Tandis que les sans-diplômes votent massivement pour le Rassemblement national (RN), les surdiplômés préfèrent les partis de gauche. Comment l'expliquer ? La gauche est-elle devenue le camp des plus favorisés ? Analyste chez l'institut de sondages Cluster17, Stéphane Fournier nous aide à y voir plus clair.

 

En 2013 et en 2018, le journaliste américain Thomas Frank publiait, aux éditions Agone, deux essais coup de poing, avec pour objectif de réveiller la gauche : Pourquoi les pauvres votent à droite et Pourquoi les riches votent à gauche. En France, si la situation n'est pas rigoureusement la même qu'outre-Atlantique, un constat s'impose d'élection en élection : les sans-diplômes préfèrent le Rassemblement national (RN), tandis que la gauche convainc massivement les plus diplômés. Ainsi, selon une étude de l'institut Ipsos pour BFMTV , 37 % des plus diplômés ont choisi, lors du premier tours des élections législatives, un candidat étiqueté Nouveau Front populaire (NFP). À l'inverse, le RN a séduit 49 % des non-bacheliers.

Une large partie de la gauche semble se contenter de cet état de fait. Est-ce que cela signifie qu'elle a définitivement abandonné les pauvres et est devenu le camp politique des plus favorisés ? Les choses sont un peu plus complexes, comme nous l'explique Stéphane Fournier, analyste chez l'institut de sondages Cluster17 et doctorant en science politique à Sciences Po Bordeaux. Il rappelle néanmoins que les plus diplômés se distinguent par leur progressisme sociétal, tandis que les moins diplômés, eux, se montrent plus conservateurs.

Stéphane Fournier : Le vote en faveur du Nouveau Front populaire s’inscrit dans un « continuum sociologique » qui comprend en effet le diplôme, plus élevé en moyenne, mais aussi l’âge, plus jeune, ou encore le métier, avec un vote surreprésenté chez les professions intermédiaires qui comprennent notamment beaucoup d’enseignants.

Le cumul de ces variables augmente considérablement vos chances de voter en faveur du Nouveau Front populaire. C’est pourquoi ce vote est particulièrement concentré géographiquement dans les métropoles dans lesquels ce « continuum sociologique » s’inscrit bien davantage que dans les zones rurales.

Sur les 32 députés NFP élus au 1er tour des élections législatives, 24 sont élus à Paris et en Île-de-France. Les huit autres sont tous élus dans des métropoles du top 10 français (Montpellier, Toulouse, Nantes, Marseille, Rennes…) à l’exception de Martine Froger , élue en Ariège dans une circonscription rurale.

Dans ces grandes métropoles, l’électorat diplômé et jeune du NFP est rejoint par un électorat populaire, moins diplômé, souvent issu de l’immigration, ce qui lui permet d’obtenir des scores impressionnants. Pour reprendre l’axiome de François Mitterrand, « la majorité sociale » forme une « majorité politique » en faveur de la gauche dans les métropoles. C’est plus difficile dans le milieu rural, non pas tant parce que la gauche s’y affaiblirait que parce que le Rassemblement national y est devenu hégémonique.

« Les électeurs ne votent pas qu’à partir de clivages socio-économiques. »

Enfin, il est important de nuancer et de préciser qu’y compris chez les diplômés, le vote s’hétérogénéise et une partie de la jeunesse diplômée, notamment chez les hommes, est de plus en plus séduite par les offres politiques identitaires et par le vote RN.

S/M/Africsol

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