Bientôt âgé de 84 ans, le cinéaste britannique qui a réinventé le péplum avec « Gladiator » sort son deuxième film de l’année 2021 avec « House of Gucci ». L’occasion de revisiter une filmographie éclectique, mais inégale.

LES TOPS

5. « GLADIATOR » (2000)

Si nous voulions jouer les iconoclastes, nous aurions opté pour la version longue de Kingdom of Heaven. Le souffle de cet étonnant « director’s cut » médiéval rattrape les errements de la version sortie en salles en 2005 et mérite le coup d’œil. Gladiator, cependant, pour tous ses défauts (trame éculée et des effets de style datés), reste un classique doublé d’une prise de risque pour Ridley Scott : une réhabilitation du péplum, genre donné pour mort dans les années 1960.

Grandiose et intimiste, Gladiator a marqué le public par ses touches modernes : une bande originale culte d’Hans Zimmer, des effets numériques dernier cri, un rythme de montage en phase avec l’époque et un jeu d’acteurs prenant. Joaquin Phœnix est venimeux en diable, Russell Crowe a vu son charisme récompensé par un Oscar, à l’instar du film lui-même. Le trophée du réalisateur, toutefois, a échappé à Ridley Scott : c’est Steven Soderbergh qui le lui a ravi pour Traffic.

4. « LA CHUTE DU FAUCON NOIR » (2001)

À peine achevé le tournage de Gladiator, le cinéaste britannique effectuait déjà des repérages au Maroc pour son prochain film épique, La chute du faucon noir. Adaptation de l’ouvrage éponyme écrit par le journaliste Mark Bowden, le film relate une désastreuse opération menée en octobre 1993 par l’armée américaine en Somalie, plongée dans la guerre civile.

Produit par le magnat hollywoodien Jerry Bruckheimer, La chute du faucon noir déploie une vision de la guerre, certes, centrée sur la pyrotechnie et l’action (la réalisation a bien vieilli), mais beaucoup plus nihiliste et féroce que ce que certains lui accordent. Les jeunes pousses qui parsèment le casting (Josh Hartnett, Orlando Bloom, Ewan McGregor, Eric Bana) ne sont pas là pour minauder. Ridley Scott non plus.

3. « AMERICAN GANGSTER » (2007)

Que l’on ne s’y trompe pas : American Gangster joue avec des codes pour le moins défraîchis. À savoir, l’ascension fulgurante d’un criminel suivie de son inexorable chute. Sauf qu’entre les mains de Ridley Scott, ce qui aurait pu être une banale redite du Parrain version afro-américaine devient une superbe parabole sur le capitalisme à l’état pur. Avec, en prime, une plongée minutieuse dans le New York cradingue des années 1970.

Dans un rôle qui lui va comme un gant, Denzel Washington incarne Frank Lucas, ancien chauffeur du célèbre mafieux Bumpy Johnson. Avec une rigueur méthodique redoutable, il reprend discrètement le business du patron après sa mort… et révolutionne au passage le trafic d’héroïne en se fournissant directement dans la jungle thaïlandaise. Son affrontement à distance avec Russell Crowe en flic bordélique, mais honnête (son dernier rôle vraiment intéressant), est une des nombreuses qualités de cette superbe fresque.

2. « ALIEN » (1979)

On entre dans le (très) solide. Qu’écrire sur Alien qui n’a pas déjà été écrit et mieux ? Commençons déjà par rappeler qu’il ne s’agit que du deuxième film de Ridley Scott. Qu’après ses débuts dans la publicité, le brillant réalisateur exhibe déjà ses talents pour mettre en scène le massif, le gigantisme, même avec un budget et des moyens technologiques restreints.

Aucun des épisodes suivants de cette saga (y compris les plus récents, réalisés par Ridley Scott lui-même) n’a su reproduire son mélange unique d’épouvante, de science-fiction et d’éléments de thriller. Le début est lent, l’effroi tarde à surgir, le dernier tiers est haletant. Les personnages, chapeautés par l’iconique Sigourney Weaver dans le rôle de Ripley, passent pour d’authentiques camionneurs de l’espace assaillis par une créature impitoyable. Une œuvre à la mesure de la phrase choc qui en clôt la bande-annonce : « Dans l’espace, personne ne vous entend crier ».

1. BLADE RUNNER (1982)

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer aujourd’hui, Blade Runner a longtemps été un film clivant. Trop hermétique, écrasé par ses décors, émotionnellement atone… Et pourtant. Rarement œuvre de science-fiction aura autant marqué l’imaginaire collectif, dépeignant un futur ravagé par la pollution, la métropolisation, le surpeuplement et l’épuisement des ressources naturelles.

