Le parquet a requis trois mois de prison avec sursis contre Jean-Luc Mélenchon pour les incidents ayant émaillé la perquisition d'octobre 2018 au siège de LFI, estimant devant le tribunal de Bobigny que le leader insoumis a mené "un acte de résistance violente avec usage de la force".

Poursuivi pour "actes d'intimidation envers un magistrat et un dépositaire de l'autorité publique, rébellion et provocation", M. Mélenchon, qui martèle être victime d'un "procès politique", encourt jusqu'à 10 ans de prison, une amende de 150.000 euros et 5 ans d'inéligibilité.

Le jugement a été mis en délibéré au 9 décembre.

Le ministère public n'a requis une peine de prison avec sursis que pour le chef du parti LFI. Il a aussi demandé 8.000 euros d'amende pour M. Mélenchon, les députés Alexis Corbière et Bastien Lachaud et l'eurodéputé Manuel Bompard, 10.000 euros contre le président de l'association "L'Ere du peuple" Bernard Pignerol et 2.000 euros contre l'attachée de presse du mouvement.

"Relaxez-moi, alors cette mauvaise comédie va s'arrêter", a démandé Jean-Luc Mélenchon au juge. "C'est à vous qu'il repousse cette patate chaude, ils ne savent que faire de M. Mélenchon", a-t-il ajouté sous le regard amusé du président du tribunal Benoît Descoubes.

"Je ne suis pas un accusé, je suis un condamné permanent au pilori. 44.000 euros pour avoir crié un peu fort sur notre palier, ça fait très cher le décibel", a poursuivi le député dans une longue prise de parole qui s'est achevée sous les applaudissements de dizaines de militants dans la salle.

Pour justifier ses réquisitions, le parquet a souligné le rôle décisif de M. Mélenchon dans l'escalade de tensions ayant mené à l'interruption de la perquisition, scène dont les images filmées par des journalistes ont été largement reprises dans les médias.

"La rébellion monte d'un cran dans l'escalier lorsque Jean-Luc Mélenchon arrive", a estime la procureure Juliette Gest, égrenant plusieurs phrases du leader insoumis: "Allez enfoncez-moi cette porte", "rentrez on en a rien à foutre de ce qu'ils disent" ou encore "Allez, vas-y, essaie de me pousser pour voir".

"Il lève le doigt menaçant, son visage a touché le sien (du procureur, ndlr), dit +ne me donnez pas d'ordre ou de consigne+, puis il le pousse: la rébellion est constituée", a déclaré Mme Gest. Selon elle, il s'agit "sans conteste d'un acte de résistance violente, avec usage de la force".

- "Recontextualiser la perquisition" -

Les six avocats des prévenus ont tous plaidé la relaxe dans l'après-midi.

Pour Me Mathieu Davy, l'avocat de M. Mélenchon, "il ne pas faut tomber dans la facilité de juger sur la vidéo" qui a été au coeur des débats. Il a appelé à "recontextualiser la perquisition qui est politique".

"Aucun ordre clair n'est donné à Mélenchon", "jamais on ne lui dit pourquoi il ne peut pas être là", reproche l'avocat qui dénonce une "mauvaise gestion (de la police, NDLR) qui ne fait qu'empirer la situation". "Il est le gardien du fichier des militants", ce qui justifie sa présence au siège de LFI.

"Un parti, c'est un sanctuaire (...) LFI est un parti d'opposition de 7 millions d’électeurs, alors oui, c'est un contexte très important", insiste le conseil.

Accusé d'avoir bousculé un représentant du parquet, l'avocat de M. Mélenchon indique que ce n'est "pas intentionnel", "c'est le chaos qui provoque cette situation".

L'avocat de M. Pignerol estime que "le seul cinéma, c'est l'envergure et la théâtralité de cette perquisition. Ce dossier fait pschitt, il est mal fagoté … deux jours d'audience pour ça", a ironisé Me Mathieu Croizet.

Plus tôt dans la matinée, Me Eric Dupond-Moretti, avocat de policiers constitués parties civiles, s'est exclamé dans sa plaidoirie: "De grâce, arrêtez votre cirque!" Il a dénoncé l'argumentaire des six prévenus Insoumis qui dénoncent un "procès politique": "On n'est pas au Venezuela ici. On est en France et quand on outrage un policier, on est condamné".

Lors de la première journée d'audience, M. Mélenchon a raconté son "sentiment d'humiliation" au moment de la perquisition ce 16 octobre, et expliqué sa véhémence d'alors, notamment sa phrase "La République, c'est moi", criée à la figure d'un policier en faction.

Il a affirmé n'avoir pas voulu s'opposer à la perquisition mais simplement avoir tenté d'y assister pour s'assurer que le fichier des inscrits à LFI ne soit pas emporté. "J'ai eu l'attitude que j'estimais politiquement nécessaire, car je pensais être la cible d'une attaque politique", a expliqué le patron des députés LFI, qui s'est défendu de toute violence physique.

La perquisition au cœur du procès avait été menée dans le cadre de deux enquêtes du parquet de Paris: sur les comptes de la campagne présidentielle de 2017 et sur les conditions d'emploi d'assistants d'eurodéputés de LFI, confiées depuis à des juges d'instruction.

S/AFP/AFRICSOL

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