Les deux alliés, le Parti communiste et la France insoumise, membres de la Nouvelle union populaire (Nupes) au même titre que le PS et EELV, se sont livrés à un affrontement par médias interposés durant le week-end. En cause : l'avenir de l'alliance de gauche.

« Mêlez-vous de vos affaires ! » Un message livré « en toute fraternité » aux Insoumis par Fabien Roussel sur la scène du Palais du Pharo lors du 39e congrès du Parti communiste français (PCF), réuni à Marseille du vendredi 7 au dimanche 9 avril, au cours duquel l'élu du Nord a été largement reconduit au poste de secrétaire national du parti. Depuis une semaine, les alliés de gauche n'en finissent plus de s'écharper par médias interposés. L'ex-candidat à la présidentielle a sonné la charge le premier le 3 avril. Pour Fabien Roussel, la Nouvelle union populaire (Nupes) « est dépassée », comme il le déclarait dans un entretien à L'Express, dans lequel il appelait à une alliance des gauches élargie jusqu'à Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre socialiste de François Hollande… et virulent pourfendeur de la Nupes. Pis, dans un portrait consacré à Gérald Darmanin dans Le Monde le même jour, Fabien Roussel y décrivait un ministre de l'Intérieur qui « sait entendre la colère, la difficulté d'un ouvrier » : « Il est comme moi », concluait le communiste.

En réponse à cet affront, le coordinateur de La France insoumise (LFI), le député de Marseille Manuel Bompard, adressait une lettre aux « camarades du PCF », en prévision du congrès, dans laquelle il écrivait : « Nous recevons ces déclarations avec stupéfaction et gravité. […] En notre qualité de partenaire, nous souhaitons que vos débats apportent une clarification après les déclarations de votre secrétaire national. Sa volonté de rupture avec la Nupes est-elle la position du Parti communiste français désormais ? » Au vu du score écrasant du chef de file PCF, il semblerait que oui : ce lundi 10 avril, Roussel était reconduit avec 80,4 % des suffrages, soit 540 voix sur les 672 délégués présents. Des résultats attendus. Le 29 janvier, les 42 237 militants communistes étaient appelés à choisir entre deux textes d'orientations. Celui de leur secrétaire national avait été plébiscité par près de 82 % d'entre eux face aux cadres mécontents : l'ancien patron du parti Pierre Laurent, le maire d'Ivry-sur-Seine Philippe Bouyssou et l'aile dite « unitaire », composée majoritairement d'élus franciliens – tels qu'Elsa Faucillon et Stéphane Peu – qui souhaitent un rapprochement du Parti communiste avec LFI.

Si une rencontre s'est tenue à huis clos, samedi après-midi, entre Fabien Roussel et les représentants des délégations des partis de gauche présentes – Manuel Bompard pour LFI et Pierre Jouvet pour le PS –, les escarmouches du week-end seront sans doute au menu de la prochaine réunion de l'intergroupe Nupes, ce mardi matin à l'Assemblée. Tout comme l'avenir de la Nupes en tant que telle. Dimanche, sur le plateau du Grand Jury sur RTL, Boris Vallaud ne cachait pas son exaspération après la séquence du congrès : « Halte au feu. Franchement, j’en ai ras le bol. On ne construit pas l’union à coups d’invectives », lâchait le chef de file des députés socialistes, reconnaissant que « l’union de la gauche, c’est difficile ».

« NOUS VOULONS ÊTRE RESPECTÉS »

« Ce message [de Manuel Bompard] a été très, très mal ressenti, témoigne auprès de Marianne le député communiste André Chassaigne. Que Manuel Bompard se mêle de son mouvement ! » Le président du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR, communiste) au Palais-Bourbon souligne aussi « les retours très positifs » des congressistes après le recadrage de Roussel : « Ils étaient très satisfaits de sa réaction. Nous ne sommes pas des petits garçons et voulons être respectés. »

Sur le fond – les suites à donner à l'alliance –, l'élu et son patron sont au diapason : « Il faut élargir. La Nupes ne doit pas être une sorte de carcan, on ne doit pas s'enfermer dans une cocotte-minute. Voulons-nous être un rassemblement de gouvernement ou pas ? Si on veut notamment barrer la route à Marine Le Pen cela nécessitera un élargissement », explique-t-il, précisant qu'il « ne s'agit pas de remettre en cause la Nupes » mais de « réfléchir à un programme de gouvernement face à la crise que l'on vit aujourd'hui et auquel adhèrent en masse les Français ». Surtout, André Chassaigne ne veut pas « d'un mouvement, La France insoumise, qui écrase tous les autres à partir du seul résultat de la présidentielle. Il faut que l'on parle d'égal à égal et que LFI comprenne qu'elle n'est pas là pour imposer aux autres ses desiderata. »

RETOUR DE QUATENNENS ?

Des messages que le communiste compte bien faire passer ce mardi, en réunion d'intergroupe. Pas forcément pour arranger LFI dont l'agenda s'annonce déjà chargé. Les députés insoumis doivent voter, demain mardi, pour ou contre la réintégration d'Adrien Quatennens au sein du groupe. L'élu du Nord doit, en théorie, y faire son retour le 13 avril, après quatre mois de suspension à la suite de sa condamnation à de la prison avec sursis pour violences conjugales le 13 décembre.

Une décision très politique, une partie des députés Nupes ayant jugé « impossible » le retour du député dans les travées du Palais-Bourbon, à l'image du premier secrétaire du PS et député de Seine-et-Marne, Olivier Faure, de la députée de Paris Sandrine Rousseau ou de la patronne du groupe écologiste Cyrielle Chatelain. Ces deux dernières quittaient même ostensiblement l'hémicycle, début février, lors d'une prise de parole d'Adrien Quatennens au moment des débats sur les retraites, la première depuis son retour à l'Assemblée le 11 janvier en tant que député non inscrit.

Mi-décembre, Fabien Roussel y était, lui aussi, allé de sa condamnation en rappelant qu'« au Parti communiste français, dans [leurs] règles de vie, être condamné pour violences conjugales […] ne permet pas de présenter des candidats aux élections ou de siéger dans un groupe, nous demandons aux personnes qui ont de telles condamnations de démissionner de leurs fonctions ». Un deux poids, deux mesures alors que le secrétaire du PCF reproche justement à LFI de se « mêler » des affaires d'autrui ? « Chacun prend ses responsabilités dans son mouvement​​​, rétorque André Chassaigne, arguant que Fabien Roussel parlait de la vie politique des communistes et non de celle des Insoumis. Je ne vais pas donner d'appréciation sur la décision qui sera prise [par les députés LFI] autant que je ne veux pas qu'ils se mêlent des affaires de notre groupe. » À voir si les partenaires socialistes et écologistes seront sur la même ligne.​

S/MARIANNE/Africsol

 

 
 
 

 

 

 

 

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