L’histoire, dans ses fondamentaux, n’est pas très compliquée : Harrison Ford, au faîte de sa gloire après Indiana Jones, joue Rick Deckard, un agent chargé d’éliminer des « replicants » rebelles. Autrement dit, les androïdes (modelés sur les humains) envoyés sur des planètes colonisées pour en extraire les ressources minières. Au cours de sa mission, Deckard s’entiche d’une replicante. En est-il un lui-même ? Les replicants ne sont-ils pas finalement une nouvelle race d’humains ? Qu’est-ce qui fait de nous des humains ? De grandes questions que le film met sur la table sans jamais paraître ampoulé et, surtout, en donnant généreusement à admirer. Un chef-d’œuvre de direction artistique. Du grand cinéma, quoi.

LES FLOPS

5. « ALIEN : COVENANT » (2016)

Avec la hausse de sa productivité durant les années 2000, remarquable pour quelqu’un de son âge, Ridley Scott a malheureusement vu son seuil de qualité régresser. Ou est-ce le flair ? Qu’importe, puisque si son insipide Prometheus de 2012 pouvait se justifier par l’envie d’affiner les origines d’Alien, rien (à part l'avidité des studios) n’explique Alien : Covenant. Un « monster movie » clinquant qui se drape dans des oripeaux philosophiques paresseux. Qui plus est, Scott manque de nuire à son propre chef-d’œuvre en y apportant des explications totalement superflues. On frôle le sabotage.

4. « HANNIBAL » (2001)

Périlleux défi que de donner une suite au classique d'un autre cinéaste. Denis Villeneuve a brillamment remporté ce pari avec Blade Runner 2049, en prolongeant – avec sa propre patte – la vision de Ridley Scott après un hiatus de 35 ans. Avec Hannibal, Scott a lourdement fauté en donnant au Silence des agneaux un deuxième épisode essentiellement axé sur le gore.

Anthony Hopkins est de retour (il le sera une ultime fois dans Dragon Rouge), mais sans renouveler son rôle phare. Julianne Moore fait ce qu’elle peut dans le costume trop ample de Jodie Foster. Tout cela paraît futile face à cette question : était-ce bien nécessaire de nous montrer Hannibal Lecter en train de rissoler des morceaux de cervelle de Ray Liotta ?

3. « UNE GRANDE ANNÉE » (2006)

Et Ridley Scott se mua en Nancy Meyers. Adapté d’un roman de Peter Mayle, Une grande année se vautre dans le gloss des comédies romantiques CSP + américaines. Tout en cheveux gominés et costumes Valentino, Russell Crowe joue un trader à la City de Londres. Son nom : Max Skinner, qui se traduit par « dépeceur ». Sans blague. Le monstre froid est contraint de quitter sa tour d’ivoire lorsqu’il hérite du vignoble provençal de son oncle.

Passé le mépris initial pour les gueux du sud (représentés par Didier Bourdon) et l’envie de vendre le terrain à la découpe, Max est pétri de doutes. Cette course au fric à laquelle il a dédié sa vie vaut-elle la quiétude que lui offriraient l’immense bicoque et, avec, la cafetière du coin jouée par Marion Cotillard ? Autant dévoiler la fin pour vous économiser du temps : il choisit le Luberon.

2. « LEGEND » (1985)

Quand un film suit un effet de mode déjà usé jusqu’à la corde, il passe souvent aux oubliettes de l’Histoire. Ce fut le destin de Legend, la contribution boursouflée de Ridley Scott au « médiéval fantastique », sous-genre ringard qui a connu son acmé au début des années 1980 avec des films comme Excalibur ou Conan le Barbare.

Ambitieux mais plombé par de gros soucis de tournage, ce navet que Tom Cruise aimerait oublier est totalement schizophrène dans son maniement du ton. Est-ce un film féerique, léger, où gambadent des licornes ? Ou une vision sombre, sans concession, où une princesse se voit corrompre par Lucifer ? Peut-être Scott aurait-il dû s’en tenir à son idée de départ et faire une sorte de conte ultraviolent. Tout sauf ce laideron, en tout cas.

1. « CARTEL » (2013)

Il doit forcément se nicher quelque part des défenseurs d’un film comme Cartel, capables d’y déceler le travail d’un génie déconstructeur de clichés. L’auteur de ces lignes n’a pas ce talent. Ou alors il voit flou. Doté d’un casting quatre étoiles – Michael Fassbender, Javier Bardem, Cameron Diaz, Brad Pitt, Penélope Cruz – et d’un scénario écrit par nul autre que Cormac McCarthy, cette prétentieuse daube est un calvaire.

Les dialogues sont verbeux et interminables, la violence perverse et éprouvante, la trame illisible et vaine (une histoire d’avocat véreux éclaboussé par le narcotrafic mexicain). Même les costumes, kitschissimes, sont durs à encaisser. Difficile d’identifier ce qui a poussé Ridley Scott à endosser ce projet si étrange. Et encore, on reste poli.

S/M/Africsolprod

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