Le gouvernement et la justice ont accentué mardi leur pression sur le groupe minier Vale, exigeant des explications sur la rupture du barrage de Brumadinho, en aval duquel la masse de boue commence à rendre de nombreux corps.

Cinq ingénieurs ont été placés en détention préventive dans le cadre de l'enquête pour établir les responsabilités de la tragédie de vendredi dernier, qui a fait 84 morts et 276 disparus, selon un nouveau bilan officiel provisoire.

Trois de ces ingénieurs sont des employés de Vale et les deux autres de la société allemande TÜV SÜD, qui avait délivré en septembre un certificat de stabilité du barrage.

"Nous ne pouvons que confirmer que deux employés du TÜV SÜD ont été arrêtés au Brésil", a déclaré Thomas Oberst, chargé de communication interrogé en Allemagne, "nous appuyons pleinement l'enquête".

"Maintenant, il faut punir, et punir vraiment", a affirmé lundi soir le vice-président Hamilton Mourao, qui exerce la présidence tandis que Jair Bolsonaro récupère d'une opération.

"Les amendes, qui font mal au portefeuille, ont déjà été infligées. Mais s'il y a vraiment eu négligence ou imprudence de la part de certaines personnes de cette entreprise (Vale), elles doivent répondre pénalement", a-t-il insisté.

Au total, 11,8 milliards de réais (environ 2,8 milliards d'euros), ont déjà été saisis sur les comptes de la compagnie, au titre de réparation.

Les actions de Vale, qui ont plongé de 24% lundi à la Bourse de Sao Paulo, reprenaient près de 4% mardi à la mi-journée. L'agence de notation Moody a placé la note de Vale sous surveillance et pourrait l'abaisser, comme l'a déjà fait Fitch lundi soir.

Le président de Vale, Fabio Schvartsman, a par ailleurs annoncé que la compagnie allait démanteler sur dix sites au Brésil des structures comme celle qui s'est rompue à Brumadinho.

Ces interventions réduiront de 40 millions de tonnes la production annuelle de minerai de fer de Vale, soit une baisse de 10%, a indiqué M. Schvartsman lors d'une conférence de presse à Brasilia, après une réunion avec le ministre des Mines et de l'Energie et le ministre de l'Environnement.

- Odeur fétide -

À Brumadinho, les hélicoptères continuaient d'atterrir avec de nouveaux corps, suspendus dans de grands filets noirs.

La chaleur de l'été fait remonter l'odeur fétide des dépouilles enterrées dans la boue.

"La boue est encore trop liquide, mais avec l'évaporation les sédiments descendent et les corps remontent vers la surface", a expliqué le lieutenant colonel Eduardo Angelo Gomes, commandant du bataillon d'urgence environnementale des pompiers.

Les secouristes marchent avec prudence. Un pas de travers et toute la jambe s'enfonce dans cette masse visqueuse dont on ne connait pas encore la toxicité.

Parfois, ils doivent même ramper, tenant à bout de bras des perches d'environ deux mètres pour se maintenir à la surface.

À Corrego do Feijao, faubourg de Brumadinho où était situé le barrage, on commence à creuser des tombes.

"Je suis dans un film d'horreur. Ce sont des gens avec qui j'ai grandi. Je ne sais pas comment je vais pouvoir surmonter tout ça", a dit à l'AFP Cleyton Candido, 38 ans, devant sa maison, juste à côté du cimetière.

- "Crime environnemental" -

Dans la matinée, Hamilton Mourao a tenu une réunion avec plusieurs ministres pour évaluer un durcissement des normes de sécurité des barrages.

Un virage forcé pour le gouvernement Bolsonaro, qui semblait plutôt enclin à assouplir les règles en matière de protection de l'environnement et critiquait le zèle des agences publiques chargées des contrôles.

Le quotidien économique Valor a notamment rappelé que l'ex-député Leonardo Quintao, parlementaire très lié au secteur minier et qui sera chargé des relations du gouvernement avec le Sénat, avait fait retirer d'un texte de loi deux dispositifs censés améliorer les contrôles des barrages.

La vague de résidus miniers qui a tout dévasté sur son passage a également contaminé la rivière Paraopeba, qui traverse Brumadinho, teintée de marron.

"L'eau de notre rivière était cristalline, mais les compagnies minières ne pensent qu'au profit", a déploré Vanderlei Alves, chauffeur de 52 ans. "La rivière est morte", a-t-il ajouté.

Cette contamination touche de plein fouet la communauté indigène du village Nao Xoha ("Esprit guerrier"), où vivent 27 familles privées d'eau potable.

Autre motif d'inquiétude, cette rivière est un affluent du fleuve Sao Francisco, un des plus importants d'Amérique du sud, d'une longueur plus de 2.800 km.

"C'est très préoccupant, parce que cette boue toxique avance au fur et à mesure et on s'attend à ce qu'elle parcoure encore 220 km, jusqu'à ce qu'elle atteigne un autre barrage qui pourrait la retenir", a expliqué à l'AFP Marcelo Laterman, géographe de Greenpeace, qui dénonce un "crime environnemental".

Cette région avait déjà été endeuillée en 2015 par la rupture d'un autre barrage minier géré par Vale (en copropriété avec l'anglo-australien BHP) près de Mariana, à 120 km de Brumadinho, qui avait fait 19 morts et causé un désastre environnemental sans précédent au Brésil.

S/AFP/AFRICSOL

 

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