Tandis qu’insoumis, écologistes, socialistes et communistes tentent de s’accorder sur une union de la gauche pour les législatives des 12 et 19 juin, les obstacles idéologiques sur le nucléaire, la guerre en Ukraine, la stratégie électorale ou les retraites font désormais plus qu’affleurer.

Ils ne sont pas tirés des ronces. Tandis qu’insoumis, écologistes, socialistes et communistes tentent de s’accorder sur une union de la gauche pour les législatives des 12 et 19 juin, les obstacles programmatiques font désormais plus qu’affleurer : ce mercredi 27 avril, sur franceinfo, le secrétaire national EELV, Julien Bayou, en a fait l’éclatante démonstration.

Quelques minutes après que l’éléphant socialiste Jean-Christophe Cambadélis a déclaré que la proposition d’union ne portait pas sur une « coalition » mais sur une « reddition », le patron du parti écologiste a semblé découvrir, dans une séquence un brin surréaliste, que les désaccords politiques avec les insoumis restaient nombreux. À commencer par l’épineuse question du nucléaire, sur laquelle La France insoumise, hostile à l’atome, tend la main au Parti communiste, au contraire favorable à cette énergie. Lundi, à la même antenne, Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, expliquait ainsi :

« On a proposé d’utiliser le programme de Jean-Luc Mélenchon comme base de départ des discussions qui doivent avoir lieu. C’est quand même normal, il a fait 22 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Ensuite il y a des points qui sont des incontournables : la retraite à 60 ans, la VIe République, la planification écologique… » Et la sortie du nucléaire ? « Non, par exemple sur ce sujet on peut discuter, répondait l’insoumis sans ambages. Nous, on ne va pas changer d’avis. On a déjà fait des propositions pendant la campagne présidentielle, en disant, pourquoi pas, qu’on ferait un référendum sur le sujet si on était au pouvoir. »

Chez Europe Écologie-Les Verts, la discussion semble nettement moins ouverte. « Ça ne peut pas être l’option pro-nucléaire qui l’emporte, évidemment. Aujourd’hui, on célèbre les 36 ans de la catastrophe de Tchernobyl, c’était hier, le 26 avril 1986. 36 ans après, on se réveille à nouveau inquiet, parce que l’Agence internationale de l’énergie nous apprend que la situation à Tchernobyl est critique », avance Julien Bayou, avant de se rétracter en apprenant que l’information en question, relevant de l’erreur de traduction, avait été démentie…

« Quand on a appris en février que la zone de Tchernobyl était l’objet de combats, je pense que personne n’a bien dormi », poursuit tout de même le secrétaire national EELV. Le nucléaire est « bien sûr » une ligne rouge pour les écologistes. Mais alors, comment s’accorder avec insoumis et communistes ? « Nous c’est très simple : on a des convictions, elles sont à prendre ou à laisser, explique Julien Bayou. Nous sommes prêts à discuter d’une coalition, de grandes mesures programmatiques qui font un projet de gouvernement, simplement si vous me dites qu’il faut sortir de l’Europe et reprendre le nucléaire, ce sera sans nous, c’est très simple. »

« ELLE CONTINUE DE LE DIRE ? »

Mais les achoppements ne se limitent pas à la question énergétique : interrogé sur le dossier ukrainien, Julien Bayou reconnaît certes des « désaccords constants », à mettre de côté dans le cadre de législatives pour lesquelles les enjeux internationaux n’ont qu’une importance relative. Ne dites pas « mettre sous le tapis », mais « acter des désaccords ». Et le patron d’EELV d’ajouter : « Moi je n’ai pas le sentiment que LFI dise aujourd’hui que livrer des armes à l’Ukraine est une bêtise. »

Et pourtant ! Pas plus tard qu’hier, Manon Aubry, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, déclarait sur RFI : « C’est vrai qu’il y a un risque d’escalade dangereux, puisqu’au début vous envoyez des armes défensives, qui se transforment en armes offensives, et puis peu à peu vous devenez cobelligérant dans un conflit qui risque de s’envenimer. (…) Nous avons toujours été plutôt hostiles ou réticents à l’envoi d’armes, parce que c’est un risque de faire escalader le conflit. » Julien Bayou tombe des nues : « [La France insoumise]continue de le dire ? Eh bien je trouve que ça effectivement c’est un point de désaccord. »

A se demander de quoi parlent EELV et LFI, alors même que Yannick Jadot attaquait avant le premier tour ceux qui « considèrent que la démocratie c'est important chez soi mais quand c'est les autres, ça peut être relativisé », affirmant que Jean-Luc Mélenchon, « sous couvert de neutralité et de paix, [était] pour l'abandon des Ukrainiens à la tyrannie de Poutine ».

« CHIFFRAGE »

Comme si cela ne suffisait pas, Julien Bayou ne cache pas les réticences écologistes sur certains des points cardinaux du programme insoumis, évoqué lundi par Manuel Bompard : « Effectivement, c’est une belle ambition de pouvoir revenir à la retraite à 60 ans, mais ça nécessite éventuellement des efforts que nous ne pourrons pas mettre ailleurs : la transition écologique, l’autonomie de la jeunesse », commente le secrétaire national d’EELV, ajoutant avoir demandé à LFI le « chiffrage » de cette réforme.

Un dernier pour la route ? Et pourquoi pas ! Manifestement vexé par le manque de considération des insoumis à l’endroit de son parti – après tout, les écologistes ont tout de même réuni 4,63 % des suffrages au premier tour – , Julien Bayou monte sur ses ergots, accusant LFI de faire cavalier seul : « En tout cas nous disons que si Jean-Luc Mélenchon choisit de refaire aux législatives la même offre présidentielle, ça produira le même effet : peut-être un bon score, mais ça échouera à peser sur le quinquennat. (…) On ne peut pas se permettre cinq ans d’inaction ou d’impuissance, comme l’attitude de LFI en 2017 nous y avait condamnés. » Du velours, cette union de la gauche…

S/Mariane/Africsol

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