Emmanuel Macron a exceptionnellement laissé tomber veste et cravate mardi soir pour célébrer la créativité africaine dans une salle de concert de Lagos, haut lieu de l'afrobeat contestataire de l'icône nigériane Fela Kuti.
"Il faut donner à voir la vitalité de la culture africaine, dont le Nigeria est une vitrine", a déclaré le président français avant de se rendre au Shrine.
Située dans le centre historique de la mégapole nigériane, cette salle de concert a été créée par Fela Kuti, inventeur de l'afrobeat, une musique qui fusionne funk, soul, jazz et airs africains, avant d'être relancée par son fils Femi Kuti.
"C'est un lieu iconique", "vibrant", a salué Emmanuel Macron, en racontant l'avoir découvert en 2002 pour un concert de Femi Kuti alors qu'il effectuait son stage de l'ENA à l'ambassade de France à Abuja.
Premier président français à se rendre à Lagos, Emmanuel Macron a tenu à y retourner pour un rendez-vous festif afin de changer des soirées, souvent protocolaires et empesées, des voyages à l'étranger.
"C'est formidable de voir que le président français ait un intérêt si personnel pour la ville de Lagos", confiait dans la salle l'acteur nigérian Ozzy Agu. "On a le sentiment quand on le voit ici qu'on peut aller boire un verre avec lui et papoter."
Toutefois, la soirée ayant pris beaucoup de retard, des spectateurs ont quitté la salle sans attendre que Femi Kuti monte sur scène, peu avant minuit, avec ses musiciens et danseuses et fasse monter une ambiance jusqu'alors sage.
Dans sa harangue, Femi Kuti a appelé les jeunes Africains à "ne pas laisser mourir" les rêves de son père pour une Afrique plus juste et développée. "C'est à vous de vous lever et de les réaliser !", a-t-il lancé.
- "l'Afrique d'avant" -
Pour M. Macron, la soirée au Shrine a été l'occasion de lancer l'organisation de la Saison des cultures africaines qui se tiendra en France en 2020. Il avait annoncé fin 2017 la tenue de cette manifestation de plusieurs mois lors de son "discours fondateur" de Ouagadougou, déclinant sa stratégie pour relancer les relations entre la France et l'Afrique.
Il s'agit de déployer "une stratégie culturelle et artistique qui remette l'Afrique" au centre, a confié M. Macron. Car, a-t-il ajouté, "nous avons besoin que les Africains parlent eux-mêmes de l'Afrique".
"On parle toujours de l'Afrique d'avant, mais trop rarement de Nollywood (l'industrie cinématographique du Nigeria est la deuxième au monde en terme de production), de la musique contemporaine", portée notamment par les artistes nigérians sur le reste du continent.
Venant de Nouakchott où il avait participé lundi au sommet de l'Union africaine, Emmanuel Macron a fait une courte étape à Abuja pour s'y entretenir avec son homologue Muhammadu Buhari, qui préside le pays le plus peuplé et la première économie du continent. "Un pays incontournable", selon le président français, soucieux de ne pas cantonner l'action de Paris à l'Afrique francophone.
Dans la lutte contre l'insurrection jihadiste de Boko Haram, M. Macron a réitéré les engagements de la France pour un accompagnement dans la "défense et la stabilisation de la région du Sahel", notamment à travers la force conjointe du G5 Sahel.
M. Buhari a rappelé que l'ensemble des pays frontaliers du Nigeria sont francophones, et que l'aide de la France est ainsi essentielle pour la bonne coordination de la lutte avec ses voisins.
Emmanuel Macron a insisté sur le fait que "le coeur de cette visite est d'élargir le partenariat entre la France et le Nigeria sur des sujets culturels, économiques et sportifs", le moyen selon lui de donner des "perspectives et des opportunités à la jeunesse" pour qu'elle ne rejoigne pas les mouvements jihadistes.
Mercredi, après une rencontre avec de jeunes entrepreneurs nigérians, le président devait inaugurer la nouvelle Alliance Française, qui ambitionne de devenir un haut lieu de démocratisation culturelle à Lagos.
Il devait rencontrer également de jeunes entrepreneurs nigérians, et a assuré vouloir tisser des liens économiques et estudiantins entre la France et le Nigeria.
Le Nigeria reste un partenaire indispensable pour la France. Son marché de 180 millions de personnes est incontournable et le pays, avec une production globale de quelque 2 millions de barils/jour, représente plus de 10% de la production du groupe français Total.
S/AFP/AFRICSOL
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