Confronté à l'incertitude sur l'évolution de l'épidémie de coronavirus, l'exécutif multiplie les consultations en vue du déconfinement dont la mise en oeuvre compliquée, notamment pour les écoles, préoccupe les élus locaux avec lesquels Emmanuel Macron s'entretient jeudi.

"La gestion de la crise va être de plus en plus déconcentrée et les maires seront notamment à la manoeuvre", explique l'Elysée.

Les échanges du chef de l'Etat, par visioconférence, avec des maires et les représentants de leurs associations dont l'AMF (Association des maires de France), devraient porter sur les modalités du déconfinement, prévu pour commencer dans moins de trois semaines, le 11 mai, et la réouverture des établissements scolaires. Le second tour des élections municipales devrait aussi figurer au menu.

Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a déjà détaillé mardi ses pistes en vue d'une reprise progressive de l'école. Ce retour, attendu avec impatience par nombre de parents depuis le début du confinement mi-mars, sera étalé sur trois semaines par niveaux de classe, avec des groupes de 15 élèves au maximum.

Mais de nombreux élus locaux affichent leurs inquiétudes, les communes ayant la charge des écoles primaires.

"Il s'agit d'un enjeu sanitaire considérable, dont le bon déroulement repose pour une part importante sur les maires", souligne l'AMF, en souhaitant une concertation avec le ministère de l'Education.

Les questions liées "au port de masques ou de désinfection des locaux" doivent être traitées en priorité, prévient l'association, qui réunit la quasi-totalité des maires.

L'ouverture des crèches et des écoles le 11 mai représenterait "un risque inacceptable pour les Corses", a estimé pour sa part mercredi soir le président de l'Assemblée de Corse, l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni, après une réunion en visio-conférence avec le Premier ministre.

"En ce qui nous concerne, les tests et les masques constituent deux conditions sine qua non à une sortie sécurisée du confinement", a plaidé M. Talamoni dans un communiqué.

- "Casse-tête" -

Sur ce sujet très sensible, l'Académie de médecine a plaidé pour que le port d'un masque anti-projections soit dès maintenant "obligatoire dans l'espace public".

En Nouvelle-Calédonie, une partie des élèves a repris les cours, avec effectifs réduits, règles d'hygiène et consignes de distanciation. Au lycée Lapérouse de Nouméa, certains professeurs portent des masques "mais il faut qu'ils articulent bien sinon on ne comprend pas", s'amuse Swell, élève en terminale S.

Le président Emmanuel Macron a livré mercredi, lors d'un déplacement en Bretagne pour saluer la filière alimentaire, quelques indices sur le futur plan de déconfinement en évoquant des mesures différentes "selon les secteurs d'activité ou selon les régions".

Les ministres concernés ont remis mercredi à Matignon une première mouture de leurs plans sectoriels, qui seront intégrés d'ici la fin du mois dans un projet global aux allures de casse-tête.

Aucune indication précise à ce stade, et la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a refusé de commenter des informations de presse sur une réouverture possible des restaurants, cafés et bars le 15 juin ou le maintien dans un premier temps de la limitation des déplacements interrégionaux.

Rien n'est acté "pour la bonne et simple raison que nous sommes (...) en train de travailler à cette stratégie de déconfinement", a-t-elle assuré.

Alors que le gouvernement est interpellé après plusieurs soirs d'incidents en banlieue parisienne, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a assuré veiller "à ce que le confinement soit respecté partout en France", récusant l'idée qu'il serait moins strictement appliqué dans les quartiers sensibles.

- "Epidémie massive" -

Plus globalement, le contexte sanitaire reste toujours aussi incertain, alors que le nouveau coronavirus n'est pas près d'être vaincu, a averti mercredi l'Organisation mondiale de la Santé.

Le bilan reste élevé avec 21.340 morts en France, 544 de plus en 24 heures, même si le nombre de patients en réanimation baisse depuis deux semaines. Et trois premiers décès du nouveau coronavirus ont été enregistrés dans le Cantal, un département jusqu'à présent épargné.

Il s'agit toujours "d'une épidémie massive, sévère", a rappelé le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, qui sera auditionné jeudi par la mission Covid-19 de l'Assemblée nationale.

Et, selon des estimations de l'Institut Pasteur, seuls 6% des Français auront été infectés par le coronavirus le 11 mai. Bien trop peu, selon les spécialistes, pour éviter une deuxième vague épidémique si toutes les mesures étaient intégralement levées après cette date.

Des essais ont également été lancés en France pour vérifier si la nicotine pourrait avoir un effet protecteur, diverses études dans le monde relevant un faible nombre de fumeurs parmi les malades hospitalisés. Pour autant, "pas d'automédication" à coup de patchs nicotiniques, a insisté le ministre de la Santé Olivier Véran, en rappelant devant le Sénat que "le tabac tue".

- "Fracture numérique" -

La crise sanitaire, qui a mis à l'arrêt de nombreux secteurs, a également de lourdes conséquences économiques et sociales. Le chômage partiel a franchi la barre des 10 millions de salariés concernés.

Et le déficit de la Sécurité sociale atteindra le niveau abyssal de 41 milliards d'euros cette année.

L'Etat met sur la table un plan d'aide massif de 110 milliards d'euros, voté jeudi dans la nuit par le Sénat. Députés et sénateurs se réuniront jeudi en commission mixte paritaire afin de s'accorder sur un texte commun.

De nombreuses voix, dont celle du Haut Conseil pour le climat, appellent toutefois à ne pas reproduire la même erreur qu'en 2008, quand le plan de relance avait favorisé des activités polluantes.

Le secteur automobile, en tout cas, redémarre doucement après plus d'un mois de pause: Renault a annoncé la reprise de sa production en France, au lendemain d'une réouverture d'usine chez Toyota. Chez PSA, le chômage partiel se poursuivra après la fin avril.

L'épidémie a en revanche entraîné l'annulation de la 43ème édition de Jazz in Marciac, un des plus importants festivals de jazz au monde.

Elle pèse aussi sur les plus vulnérables : les appels au 119, le numéro d'urgence pour l'enfance en danger, ont bondi de 89% la semaine passée, a indiqué le secrétaire d'Etat Adrien Taquet.

Les restrictions aggravent aussi les conséquences de la fracture numérique. Sans ordinateur, sans téléphone portable ni accès à internet, le confinement devient vite un cauchemar. "Relevés bancaires, factures, tout se fait en ligne aujourd'hui...", se désole, à Lille, Marilyn Mille, qui touche le RSA (environ 700 euros par mois), insuffisant pour se permettre un achat numérique.

S/AFP/Africsol

Commentaires