• Emmanuel Macron promettait aux Français, mi-avril, de se « réinventer » à la sortie de la crise liée au coronavirus.
  • Au lendemain du second tour des municipales, le chef de l’Etat a amorcé son virage en faveur de l’écologie, promettant d’injecter « 15 milliards d’euros supplémentaires sur deux ans » pour la conversion de l’économie.
  • Pour incarner ce tournant, le président ira-t-il jusqu’à changer de Premier ministre, alors qu’Edouard Philippe jouit d’une bonne popularité ?
  • A peine élu dimanche soir dans son fief du Havre, Edouard Philippe lançait aux caméras : « Les commentateurs auront probablement beaucoup de travail et je leur souhaite bon courage ! » Une manière d’ironiser sur les rumeurs autour de son avenir à Matignon. Mi-avril, Emmanuel Macron promettait aux Français de se « réinventer » à la sortie de la crise liée au coronavirus. Pour entamer cette « nouvelle phase » du quinquennat, probablement placée sous le signe de l’écologie, le chef de l’Etat devrait  remanier son gouvernement dans les prochains jours. Mais le président ira-t-il jusqu’à se passer d’un Premier ministre populaire dans l’opinion ?

    Edouard Philippe « connaît un petit état de grâce »

    « Il est difficile de se faire un nom quand on a deux prénoms. » Au début du quinquennat, Edouard Philippe s'amusait d'être un inconnu aux yeux d’une bonne partie des Français. Trois ans plus tard, le chef du gouvernement est devenu le principal pilier de la majorité. « C’est un très grand Premier ministre, sans doute l’un des meilleurs depuis des années, salue Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Il a été solide pendant les tempêtes, les "gilets jaunes" et maintenant le Covid-19. Il est à l’écoute des parlementaires et les Français l’apprécient. C’est une des données de l’équation. »

    Renforcé par sa nette victoire au Havre (58,83 % des suffrages), le Premier ministre jouit d’une belle popularité dans les sondages, après plusieurs mois de gestion de crise sanitaire. « Il connaît un petit état de grâce, comme s’il venait d’arriver au pouvoir. Sa popularité est remontée au-dessus des 50 %. Pour les Français, c’est lui qui était à la manœuvre pendant la crise tandis que le président de la République apparaissait plus éloigné », remarque Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. « Il tient l’édifice macronien en sécurisant l’électorat de droite, avec une image favorable à 71 % chez les sympathisants LR. »

    Pas assez vert pour le tournant écolo ?

    Lundi, au lendemain du second tour de municipales marquées par une percée verte dans plusieurs grandes villes, le président de la République semble avoir entamé sa mue. Le chef de l’Etat s’est engagé à retenir quasiment toutes les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Il a ainsi promis d’injecter « 15 milliards d’euros supplémentaires sur deux ans » pour la conversion écologique de l’économie. Mais peut-il effectuer un véritable tournant avec les mêmes visages ?

    « Les mesures de la Convention sont des réponses très concrètes. Mais il faut aussi qu’il y ait une incarnation au quotidien de cette accélération vers la transition écologique », note le député LREM de Paris Sylvain Maillard. « Les Français apprécient Philippe, et moi aussi. Mais l’important, c’est la dynamique. Si Emmanuel Macron décide de s’en séparer, c’est qu’il estime qu’un autre incarnera mieux ce nouveau cap », ajoute le porte-parole du groupe à l’Assemblée.

    Erwan Balanant s’interroge : « On a besoin de donner un nouveau souffle, et cinq ans avec le même Premier ministre, c’est rare, à part François Fillon. Edouard Philippe a les capacités, bien sûr, pour faire ce virage écolo et social. Mais en est-il lui-même convaincu ? »

    Edouard Philippe a-t-il envie de rester à Matignon ?

    Le Premier ministre a brouillé le message ces derniers jours : « [Le président de la République] sait qui je suis, ce que j’incarne, ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire », disait-il le 16 juin dans Paris Normandie. Ou encore au site 76actu, la semaine passée : « Ma plus grande ambition est de redevenir maire aussi vite que possible, c’est-à-dire dès que la mission confiée par le président de la République s’achèvera. Ça peut venir très vite, et si c’est le cas, tant mieux. » C’est l’autre donnée de l’équation : quel rapport le président entretient-il aujourd’hui avec son Premier ministre ?

    « Je pense qu’il va sortir. Leurs relations me laissent penser que le président est plus dans l’optique d’un changement de tête », souffle un cadre de la majorité. « Il a des exigences pour le futur gouvernement. Mais je ne pense pas du tout qu’il ait envie de passer la main, je le vois au contraire très porté vers l’avenir, le budget, les futures élections… », réplique François Patriat, patron des sénateurs LREM. Edouard Philippe avait raison : un peu partout, les commentateurs s’agitent. Jusqu’au sein même de sa propre majorité.

    S/20MINUTE/Africsol

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