Vie en ligne : «Je passe près de 20h par jour sur les réseaux sociaux», raconte Carrie, qui souffre du syndrome FoMO

 

Voici l’histoire de Carrie*, accro depuis cinq ans aux réseaux sociaux. Son témoignage rejoint notre série « Cassé(s) Net » qui explore l’impact de nos usages numériques sur notre santé mentale. Hypocondrie, dépendance, syndrome FoMo (fear of missing out, la peur de rater quelque chose)… Chaque épisode illustrera, à l’aide d’un témoignage, un symptôme de ces dérives.

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Je suis une véritable accro aux réseaux sociaux, à Instagram et Facebook en particulier. J’y suis tout le temps, toute la journée, quasiment 24 heures sur 24. C’est simple, consulter les réseaux sociaux, c’est ma principale occupation. Toute ma vie tourne autour de ça, et je n’arrive plus à m’en défaire aujourd’hui. Quand je me lève le matin, c’est d’ailleurs mon premier réflexe. Mes yeux sont à peine ouverts que déjà, je pianote sur mon téléphone. Parfois je me réveille même avec le smartphone à la main, car ça m’arrive de m’endormir avec la veille au soir… Et à chaque fois, c’est le même rituel : je consulte d’abord mon compte Facebook, puis les différentes pages sur

lesquelles je publie les photos que je réalise (concerts, animaux, paysages…) et ensuite mon compte Insta, où la aussi je poste énormément de clichés.

Je ne perds pas une minute de ma journée, même quand je vais aux toilettes, je vais sur Insta, Facebook ou même TikTok. Je suis comme un robot, mon pouce fait machinalement défiler ce qu’il y a à l’écran. J’ai bien conscience que tout ça prend énormément de place dans ma vie, et que ce n’est pas normal d’y passer autant de temps. Mais c’est un vrai besoin, quelque chose dont je ne peux plus me passer. Quand je ne peux pas consulter mes comptes, ou mes messages, c’est la panique. Je n’ai pas toujours été comme ça. J’ai aujourd’hui 43 ans, et ça va faire maintenant 5 ans - depuis que je me suis lancée dans la photographie – que les réseaux sociaux rythment ma vie au quotidien. Je n’arrive même plus à calculer combien de temps j’y consacre chaque jour. Comme je suis insomniaque, et que je dors très peu la nuit, j’ai l’impression de ne jamais décrocher. Au final, si je devais faire un décompte, je dois y passer entre 18 et 20 heures par jour, 365 jours par an.

« J’ai l’impression de manquer certaines choses, de passer à côté de certains événements »

Mon entourage a commencé à me dire qu’il fallait que je décroche un peu. J’ai souvent le droit à des remarques de gens autour de moi, mais je n’y prête aujourd’hui plus attention. Je me dis qu’au final, je ne fais rien de mal. Et qu’au contraire, tout ça me fait du bien, que ça m’aide à oublier mon quotidien pas facile. On m’a découvert un cancer du sein l’an dernier, et ça m’aide à évacuer le stress et l’anxiété causés par la maladie. Le virtuel me permet de m’échapper, de surmonter le quotidien, que je prends désormais avec plus de philosophie. Sur TikTok par exemple, beaucoup de gens parlent de leur maladie, et ça me fait du bien d’échanger avec eux. Mais à force d’avoir toujours le nez sur des écrans, j’ai parfois l’impression de passer à côté de certains événements, de manquer certaines choses…

« J’ai souvent des crampes au bras droit. Des fois je n’arrive même plus à le bouger, je suis complètement paralysée »

J’ai conscience que c’est une forme de pathologie – et qu’elle porte un nom, le syndrome FoMO [Fear of missing out] – car l’idée de louper quelque chose sur les réseaux sociaux m’est tout simplement insupportable. C’est simple, pour moi c’est comme une drogue ! C’est une véritable maladie, je le sais bien mais je ne peux rien y faire. Je connais des gens autour de moi qui en deviennent agressifs. Certains arrêtent même de voir des amis juste par peur de manquer un événement sur les réseaux. Moi je n’en suis pas encore à ce stade, bien heureusement. Mais quand je vois la jeune génération qui a été biberonnée avec les réseaux, ça m’inquiète vraiment… Je ne suis pas pour autant prête à baisser ma consommation. Ça me fait tout simplement du bien de parler à mes followers, ou même à des gens que je ne connais pas. Je n’ai franchement pas envie de changer mes habitudes, en tout cas pas aujourd’hui.

Pourtant mon usage abusif des réseaux sociaux a un véritable impact sur ma santé, mentalement et physiquement. J’ai souvent des crampes au bras droit, je n’arrive même plus à le bouger des fois, je suis complètement paralysée. Ça a aussi un impact sur ma vue, déjà que je suis presbyte… Je vois de moins en moins bien, ma vision se détériore. Alors oui, c’est sûrement lié aussi à l’âge, mais je sais bien qu’être 24h sur 24 derrière un écran n’arrange pas les choses. J’aimerais bien me faire soigner, mais le problème aujourd’hui, c’est que l’addiction aux réseaux sociaux, et d’une manière générale les addictions numériques ne sont pas considérées comme de véritables pathologies…

S/2OM/Africsolprod

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