Presque une semaine plus tôt, le mardi, l’affaire avait démarré très loin de là, à 600 km au sud, entre la lagune et les ponts à péage d’Abidjan. Le Femua est né dans le quartier populaire d’Anoumabo, berceau du groupe Magic System. Jusqu’à l’année dernière, il se déroulait sur une longue artère étriquée, où des écrans géants étaient disposés à intervalles réguliers mais où les mouvements de foule auraient tôt ou tard dégénéré en catastrophe. Pour cette édition, la manifestation a donc déménagé dans un immense complexe sans charme – l’Institut national de la jeunesse et des sports, avec ses préfabriqués et sa piste circulaire – mais qui a l’immense mérite d’offrir davantage de sécurité aux dizaines de milliers de festivaliers qui y entrent gratuitement.
50 000 spectateurs
Autre figure de l’afro-pop glorieuse, le Malien Sidiki Diabaté semblait vouloir justifier ici, dans ce stade à ciel ouvert, les attentes dont il fait l’objet. Vendredi, après une violente averse, une grande partie des festivaliers a décidé de suivre le concert à la télévision nationale plutôt que sur l’herbe trempée. Et c’est devant un parterre épars que le fils du joueur de kora Toumani Diabaté a obtenu un triomphe. Veste déstructurée de couturier à col Mao, mocassins cousus de paillettes, tee-shirt sur lequel un aigle royal surplombe une Harley Davidson, le musicien roulait les yeux à la manière des Peuls du Niger. On se souvient de Sidiki adolescent (il a aujourd’hui 26 ans), quand il étudiait la kora sous l’œil conquis de son père et qu’il produisait en même temps des morceaux pour les rappeurs de Bamako.
Il est capable d’interpréter le soir précédent son concert, lors de la soirée privée du sponsor MTN, un classique du répertoire griotique, Mali Sadio, avec sa kora électro-acoustique dépourvue de calebasse et le lendemain son tube Allô Allô,bluette entêtante à la voix digitalisée, sur la pelouse du stade. Sidiki Diabaté n’est pas le produit de deux histoires, on évitera de décrire sa geste comme la réconciliation heureuse de la tradition et de la modernité. Il est comme tous ses fans, parfaitement mobile culturellement mais attaché aux accents du terroir : « L’afro-pop nous permet de voyager, de parler directement à une jeunesse énorme, elle dit notre fierté d’être des Africains », s’enthousiasme-t-il.
Plateforme d’expression
En parallèle des concerts, nombre d’initiatives ont nourri l’affiche du Femua : le festival pour les enfants d’Anoumabo, des rencontres avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), mais surtout, selon la thématique choisie cette année, nombre de conférences et d’ateliers autour de la question de la migration clandestine. C’est A’salfo, leader de Magic System et âme du Femua, qui tenait à ce que cette question soit abordée : « Le début de ma vie n’a pas été facile et pourtant je n’ai jamais été tenté de quitter mon pays. Il faut qu’on arrête cette hémorragie et qu’on donne des raisons à nos jeunes de vouloir rester. »
C’est là surtout que le Femua convainc, dans cette attention portée au renforcement des capacités locales et à la professionnalisation du secteur de la musique. A’salfo, quadragénaire qui a conquis le monde avec son zouglou de bal populaire, a voulu le Femua comme une plateforme d’expression, mais aussi comme un instrument de structuration et de création de ponts dans toute l’Afrique francophone. Une ambition magnétique.
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