Bientôt une série « made in Africa » sur Disney+. En 2022, la série animée de science-fiction Iwaju, « avenir » en yoruba, sera proposée sur la plateforme de vidéos à la demande du géant américain, aux côtés des grands classiques Disney et des chefs-d'œuvre du studio Pixar. L'annonce a été faite mi-décembre, lors du dernier Disney Investor Day, qui présente aux investisseurs les nouveaux contenus à venir. Si Iwaju est d'abord une bande dessinée créée par le studio panafricain Kugali – ses fondateurs sont nigérians et ougandais –, c'est bien grâce à la collaboration à venir avec Disney qu'elle prendra vie. L'action se situe dans un Lagos futuriste et évoque des thèmes variés, de « l'innocence » à la « remise en question du statu quo », d'après ses créateurs.

C'est en janvier 2019 que la directrice de la création de Walt Disney Animation Studios, Jennifer Lee, découvre l'existence de Kugali. Et surtout le tempérament de ses fondateurs. Dans un reportage diffusé sur la BBC, Hamid Ibrahim, directeur artistique du studio, présente son travail. Et affirme fièrement que ses créations vont « botter les fesses de Disney ». La petite phrase pique la curiosité de Jennifer Lee. Quelques jours plus tard, contact est pris. « Nous lui avons expliqué ce que nous faisions et lui avons proposé des idées, raconte Hamid Ibrahim. Et le "coup de pied" s'est finalement transformé en collaboration. »

S'inscrire dans le domaine de l'animation…

Pour le studio panafricain, l'intérêt est de taille. « Si Disney domine le secteur de l'animation aujourd'hui, ce n'est pas pour rien. C'est cette expérience et cette maturité qu'ils pourront apporter à la réalisation d'Iwaju », soutient son directeur artistique. Surtout, grâce à la diffusion de la série sur Disney+, Kugali pourra profiter d'une audience à l'international. Et toucher par là même les jeunes aspirants à l'animation partout sur le continent. Tolu Olowofoyeku, directeur technique au sein du studio, a pour sa part « toujours rêvé d'être un développeur de jeux vidéo ». « Mais ce rêve était inatteignable pour la plupart des gens quand j'étais enfant, déplore-t-il. Les nombreux succès de Kugali montrent aujourd'hui aux enfants africains et à leurs parents qu'il y a un avenir pour eux dans l'animation, les jeux ou la bande dessinée. Et ce, même si personne de leur entourage ne s'est lancé avant eux. »

… pour faire exister l'Afrique dans le futur aussi

Il y a quelques années, les trois amis Hamid Ibrahim, Tolu Olowofoyeku et Fikayo Adeola font un triste constat. « Il n'y a jamais de Noirs dans la science-fiction, donc, par déduction, pas de Noirs dans le futur », se souviennent-ils devant les caméras de la BBC. Alors, quand ils créent Kugali, en 2017, l'objectif est clair : « raconter des histoires inspirées de la culture africaine, à l'aide de bandes dessinées, ou de réalité augmentée ». Et le succès est rapide. Les albums afro-futuristes tels que Lake of Tears, Nani ou Mumu Juju séduisent une large communauté de fans. Et bientôt Disney. Pour Hamid Ibrahim, c'est avant tout leur « imagination et un genre nouveau, l'afro-futurisme, d'une autre partie du monde » qui ont séduit la firme. Tolu Olowofoyeku penche plutôt pour l'attrait de la nouveauté, « d'histoires différentes de ce que les gens ont l'habitude de voir », « au-delà de la découverte culturelle ».

La prise de conscience d'un potentiel économique à exploiter

Des arguments combinés qui ont, en tout cas, séduit les studios Disney. La collaboration est inédite pour la firme, même si elle semble montrer depuis quelques années un intérêt grandissant pour les histoires du continent. Comme en 2016, avec la réalisation de Queen of Katwe, un biopic sur la joueuse angolaise d'échecs Phiona Mutesi, avec notamment Lupita Nyong'o au casting. Ou en septembre 2020, grâce au partenariat conclu avec le nigérian FilmOne Entertainment, qui lui permet de distribuer des films appartenant à Disney en Afrique de l'Ouest anglophone. Disney se rapproche donc de plus en plus du continent, où le potentiel économique du secteur est très fort.

D'après une étude du cabinet américain Digital TV Research, les services de vidéos à la demande avec abonnement vont générer en Afrique 1,06 milliard de dollars en 2025, contre 183 millions en 2019. Le nombre d'abonnés, lui, devrait passer sur la même période de 2,68 millions à 9,72 millions. Un succès et une croissance auxquels Disney+ ne sera pas totalement étranger. Car, toujours d'après l'étude, la plateforme se classera 2e du secteur sur le continent, derrière Netflix mais devant Showmax, Iroko, Amazon et Apple TV+. Des prévisions comme autant, peut-être, de collaborations avec les studios africains.

S/LEPOINT/AFRICSOL

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