Après deux mandats présidentiels, le chef de l’Etat pourrait briguer un troisième quinquennat qui serait autorisé par la nouvelle Loi fondamentale.
Ces rencontres organisées dans le pays par le premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, avaient été boycottées par les principaux partis d’opposition et organisations de la société civile. Ils considéraient qu’elles n’étaient qu’un artifice destiné à entériner une décision déjà prise au plus haut niveau de l’Etat. De fait, le rapport final remis début novembre par le chef du gouvernement exprimait une opinion quasiment unanime en faveur d’une nouvelle Constitution.
Manifestations monstres
Si le président a levé le doute sur sa première intention, il n’a pas encore dévoilé de calendrier. Alpha Condé a seulement précisé qu’il chargeait « le ministre de la justice et tous les autres départements ministériels concernés d’organiser des explications approfondies sur les principales articulations du projet de nouvelle Constitution. (…) Cela doit permettre à la population de s’approprier le contenu et de se prononcer le jour venu pour ou contre en toute connaissance de cause ».
Il laisse ainsi entendre qu’il optera pour la voie référendaire. A moins que la majorité présidentielle n’emporte les deux tiers des sièges du Parlement à l’issue des prochaines législatives. Ce qui semble très improbable si les élections suivent un processus libre et transparent. Mais l’organisation de ce scrutin, prévu en février 2020, alimente déjà les polémiques portant sur l’impartialité de la commission électorale et sur la fiabilité des listes d’électeurs, l’une et l’autre fortement remises en question par l’opposition.
Aucune chance, donc, que cette dernière annonce présidentielle calme l’incendie qui embrase ponctuellement les rues de Conakry depuis qu’Alpha Condé a lancé les consultations. Ces dernières semaines, la capitale est ainsi le théâtre de manifestations monstres, dont certaines ont été violemment réprimées. Au moins vingt civils ont été tués, ainsi qu’un gendarme, et des dizaines de personnes interpellées. Les défenseurs des droits humains ont dénoncé l’usage excessif de la force, des arrestations arbitraires et l’impunité des forces de sécurité. Le gouvernement a toutefois cherché l’apaisement dernièrement.
Risque d’embrasement
Un large front commun, le Front national pour la défense de la démocratie (FNDC), fédérant – pour une fois – les principaux partis d’opposition (l’UFDG de Cellou Dalein Diallo et l’UFR de Sidya Touré) ainsi que les plus importantes organisations de la société civile, se dresse contre l’initiative présidentielle. Pour le moment, cependant, les zones les plus turbulentes demeurent cantonnées aux fiefs de l’UFDG. Il reste donc à voir si la clarification des intentions présidentielles propagera le mécontentement à d’autres quartiers de la capitale ou à d’autres villes de province non tenues par le parti de Cellou Dalein Diallo.
Ce risque d’embrasement inquiète également les voisins de la Guinée. Au retour d’une mission d’évaluation du processus électoral, les anciens présidents béninois Nicéphore Soglo et nigérian Goodluck Jonathan, mandatés par le National Democratic Institute (NDI) et la Fondation Kofi Annan, avaient fait passer un message d’avertissement à Alpha Condé. « Il faut que chacun prenne conscience que la période des monarchies qui ne disent pas leur nom est révolue parce que nous connaissons la musique », avait ainsi déclaré Nicéphore Soglo, qui est également vice-président du Forum des anciens chefs d’Etat. « On a un président qui fait une nouvelle Constitution et fait comme si rien ne s’était passé avant. Cela, c’est terminé, cette comédie-là. Il connaît notre opinion. Maintenant, la balle est dans son camp », avait-il précisé. Il ne semble pas que le message soit parvenu à la présidence guinéenne.
S/LMA/AFRICSOL
Commentaires