La crise sanitaire a produit des effets délétères sur l’activité des entreprises du continent en 2020, année de référence de notre Top 500. Si peu de secteurs ont été épargnés, la reprise semble désormais bien engagée. 

 

L’année 2021 s’affichera sans nul doute comme une période de net rebond pour la plupart des entreprises africaines. En témoigne le chiffre d’affaires du géant algérien Sonatrach, qui s’est envolé de 70% ! En attendant, notre nouvelle édition du Top 500, la vingt-troisième, qui porte sur les performances des entreprises lors de leur exercice 2020, est marquée du sceau de la dépression. Une situation due à la crise du Covid-19 au terme d’une année à nulle autre pareille.

Le chiffre d’affaires cumulé – 591,7 milliards de dollars – de ce classement exclusif de Jeune Afrique affiche une baisse de 3,6 %. En valeur absolue, il faut remonter à 2016 pour trouver un chiffre plus modeste, à savoir 568 milliards de dollars. On était alors en pleine crise monétaire en Égypte, au Nigeria et en Afrique du Sud. Quant au pic d’activité de 2012 – les 500 entreprises du classement cumulaient alors 757 milliards de dollars de facturations –, il faudra bien des années avant de pouvoir l’égaler. A fortiori dans une période de tensions internationales créées notamment par la guerre en Ukraine.

La chute d’activité que reflète ce classement illustre pour l’Afrique l’impact de la tourmente dans laquelle le Covid-19 a plongé toutes les grandes entreprises dans le monde. Ainsi, à titre d’exemple, le chiffre d’affaires cumulé des entreprises du CAC 40 en France a chuté sur la même période de 2020 de 14,7 %, passant à 1 186 milliards d’euros, selon le cabinet EY.

Pire récession depuis cinquante ans

Sur le continent, les effets de la crise se sont durement fait ressentir dans la quasi-totalité des économies. Le Covid-19 a, on le sait, peu touché les populations sur le plan strictement sanitaire. Mais les mesures de prévention et de confinement ont eu, surtout sur la première moitié de 2020, un effet dépressif sur la consommation et sur l’investissement. Sans compter le blocage, un temps, des circuits logistiques. « À partir de mars 2020, d’un coup, tout s’est retrouvé à l’arrêt dans le monde des affaires. La reprise à partir du second semestre a été lente, même si les entreprises ont su s’adapter assez rapidement », témoigne le patron d’un fonds d’investissement actif en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Nord.

C’EST L’AFRIQUE DE L’EST QUI S’EN EST LE MIEUX SORTIE.

Pour rappel, selon le dernier rapport « Perspectives économiques » de la Banque africaine de développement (BAD), le PIB continental s’est inscrit en repli de 2,1 % en 2020. La banque voit là « la pire récession depuis cinquante ans ». Une récession qui avait été précédée d’une croissance de 3,3 % en 2019, mais qui précède le rebond bienvenu de 2021, estimé à 3,4 %.

Sur le plan géographique, toutes les régions du continent ont souffert des effets de la pandémie, mais à des degrés divers. En 2020, c’est l’Afrique de l’Est qui s’en est le mieux sortie, avec 0,7 % de croissance, alors que le PIB de l’Afrique australe a plongé de 7 %. Les autres régions ont affiché des niveaux de croissance en repli, mais moindre : – 1,1 % pour l’Afrique du Nord, – 1,5 % pour l’Afrique de l’Ouest et – 2,7 % pour l’Afrique centrale.

Tourisme, automobile, matières premières énergétiques, des secteurs sinistrés

La crise a été particulièrement virulente pour le transport aérien, le tourisme, l’automobile, mais, surtout, pour les matières premières énergétiques, puisque la plupart des groupes ont fortement dévissé en 2020. En 2021, sous l’effet de la relance économique mondiale, le secteur a repris des couleurs, ainsi qu’en ce début d’année, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

PLONGÉE BRUTALE POUR TOTALENERGIES AU GABON, QUI RECULE DE 111 PLACES !

À 42,30 dollars le baril, le prix moyen annuel du Brent a cédé 33,9 % en 2020, selon les données de la Banque mondiale (« Pink Sheet »). C’est ce dont témoigne, par exemple, la chute dans notre classement de l’angolais Sonangol (20e rang), qui perd 13 places. Ses ventes de pétrole ont reculé de 25 % sur la période. Et le groupe public conduit par Sebastião Gaspar Martins a dû reporter son projet de privatisation partielle et d’entrée en Bourse, qui reste cependant d’actualité.

La plongée est encore plus brutale pour TotalEnergies Gabon (278e rang), qui perd 111 places ! Une chute qui sera toutefois temporaire puisque la compagnie a doublé son chiffre d’affaires en 2021, à la faveur notamment du rebond spectaculaire (+ 66 % sur l’année) du cours du Brent.

