Le Ghana réélit son président au terme d’un scrutin très disputé

Le chef de l’Etat, âgé de 76 ans, a obtenu 51,6 % des voix contre 47,4 % pour son adversaire, leader du NDC et qui fut lui-même président avant Nana Akufo-Addo.
 

Après quarante-huit heures d’attente anxieuse, le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a arraché, mercredi 9 décembre, un second mandat de quatre ans face à son rival historique, John Mahama. Dans cet Etat anglophone d’Afrique de l’Ouest, réputé pour sa stabilité, le scrutin s’est pourtant révélé très disputé. Le chef de l’opposition a refusé pour l’heure de reconnaître cette réélection et son parti, le Congrès national démocratique (NDC), a menacé de porter ses doutes devant la justice.

Le résultat des élections législatives, qui se sont tenues en même temps que la présidentielle de lundi, était d’ailleurs toujours en suspens mercredi soir, alors que le Nouveau parti patriotique (NPP) de M. Akufo-Addo et le NDC, au coude-à-coude, contestaient les résultats provisoires. Le président a appelé à la paix : « Le moment est venu, quelles que soient les affiliations politiques, de s’unir, de se donner la main. »

Le chef de l’Etat, âgé de 76 ans, a obtenu 51,6 % des voix, contre 47,4 % pour son adversaire, leader du NDC et qui fut lui-même président avant M. Akufo-Addo. Le vainqueur l’a emporté avec 515 000 voix d’avance pour quelque 17 millions d’électeurs, selon la commission électorale. Dix autres candidats étaient en lice, mais n’ont remporté que des scores anecdotiques.

Une campagne calme

De fait, les mêmes deux partis se disputent le pouvoir depuis l’établissement de la démocratie, en 1992, dans l’ex-Gold Coast, ancienne colonie britannique et premier pays d’Afrique subsaharienne à avoir accédé à l’indépendance, en 1957. Cette élection était la huitième à se tenir dans un cadre pluraliste. Elle a été scrutée avec envie et espoir dans une région secouée par des crises politiques et des scrutins contestés, comme récemment en Guinée, en Côte d’Ivoire ou au Mali.

Des incidents ont tout de même éclaté ces derniers jours dans plusieurs régions du pays et des échanges de tirs ont provoqué la mort de cinq personnes selon la police. Durant les heures cruciales qui ont séparé le vote des résultats, le ton est monté entre les deux principaux candidats, qui se sont mutuellement accusés de comportements « antidémocratiques ». Mardi soir, John Mahama a même prévenu qu’il « résisterait à toute tentative de vol du scrutin ». Les deux rivaux avaient pourtant signé vendredi 4 décembre un « pacte de paix ».

Malgré ces tensions, la crainte de violences électorales plus grave ne s’est pas matérialisée, fait valoir Javier Nart, responsable de la mission d’observation de l’Union européenne. « Le processus a globalement été crédible et transparent et les électeurs ont pu participer librement », salue-t-il, déplorant tout de même des « défaillances » liées à l’opacité du financement des campagnes et à l’utilisation abusive des ressources publiques.

Gestion efficace de la crise

 

Réélu pour un deuxième et dernier mandat, Nana Akufo-Addo a été notamment récompensé pour sa gestion efficace de la crise sanitaire. Le pays a eu à déplorer moins de 330 décès et la population a su gré au président du généreux plan de soutien mis sur pied pour venir en aide aux familles et aux entreprises.

Cet ancien avocat au visage rond et jovial, rejeton de l’aristocratie politique ghanéenne, est aussi salué pour avoir piloté l’économie plutôt habilement jusqu’à l’arrivée du Covid-19. Dans ce pays riche en or, en cacao et en pétrole, la croissance a dépassé les 6 % lors de ses trois premières années au pouvoir. Mais l’irruption du virus a brutalement interrompu cette dynamique : l’activité ne devrait pas dépasser 1 % en 2020, sa progression la plus faible depuis presque quarante ans.

« Avant que la pandémie ne frappe, le Ghana était, ces dernières années, l’une des économies à la croissance la plus rapide du monde et, je vous donne ma parole, nous allons rétablir cette réputation », a déclaré le président réélu dans un discours prononcé depuis sa maison, à Accra. La partie ne sera pas facile. L’endettement est monté en flèche ces derniers mois, jusqu’à atteindre plus de 70 % du produit intérieur brut, et les investisseurs réclament au pays des taux d’intérêt de plus en plus élevés.

Opposition forte au Parlement

Porté au pouvoir en 2016 avec l’image d’un homme intègre, Nana Akufo-Addo va devoir également faire la preuve qu’il est réellement déterminé à lutter contre la corruption. Si le pays n’est pas le plus mal classé à l’échelle du continent, aucun progrès n’a été enregistré depuis quelques années. Pis, la fin de son premier mandat a été entachée par les polémiques, notamment après la démission fracassante du procureur anticorruption Martin Amidu, qu’il avait lui-même nommé. Ce dernier accusait le chef de l’Etat d’avoir tenté de lui faire enterrer un rapport explosif sur une société offshore créée par le gouvernement pour gérer les redevances minières, ce qu’a démenti la présidence.

La question de l’amélioration des conditions de vie demeure aussi centrale dans le débat politique, alors que le boom économique des dernières années s’est accompagné d’une hausse des inégalités. Selon un sondage réalisé en 2019 par Afrobaromètre, plus de la moitié des électeurs regrettent que la politique du président n’ait pas réussi à créer davantage d’emplois.

Le gouvernement se retrouvera peut-être également contraint d’envisager une nouvelle façon de faire de la politique dans un pays où prévalait jusque-là le principe du « winner takes all » (« le gagnant remporte tout »). « La victoire de Nana Akufo-Addo n’est pas une surprise. Ce qui l’est, en revanche, c’est le très bon score pour le NDC aux élections législatives, estime ainsi Franklin Cudjoe, directeur du cercle de réflexion ghanéen Imani. Désormais, le président va devoir compter avec une opposition forte au Parlement. Cela posera enfin de vraies limites au pouvoir présidentiel. »

S/LMA/AFRICSOL

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