, le considèrent comme un lâche et un traitre à sa patrie, puis supporter le pire dans les casernes et prisons où il sera incarcéré et martyrisé par les autorités militaires et pénitentiaires.
Avec une inspiration stylistique qui rappelle ses meilleurs films (Les moissons du ciel, La ligne rouge), Terrence Malick filme l’attente, l’absence, l’espoir et entraîne le spectateur dans un long et sublime poème visuel

Fidèle à lui-même, avec une inspiration thématique et stylistique qui rappelle ses meilleurs films (Les moissons du ciel, La ligne rouge), Terrence Malick filme l’attente, l’absence, l’espoir et entraîne le spectateur dans un long et sublime poème visuel où il brusque la chronologie du récit pour mieux épouser les états d’âme et les blessures intimes de son personnage principal et de ses proches. Méditation sur le mal, la résistance et le sacrifice, Une vie cachée remet sur le métier les obsessions de toujours de Terence Malick, un metteur en scène qui filme comme personne la nature, l’élévation morale et, plus prosaïquement, l’amour profond qui lie ses protagonistes : des humbles qui résistent tant mal que bien à la folie du monde. Si la solennité, voire la grandiloquence des œuvres complètes du « maître » a parfois pu indisposer par le passé, la grâce et la beauté fiévreuse qui hantent Une vie cachée balaient les réticences. Ce grand film à la fois sensoriel et métaphysique, enchanteur du premier au dernier plan, compte de sérieux atouts pour séduire le jury 2019 du Festival qui compte en son sein de nombreux cinéastes formalistes passionnés par les tumultes de la grande Histoire : du président Alejandro Gonzales Inarritu à Pawel Pawlikowski, auteur, l’an passé, de Cold War, un film sur un couple aux prises avec les déraisons de leur époque (les années de la guerre froide) qui dialogue secrètement avec Une vie cachée. Verdict samedi prochain.

Une vie cachée, de Terrence Malick, avec August Diehl, Maria Simon... Sortie à la rentrée.

S/Par Olivier De Bruyn, à Cannes/Marianne/Afric'sol

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