Militaire et combattant rebelle avant de s’emparer du pouvoir par un coup d’Etat en 1990, il venait d’être réélu pour un sixième mandat. Un conseil militaire dirigé par l’un de ses fils le remplacera.

Il n’avait de cesse de se présenter comme un « guerrier ». C’est en guerrier qu’il serait mort, selon l’armée.

Le président tchadien, Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis trente ans et partenaire-clé des Occidentaux contre les djihadistes au Sahel, est mort, mardi 20 avril, après avoir été blessé au combat ce week-end, a annoncé le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, dans un communiqué lu à l’antenne de TV Tchad.

Militaire de carrière et combattant rebelle avant de s’emparer du pouvoir par un coup d’Etat en 1990, l’homme de 68 ans venait d’être réélu pour un sixième mandat. « Le président de la république, chef de l’Etat, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad », rapporte le communiqué.

Un de ses fils, le général quatre étoiles Mahamat Idriss Déby, 37 ans, lui a succédé, mardi, à la tête d’un conseil militaire de transition composé de quinze généraux qu’il a nommés. « Le décret no 1 du président du conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss Déby, porte désignation des quinze membres du CMT », lit-on dans ce décret, dont l’Agence France-Presse (AFP) a obtenu une copie. S’ensuivent, en plus du sien, les noms de quatorze généraux connus comme faisant partie du cercle de fidèles du chef de l’Etat mort la veille.

Mahamat Idriss Déby a dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale. Le chef de la garde présidentielle, unité d’élite et garde prétorienne du régime, a juré que de nouvelles institutions verraient le jour après des élections « libres et démocratiques » dans dix-huit mois.

Les rebelles, qui mènent depuis neuf jours une offensive contre le régime tchadien, ont promis de marcher sur la capitale, N’Djamena, et rejeté « catégoriquement » ce conseil militaire. « Nous comptons poursuivre l’offensive », a assuré Kingabé Ogouzeimi de Tapol, porte-parole du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT). Les obsèques nationales d’Idriss Déby auront lieu vendredi, à N’Djamena, avant son inhumation dans sa région natale dans l’est, a annoncé la présidence.

Commandant en chef de l’armée sous Habré, qui sera condamné en 2016 pour crimes contre l’humanité, Déby renverse le dictateur en 1990, les armes à la main. Grâce, déjà, au soutien de la France. Il a exercé un pouvoir sans partage. C’est grâce à l’armée que ce militaire passé par l’Ecole de guerre en France a assis son pouvoir. Encadrée essentiellement par des officiers de son ethnie zaghawa et commandée par ses proches, elle est considérée comme une des meilleures de la région.

Au sein du pouvoir, Idriss Déby régnait volontiers par l’« intimidation » et le népotisme, selon ses détracteurs. Il avait placé sa famille ou des proches à des postes-clés de l’armée, de l’appareil d’Etat ou économique, et ne laissait jamais les autres longtemps en place. Dix-sept premiers ministres se sont succédé entre 1991 et 2018, avant que M. Déby ne fasse supprimer cette fonction pour ravir toutes les prérogatives de l’exécutif.

Son régime est régulièrement accusé par les ONG internationales de violer les droits humains. Ce fut le cas notamment dans les années 1990, quand sa Garde républicaine et sa police politique étaient accusées de tuer à grande échelle.

Acteur de la guerre au Sahel

Plus récemment, les méthodes étaient moins brutales. Mais, s’il laissait certains de ses opposants s’exprimer relativement librement, ses services veillaient consciencieusement à ne pas laisser la critique gagner la rue, par des interpellations ciblées et en interdisant tout rassemblement politique, comme avant la présidentielle du 11 avril.

Seulement six candidats, sur les seize qui avaient déposé leurs candidatures, étaient finalement en lice contre M. Déby. Les politologues et une partie de l’opposition les qualifiaient de « faire-valoir ». M. Déby, promu au rang de maréchal en août dernier, avait finalement été réélu avec 79,32 % des suffrages exprimés, selon des résultats provisoires énoncés lundi soir par l’instance électorale nationale.

Assuré de remporter la présidentielle, le maréchal Idriss Déby avait fait campagne principalement sur la « paix et la sécurité », dont il dit être l’artisan, dans son pays mais aussi dans une région tourmentée : le Tchad, enclavé entre la Libye, le Soudan et la Centrafrique, entre autres, est un contributeur de poids à la guerre contre les djihadistes au Sahel, en projetant des troupes aguerries jusqu’au Mali et parfois au Nigeria.

Des ministres et des officiers de haut rang avaient rapporté, lundi, que le chef de l’Etat s’était rendu ce week-end sur le front opposant son armée à une colonne de rebelles. L’armée tchadienne affirmait avoir tué plus de 300 personnes dans le camp des rebelles, qui mènent une incursion depuis huit jours dans le nord du pays. Assurant que la situation était sous contrôle, l’armée reconnaissait avoir perdu cinq militaires dans des combats. Le FACT avait lancé son offensive de ses bases arrière en Libye le 11 avril, jour de l’élection présidentielle.

De leurs côtés, les rebelles avaient assuré s’être rendus maîtres du Kanem, où se sont déroulés les combats. Surtout, ils avaient affirmé, dans un communiqué, que M. Déby avait été blessé, mais l’information n’avait pas été confirmée de source officielle, l’accès aux zones de combat étant interdit.

S/LE MONDE AFRIQUE AFP/Africsol

 

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