Les Ghanéens votaient dimanche 6 décembre pour élire leur président. Des élections au ton redondant entre le sortant Nana Akufo-Addo centre-droit, et son prédecesseur au poste, le centre gauche Dramani Mahama. Quel que soit le résultat, les citoyens aimeraient bien cette fois-ci que la forte croissance des dernières années se retrouve dans leur quotidien...

Selon l'expression consacrée depuis les indépendances, Jerry Rawlings, l'homme fort du Ghana pendant près de 20 ans, ne fut pas le « père de la nation ». Il fût en revanche l'accoucheur d'un système démocratique réputé assez unique en Afrique de l'Ouest. Disparu le 12 novembre dernier, probablement des suites du Covid-19, l'ancien putschiste aux deux coups d'état, converti aux règles du suffrage universel et de l'alternance, n'aura donc pu se mêler aux 17 millions d'électeurs appelés à désigner le futur locataire du Jubilee House, le palais présidentiel sis à Accra, la capitale.

Pour la troisième fois en dix ans, le scrutin se jouait pour l'essentiel entre deux de ses successeurs, le président sortant Nana Akufo-Addo, 76 ans, candidat à sa réélection et son prédécesseur John Dramani Mahama, 59 ans. L'un et l'autre appartiennent aux deux blocs qui se disputent, plutôt pacifiquement, le pouvoir depuis trois décennies, le Nouveau parti patriotique (NPP) , de centre-droit pour le premier, John Dramani Mahama étant lui issu du Congrès national démocratique (CND), la formation fondée par Rawlings lui-même et membre de l' Internationale socialiste. Si leurs programmes, discours et promesses reflètent les classiques différences que suppose leur positionnement politique, les électeurs avaient probablement aussi en tête les polémiques ayant entaché les deux candidats.

Malgré une étiquette d'incorruptible M.Propre, Nana Akufo-Addo aurait tenté d'étouffer un rapport explosif relatif à une société off-shore, créée par le gouvernement pour gérer les redevances minières du pays, premier producteur d’or en Afrique. En outre, diffusée dans les jours précédant l'élection, une vidéo datant de 2016, avant son arrivée à la présidence, le montre en train de discuter avec deux personnes lui remettant une enveloppe pleine d'argent. Un pot-de-vin, ni plus ni moins, selon son rival. Lequel n'a pas manqué non plus d'être sévèrement mis en cause dans des médias proches du NPP, révélant sa possible implication, il y a dix ans, dans un lourd dossier de commissions occultes, réalisées en marge d’un contrat de vente d’équipements militaires d’Airbus à la République du Ghana.

UN "MIRACLE GHANÉEN" QUI FAIT SURTOUT LE BONHEUR DES COMMUNICANTS

Un point partout, balle au centre et à la clé une interrogation sur la portée réelle des fameuses réformes démocratiques que les deux hommes jurent avoir poursuivies et amplifiées. De fait, si le pays semble préservé des maux dont souffrent ses proches voisins (régime autoritaire au Togo, violences politiques et communautaires en Côte d'Ivoire, terrorisme djihadiste et pauvreté extrême au Burkina-Faso), le « miracle ghanéen » fait surtout le bonheur des communicants et des investisseurs accueillis à bras ouverts à Accra.

Mais comme dans la Côte d'Ivoire d'Alassane Ouattara, la forte croissance des dernières années a encore du mal à ruisseler sur l'ensemble de la population, notamment dans le nord traditionnellement déshérité. Dans certains quartiers d'Accra, les routes sont superbement goudronnées, les « mall » géants n'ont rien à envier à ceux de Lagos, Johannesburg ou Nairobi mais ailleurs l'eau courante manque et les égouts sont à ciel ouvert. Classée dans la tranche inférieure des pays à revenu moyen, l'ancienne Golden Coast tente de diversifier ses revenus, pour l'instant surtout le cacao, l'or et le pétrole, mais elle est devenue aussi un hub majeur du trafic international des stupéfiants, en particulier pour l'héroïne.

En 2009, accueilli comme le Messie, Barack Obama y avait plaidé la « bonne gouvernance», le combat contre la corruption et la propre responsabilité des dirigeants africains à construire l'avenir. Trump lui n'a rien promis et désormais comme un peu partout sur le continent, les Ghanéens ne croient plus aux miracles et aux grands prêches prophétiques. Notre démocratie a maturé, ont affirmé tour à tour les deux rivaux de l'élection. Sur ce point, au moins, ils n'ont pas tout à fait tort.

S/M/Africsol

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