Le conseiller régional de PACA Philippe Vardon s'est fait lâcher par la direction du Rassemblement national, après avoir publiquement plaidé pour l'union avec Reconquête ! autour de sa candidature aux législatives. Pis, le parti a décidé d'investir un autre prétendant face à lui. Le signe d'une stratégie jusqu'au-boutiste.

« J'attends la confirmation officielle de tout ça. Je note que Marine Le Pen et Jordan Bardella ont perdu mon numéro de téléphone. » Auprès de Marianne, Philippe Vardon oscille entre ironie et colère. L'ancien directeur de campagne de Thierry Mariani aux régionales a découvert dans les colonnes du Figaro le choix de son parti d'investir un autre candidat estampillé RN dans la 3e circonscription des Alpes-Maritimes aux législatives. Une décision prise dans la foulée de la déclaration de candidature de Vardon, faite à Nice-Matin le 28 avril, et de son plaidoyer pour une union avec Reconquête ! en vue des élections de juin.

« Refuser l'union, c'est sacrifier le Rassemblement national du sud », réitère Philippe Vardon auprès de Marianne, qui attend « d'avoir une discussion franche » avec la direction du RN : « Je ne peux me fier qu'à ce que je lis dans la presse et c'est consternant. Ici, Zemmour a fait 14 %, soit le double de son score national. Ces circonstances nécessitent qu'on regarde les choses différemment », plaide-t-il.

 

« IL FAUT QUE TU ARRÊTES »

Cofondateur du Bloc identitaire, ce proche de Marion Maréchal – dont il fut le témoin de mariage – est entré dans les bonnes grâces de Marine Le Pen à la suite des régionales de 2015, après que la benjamine du clan a insisté pour en faire son colistier. Mais ses récentes sorties dans la presse, ainsi qu'un mail interne où l'élu réclamait la tenue d'un Conseil national – sorte de parlement interne du parti – afin de décider de la stratégie à tenir aux législatives, n'ont pas été du goût de Jordan Bardella. Le président par intérim ayant, aux dires de l'entourage de l'ex-identitaire, écrit lundi matin à Vardon : « Il faut que tu arrêtes. »

Sans doute aussi que celui qui est devenu président du groupe RN à la métropole de Nice et conseiller régional de PACA paye en partie les inimitiés entre la fille et la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, mises en exergue avec le soutien de Maréchal à Zemmour pour la présidentielle. Toujours est-il que, dans la région, le socle électoral du RN s'est sensiblement amoindri entre le premier tour de 2017 et le premier tour de 2022.

Il y a cinq ans, la candidate à l'époque FN récoltait 163 141 voix dans le département des Alpes-Maritimes. Elle tombe à 148 919 en 2022, quand 78 208 électeurs ont glissé un bulletin Éric Zemmour cette année. À Nice, le candidat Reconquête ! a obtenu 21 712 suffrages contre 34 105 pour Marine Le Pen. Nouveau rétrécissement de la base frontiste puisque 40 874 Niçois avaient fait le choix du FN en 2017.

« Tous les candidats du sud flippent glisse à Marianne un proche de Vardon, également élu de la région. Si Zemmour surperforme ici, c'est qu'il nettoie encore plus lourdement LR qu'ailleurs et qu'il capte aussi des électeurs du Rassemblement national. C'est une réalité, mais depuis le départ de Nicolas Bay [pour Reconquête !, N.D.L.Rplus personne ne sait lire une carte électorale au RN. Dans quel genre de parti on est exécuté dans la journée pour avoir fait ce genre de constat ? C'est une preuve d'immaturité politique. »

« LIQUIDER LE RN »

L'analyse électorale n'est toutefois pas partagée par le politologue Jérôme Sainte-Marie. « Ce raisonnement est statique. On prend pour mètre étalon les résultats de la présidentielle. Mais ce n’est pas comme cela que ça se passe sinon le Front National aurait eu beaucoup plus de députés en 2017 », explique le politologue à Marianne qui n'est « pas sûr du tout que le score de Reconquête ! à la présidentielle existe encore, que ce soit au niveau national ou local ».

« Le problème de Reconquête !, poursuit-il, c'est que l'image d'Éric Zemmour est très mauvaise. C'est d'ailleurs un des grands enseignements des sondages de l'avant-présidentielle, quand il était testé au second tour. Dès le départ, son image était très dégradée et la campagne ne l'a pas améliorée alors que, pour Marine Le Pen, c'est le contraire. Enfin, ceux qui ont voté Reconquête ! ne pensaient pas faire 7 % et invoquaient le vote caché. Cette campagne, formellement très réussie, a créé une bulle cognitive qui a crevé le soir du premier tour. Que reste-t-il auprès des électeurs zemmouristes, y compris ceux de Nice ? Sans doute une formidable désillusion ! »

Aucun intérêt pour le Rassemblement national, donc, à s'afficher avec une double étiquette Zemmour-Le Pen. D'autant que la figure de l'ancien polémiste pourrait « créer une mobilisation des électorats de gauche contre lui alors qu'on s'attend plutôt à ce que ces élections soient marquées par une forte abstention », observe Jérôme Sainte-Marie, qui rappelle : « Le projet de Reconquête ! n'est pas un projet complémentaire au RN, mais un projet de substitution, fondé avant tout sur un dénigrement systématique de Marine Le Pen. Or, la déclaration d'Éric Zemmour le soir du second tour a montré qu'il ne changeait rien du projet, à savoir liquider le RN à son profit. »

S/Mariane/Africsol

Commentaires