Cinq personnes comparaîtront devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris ce mercredi 24 mars. Ils sont accusés d'avoir appelé à la haine et à la violence sur les réseaux sociaux envers la communauté asiatique. Des propos tenus à l'annonce du second confinement.

C'est une audience inédite. Ce mercredi 24 mars, cinq personnes accusées d'avoir appelé à la haine anti-asiatique sur internet seront jugées devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Alors qu'Emmanuel Macron annonçait un second confinement le 28 octobre 2020, plusieurs messages apparaissaient sur les réseaux sociaux, incitant à la haine et à la violence contre les « Chinois », comprendre les personnes d'origine asiatiques.

Selon les associations, plusieurs personnes auraient été agressées à la suite de ces appels. Des agressions qui s'inscrivent dans le cadre de la défiance envers les personnes asiatiques, accusées sur les réseaux sociaux par certains, d'être responsables du Covid-19, la rhétorique du « china virus » de Donald Trump n'arrangeant rien au tableau. De façon inattendue, ce procès en France fait écho à la fusillade d'Atlanta (États-Unis) du mardi 16 mars 2021 où huit personnes d'origine asiatique ont été assassinées. Bien que le mobile raciste de l'attaque ne soit pas établi, elle n'a fait qu'accentuer la psychose de la communauté asiatique, parfois accusée d'être à l'origine de la pandémie. D'ailleurs, depuis la tuerie, des manifestations répondant au mot d'ordre « #StopAsianHate » (stop à la haine contre les Asiatiques, N.D.L.R.) se sont déroulées aux États-Unis et les témoignages de solidarités se multiplient sur Twitter.

APPELS À LA HAINE ET À LA VIOLENCE

« Nique la mère à tous les Chinois. » « Les élèves demain au lycée attrapez tout les gens qui font LV2/LV3 Chinois et ta-bass-ez les. » « Mettez moi dans une cage avec un chinois, je veux m’amusez avec lui, le brisez. Je veux voir toute lueur d’espoir dans ses yeux s’éteindre devant moi.»

Tels sont les messages qui ont alerté les collectifs de défense des personnes d'origine asiatiques fin octobre 2020. « Un de nos membres a repéré ces messages le soir même après l'annonce du second confinement » explique Daniel Tran, président de l'association des Jeunes chinois de France (AJCF). Dans la nuit, les membres de l'AJCF se sont affairés à diffuser ces messages en interne et auprès de la communauté via un communiqué « au cas où il y aurait des conséquences ».

Des conséquences, il y aurait eu, selon Sécurité Pour Tous, un comité qui regroupe des associations asiatiques. « Le soir même, dans le 13e arrondissement, un jeune d'origine asiatique se fait agresser, finit avec l'épaule déboîtée et 15 jours d'ITT » affirme Sun-Lay Tan, porte-parole du collectif. Peu après, c'est une jeune fille qui a « failli avoir les deux yeux crevés dans le bus » ainsi qu'un jeune de 19 ans jouant au tennis de table qui a été « agressé par-derrière », assure le porte-parole.

Bien que le lien entre les messages postés et ces agressions soit difficile à prouver, elles témoignent tout de même d'un climat délétère depuis l'arrivée du Covid-19. Le jeune homme au bras déboîté a également été accusé par son agresseur d'être responsable du coronavirus et du confinement, d'après la plainte qu'il a déposée et que Marianne a pu consulter.

RIPOSTE

Décidée à ne pas laisser ces appels à la haine impunis, l'AJCF a créé une adresse mail pour recueillir des témoignages et simplifié les démarches pour saisir la justice. « Entre le confinement et le manque de preuve, ce n'est pas évident de porter plainte, c'est pourquoi, avec Maître Lam [avocat des associations ; N.D.L.R.] nous avons créé un modèle sur lequel il n'y avait qu'à inscrire nom et prénom » développe Daniel Tran.

Mi-février, les plaignants ont été rappelés par la police et invités à se constituer partie civile pour une audience prévue ce mercredi 24 mars. Au total, cinq personnes entre 19 et 25 ans seront jugées demain. D'après Le Monde« trois sont poursuivis pour "provocation publique non suivie d’effet en appelant directement à commettre des infractions d’atteinte volontaire à l’intégrité de la personne" ; deux pour "injures publiques envers un groupe de personnes à raison de son origine". »

Quatre mineurs auraient également été identifiés comme auteurs de certains messages. Ils seront entendus lors d'une audience distincte.

"NOS PARENTS N'ONT PAS PU SE DÉFENDRE"

« C'est le tout premier procès qui fait suite à une enquête du pôle judiciaire contre la haine en ligne » se félicite Sun-Lay Tan, faisant référence à cette force crée en janvier par le gouvernement - même si l'enquête avait en réalité démarré dès novembre 2020. Il n'aura fallu « que » quatre mois aux enquêteurs pour retrouver les auteurs présumés des messages de haine postés. « Je n'ai jamais vu une procédure aussi rapide » confie le porte-parole du collectif. Il se réjouit d'ailleurs qu'il s'agisse du « premier traitant d'appels à la haine et à la violence en ligne concernant des Asiatiques ».

« Nous ne demandons pas une condamnation extrêmement sévère mais quelque chose de symbolique » affirme Daniel Tran. « Nous voulons que le jugement dissuade ce type de propos à l'avenir » renchérit Sun-Lay Tan. « Les vols d'Asiatiques ont toujours un mobile basé sur la prétendue richesse de la personne. Nous sommes également victimes depuis longtemps de petites remarques, une sorte de racisme mélioratif exprimé de manière sous-jacente, mais là c'est de la violence purement gratuite » déplore-t-il.

« Nos parents, étant dans un processus d'intégration, n'ont pas pu se défendre, nous, deuxième génération, devons nous assurer que les prochains français d'apparence asiatique vivent dans de meilleures conditions » espère le porte-parole de Sécurité Pour Tous.

S/Marrian/Afric'sol

 

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