EDIT : A l’occasion du choix par Joe Biden de la sénatrice Kamala Harris comme vice-présidente, nous vous proposons à la (re)lecture ce portrait de la sénatrice de Californie alors qu’elle était en pleine primaire démocrate et qu’elle bataillait justement face à Joe Biden.

Elle a remporté une bataille, mais peut-elle remporter la guerre ? Alors qu’elle a mis le favori Joe Biden en grande difficulté lors du premier débat de la primaire démocrate, jeudi, Kamala Harris bondit dans les sondages. La sénatrice de Californie passe de la 5e à la 2e position, grimpant de 8 % à 17 % des intentions de vote, doublant Bernie Sanders (14 %) et Elizabeth Warren (15 %), selon une étude publiée par CNN lundi. Dans le même temps, Joe Biden voit son avance fondre de 32 %, fin mai, à 22 %. La course est lancée.

Une fille d’immigrés

« Etant la seule femme noire sur scène, j’aimerais parler de cette question raciale. » C’est ce moment que Kamala Harris a saisi pour reprocher à Joe Biden sa relation courtoise avec deux sénateurs ségrégationnistes dans les années 1970. Dans la foulée, l’alt-right américaine a attaqué ses origines, avec un relent raciste déjà observé par les « birthers », qui soutenaient qu’Obama n’est pas né aux Etats-Unis. « Kamala Harris n’est pas noire-américaine. Elle est moitié indienne et moitié jamaïcaine » a été retweeté par Donald Trump Jr, avec le commentaire « Vraiment ??»

Harris est née à Oakland, en Californie, en 1964, de parents immigrés – sa mère est indienne et son père jamaïcain – mobilisés dans la lutte pour les droits civiques. Lors du débat, elle a raconté comment elle prenait le bus tous les jours pour aller dans une école majoritairement blanche, ce qu’on appelle le « busing », une initiative en faveur de la déségrégation des écoles américaines à laquelle Joe Biden s’est opposée dans les années 1970.

Son passé de procureur, un atout et un potentiel risque

Face à Joe Biden, mais aussi lors des auditions au Sénat pour confirmer Jeff Session et le juge Kavanaugh, Harris a montré qu’elle savait mieux que personne appuyer là où ça fait mal. Ce talent, elle l’a affûté pendant plus de vingt ans comme procureure : d’abord du comté d’Alameda, puis de San Francisco, et enfin de l’Etat californien.

Dans la primaire, elle se présente comme la candidate la mieux placée pour « faire le procès » du mandat de Donald Trump. Mais ses détracteurs à gauche se rallient autour du hashtag #KamalaHarrisIsACop (Kamala Harris est une flic). Elle a fait carrière en étant « tough on crime » (dure contre le crime). Sous sa supervision, le taux de condamnations à San Francisco est passé de 52 à 67 %. Lara Bazelon, une ancienne directrice du Project for the Innocent de l’université de droit de Loyola, l’a attaquée dans un édito en janvier dernier : « Kamala Harris n’a pas été une procureure progressiste. Quand de nombreuses voix ont réclamé une réforme du système judiciaire et carcéral, elle s’y est opposée ou est restée silencieuse. »

La course est longue

Harris a infligé « des dégâts importants » à Joe Biden, estime Chris Edelson, professeur de sciences politiques à l’université de Washington. L’ancien vice-président est en effet très populaire dans la communauté afro-américaine, qui joue un rôle majeur dans les primaires démocrates, surtout dans le Sud. Si Kamala Harris y réalise des bons scores et s’impose à domicile en Californie, elle pourrait se retrouver en position très favorable.

On n’en est pas là. La primaire est un marathon. Le premier scrutin n’aura lieu que dans sept mois, dans l’Iowa, les candidats vont s’entredéchirer pendant 11 autres débats télévisés et, à chaque fois, les sondages vont fluctuer. Kamala Harris va désormais devoir apprendre à faire campagne sous la lumière des projecteurs et à défendre un passé examiné à la loupe. Comme Joe Biden.

S/20M/Africsol

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