Les cours des métaux non précieux, essentiels pour les entreprises de pays comme la Guinée, la Mauritanie ou la RDC, ont joué au yo-yo tout au long de 2020, mais sans connaître de véritable dépression. Si l’aluminium a reculé de 5 % en moyenne en 2020, selon les données de la Banque mondiale, le cuivre (+ 2,7 %) et le minerai de fer (+ 16 %) se sont appréciés du fait de la rupture des chaînes d’approvisionnement en Australie et au Brésil.

Indétrônable valeur refuge, l’or donne bonne mine aux profits

Ce contexte a profité au poids lourd du minerai de fer en Mauritanie, la Société nationale industrielle et minière (SNIM), qui gagne 42 places et gagne le 109e rang. En pleine pandémie, le chiffre d’affaires de ce groupe public a bondi de près de 40 %, et ses profits ont doublé. La Gécamines congolaise, qui, fait notable, s’est remise à publier ses comptes après des années de silence, retrouve notre classement (341e rang). Le groupe public centré sur le cuivre et le cobalt a vu ses ventes bondir de 31,7 % en dollars en 2020, mais a subi une très lourde perte de 160 millions de dollars.

LES PRIX DES PRODUITS AGRICOLES ONT QUASIMENT TOUS PROGRESSÉ.

Pour sa part, l’or, indétrônable, a joué à plein son rôle de valeur refuge. Son prix moyen a bondi de plus de 27 % en 2020, bénéficiant à des groupes comme le sud-africain Sibanye-Stillwater, qui entre dans notre top 10 au terme d’une année record.

Dans une période de vives tensions logistiques et de fortes craintes sur les approvisionnements, les prix des produits agricoles ont quasiment tous progressé, et les achats de produits de base ont été soutenus. C’est ce dont témoigne par exemple la résilience du sucrier marocain Cosumar (138e rang), qui gagne 20 places après avoir vu ses ventes progresser de 5,1 % en dirhams. Le nigérian Dangote Sugar (229e) progresse, lui, de 59 places.

L’aérien se crashe, le champion régional NNPC fait son retour

Qu’elles aient ou non été en difficulté antérieurement, les compagnies aériennes ont, quant à elles, payé un très lourd tribut au Covid-19 et au quasi-arrêt, durant un temps, des liaisons aériennes. Le chiffre d’affaires de Royal Air Maroc a dévissé de moitié en 2020 et atterrit au 181e rang, avec une chute de 97 places ! Quant à Tunisair (458e), elle cède 227 places. Ethiopian Airlines, pour sa part, limite le trou d’air à un recul de 12 places, en partie du fait de sa comptabilité en exercice décalé.

LE GÉANT MAROCAIN OCP FAIT SON RETOUR DANS L’ÉLITE.

À l’inverse, par effet mécanique, les entreprises des secteurs traditionnellement les plus résilients, comme les télécoms, gagnent des places. C’est ce que marquent les progrès dans le classement du sénégalais Sonatel (+ 11 places), de la plupart des autres filiales d’Orange ou encore de MTNVodacom s’affiche quant à lui à la 12e place, exactement comme l’an dernier. L’opérateur Telecom Egypt (68e) gagne, lui, 13 places.

À noter que le Top 15 continue de peser lourd sur l’ensemble du classement (27 % du total des facturations, contre 28,4 % pour la précédente édition) avec, comme toujours, une forte représentation des entreprises sud-africaines (11, contre 12 l’an dernier). Quelques ajustements sont notables dans ce Top 15. Ainsi, le géant marocain des phosphates et engrais OCP fait son retour dans l’élite (+ 3 places), à la faveur d’une année somme toute acceptable, avec un chiffre d’affaires en hausse de 4 % en dirhams.

À l’inverse, le distributeur sud-africain de carburants Engen (28e rang), filiale du malaisien Petronas, perd 14 places et sort de ce Top 15, illustrant le choc subi par l’économie de son pays. On relève aussi le grand retour dans ce palmarès de Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC, 6e rang). La compagnie pétrolière nigériane a déploré une baisse de ses revenus de 19,76 % en nairas, en 2020. Mais, fait notable, le groupe public s’est remis à publier des comptes consolidés après plusieurs années de totale obscurité financière qui l’avaient sorti de nos pointages. NNPC réaffirme ainsi son rang de champion régional, tous domaines confondus, pour l’Afrique de l’Ouest. Oando, un autre groupe pétrolier nigérian, privé celui-là, ne figure plus dans ce Top 500. Il est incapable depuis plusieurs années de publier des comptes consolidés, notamment pour des questions de gouvernance.

Par grandes zones, dans cette édition, une seule région voit son poids relatif reculer en termes de cumul du chiffre d’affaires. Il s’agit de l’Afrique du Nord (qui passe de 28,4 % à 25,6 % du total), cela essentiellement en raison de la faiblesse de l’Algérie. Le cumul d’activité de ce pays passe de 10,1 % à 6,9­% du fait de la baisse des prix des hydrocarbures. Le poids des groupes d’Afrique de l’Ouest progresse en sens inverse de 2,5 points, à 12,9 %, en raison notamment du retour de NNPC. L’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est restent à des niveaux quasi inchangés, respectivement à 2,3 % et 3,7 %.

S/JA/Africsol

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