Une trentaine de personnes sont mortes depuis le mois d'août dans des violences liées à la présidentielle du 31 octobre, dont 11 ces derniers jours.

La Côte d'Ivoire s'enfonce dans une nouvelle crise politique sur fond de tensions intercommunautaires. Les affrontements qui ont commencé lundi dans et autour de Dabou, à 50 km à l'ouest d'Abidjan, ont fait au moins "11 morts" selon un nouveau bilan dévoilé ce vendredi. 

A huit jours de l'élection présidentielle, le pays est plongé dans une violente crise préélectorale. Une trentaine de personnes sont mortes depuis le mois d'août dans des violences liées au scrutin du 31 octobre. Au pouvoir depuis 2010, le président Alassane Ouattara se présente à un troisième mandat controversé, tandis que les candidatures de plusieurs figures de l'opposition ont été invalidées. 

Des troubles entre ethnies

A Dabou, "on a retrouvé un onzième corps, qui était en état de putréfaction et devait être là depuis lundi ou mardi. Cela porte à onze le nombre de morts. Sans compter les dégâts collatéraux. Une dame est décédée faute de soins parce qu'elle ne pouvait se rendre dans un dispensaire", a expliqué le maire Jean-Claude Yede Niangne. "La situation est calme ce matin. La circulation des camions a repris. La plupart des magasins ont rouvert", selon l'édile qui continue ce vendredi les visites dans les villages voisins pour discuter avec les populations. 

"Plus de 50 individus ont été interpellés" et "il a été retrouvé en leur possession six armes à feu, 40 armes blanches dont 25 machettes, huit couteaux de cuisine, trois lances, trois haches, deux couteaux de saigneurs, deux piques et des gourdins", selon un communiqué de la gendarmerie diffusé sur les réseaux sociaux. 

Un couvre-feu de 19 heures à 6 heures est en vigueur jusqu'à dimanche. Selon des habitants, de premiers troubles ont commencé lundi et ont dégénéré en affrontements intercommunautaires mardi entre Adioukrous, une ethnie locale réputée favorable à l'opposition, et Dioulas, ethnie du nord réputée pro-pouvoir. La situation s'est ensuite aggravée avec l'utilisation d'armes automatiques, selon plusieurs témoins. Le maire évoque une "milice avec des (fusils d'assaut) Kalachnikov". 

L'opposition boycotte le scrutin

L'opposition ivoirienne a par ailleurs rejeté jeudi les concessions proposées par le pouvoir sur une réforme de la commission électorale pour mettre fin à son boycott de l'élection présidentielle du 31 octobre. "Les candidats de l'opposition maintiennent leur mot d'ordre de désobéissance civile et réitèrent leur demande de médiation internationale", a déclaré Maurice Kakou Guikahué, numéro deux du Parti démocratique de Côte d'Ivoire, le PDCI, principal mouvement d'opposition.  

Il s'exprimait au nom d'Henri Konan Bédié, ancien président et chef du PDCI, et de Pascal Affi N'Guessan, qui dirige une partie du Front Populaire Ivoirien. L'opposition considère que les propositions du pouvoir ne correspondent pas à ses demandes, a expliqué Maurice Kakou Guikahué. 

Mercredi, le gouvernement avait ouvert la porte à une réforme de la commission électorale indépendante, la CEI, que l'opposition juge "inféodée" au régime du président Alassane Ouattara. Le gouvernement a proposé d'"examiner favorablement" l'octroi d'un poste supplémentaire à l'opposition dans la CEI centrale et la recomposition des CEI locales. 

Les craintes d'une escalade de violences meurtrières sont grandes, dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011, née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara. Survenant après une décennie de tensions qui avaient coupé le pays en deux, elle avait fait 3000 morts. 

L'ONU demande "la tenue d'élections inclusives et pacifiques"

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a d'ailleurs affirmé jeudi s'inquiéter "de la situation tendue en Côte d'Ivoire avant l'élection présidentielle du 31 octobre", alors que l'opposition venait de s'exprimer. "Il condamne les événements violents à Bonoua et Dabou qui ont fait plusieurs morts" et "réitère son appel aux leaders politiques et d'opinion pour qu'ils rejettent tous discours haineux et incitations à la violence d'inspiration politico-ethniciste", ajoute-t-il dans un communiqué. 

Antonio Guterres "encourage tous les acteurs politiques et leurs partisans à s'engager dans un dialogue constructif et à créer un environnement propice à la tenue d'élections inclusives et pacifiques", ajoute son texte. 

La Cédéao avait appelé lundi le pouvoir et l'opposition à "des efforts considérables" pour apaiser la situation, invitant l'opposition à "reconsidérer sérieusement" sa "décision de boycotter l'élection", ainsi que son appel à la "désobéissance civile". "La désobéissance civile continue et doit s'intensifier de manière pacifique pour mettre fin au coup d'Etat électoral", a répondu Affi N'Guessan. 

S/LPOINT/Africsol

 

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